Signalement

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Sophie Rabau

Sophie Rabau est enseignant.e chercheur.e (Sorbonne Nouvelle, Paris) et auteur.e. Iel s’intéresse à la recherche-création littéraire, notamment à la critique créative. Iel publie des essais-fictions, des romans et, de temps à autre, un poème. Son dernier roman, paru en 2024, s’intitule Le Bal masqué de Théodore Reinach. Iel envisage de changer de nom. Iel s’appellerait Jeanne Al-Chams. Mais rien n’est sûr en la matière.

Donc

 

 

 

Le soleil est noir

Comme

Un soleil noir

Non

Le soleil est noir comme

Un Van Dyck et pourtant

Je peux le dire, je connais bien,

Il ne fait pas souvent soleil dans les tableaux de Van Dyck dont j’aime tant le noir comme

Un soleil noir comme les yeux de mon père

Pas un soleil mon père mais s’il avait été un soleil, je peux bien le dire à présent, il aurait été noir comme ses yeux

Ai-je dit à ce propos que les descendants de Circé ont des yeux rayonnants parce qu’ils, elles aussi, descendent du

Soleil mais on ne sait pas, les sources muettes sur ça, s’ils avaient, elles aussi, les yeux noirs parce qu’il faudrait savoir, j’ai oublié, qui était le père de Circé, on ne le dit jamais, sa nièce on sait

C’est Médée dont les yeux callassent noir c’est rare, je m’égare, le soleil est noir comme un orage, j’aurais bien dit comme une orange, mais déjà pris par la terre, bleue comme un soleil noir d’orage, car la terre a le blues moi aussi quand je pense aux yeux noirs de mon père tu parles d’un soleil un loup je ne dis pas un loup noir

Et quand on m’a demandé de faire un dessin les autres enfants faisant des soleils, j’ai pris toute la couleur noire, j’ai fait, on m’a demandé, un noir, un grand noir, ce que c’était, alors j’ai dit, les autres disaient un soleil, c’est un soleil, j’ai dit c’est un loup et on a écrit, sur mon dessin, un loup, mais ce n’était pas un loup, c’était un soleil noir, personne n’a rien vu, plus tard j’ai pris la peinture jaune, j’ai fait des mimosas sur une feuille noire, c’est vrai la feuille était noire, jaune les petits soleils, c’est bien on a dit, c’est bien, elle fait des progrès en dessin, mais le loup noir personne n’a rien dit jamais, et j’ai compris, je préfère le dire aux soleils débutants, aux jeunes loups, aux filles de père aux yeux noirs, à Médée aussi je le dis, à Circé même j’ai compris, les soleils noir, c’est bien joli, ça se compare, ça se compère, ça se comme du charbon, comme khôl caviar nuit, comme Van Dyck peintre flamand.

Bien joli, mais ça vaut rien pour signaler, normal c’est noir, le noir ça ne fait pas de bruit pour ça que les loups sortent souvent par nuit de soleil noir

Vaut rien

Soleil noir

Pour cri secours vaut rien

Voyez : vous n’entendez rien.

 

Antoine van Dyck, Déploration du Christ, vers 1640, huile sur toile, 115,5 x 207,5 cm, KMSKA – Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers.