Qui es-tu Patricia Hale-Naipaul ?

Qui es-tu Patricia Hale-Naipaul ?

Simon Harel

Simon Harel est professeur titulaire à l’Université de Montréal et membre de la Société royale du Canada, Académie des arts, des lettres et des sciences humaines. Il est aussi directeur du Laboratoire sur les récits du soi mobile (LRSM), codirecteur du Centre de recherche des études littéraires et culturelles sur la planétarité (CELCP) et cofondateur de L’Organon. Depuis quelques années, il réfléchit aux récits du don et de la vie en contexte de soin dans le cadre de recherches affiliées à la Chaire McConnell-Université de Montréal dont il fut cotitulaire. Lauréat de la Fondation Trudeau, il mène depuis plus de trente-cinq ans des travaux de recherche qui sont subventionnés, entre autres, par le CRSH et le FRQSC, qui se fondent sur le principe du travail de terrain et de l’accompagnement dans le domaine des études littéraires. Il est l’auteur, le directeur et le codirecteur de plus de soixante monographies, volumes collectifs, fictions et numéros de revues. Il s’intéresse actuellement à la question de la voix et de la ventriloquie littéraire.

Me voilà au cœur d’une aventure – l’écriture d’un article n’est-elle pas autre chose qu’une fugue ? – que j’essaie de recomposer vaille que vaille. C’est d’un séjour à Tulsa qu’il sera question sous les auspices de Patricia Hale et de V. S. Naipaul.

Je me suis retrouvé à Tulsa un peu par hasard. J’ai en effet été le premier surpris d’aboutir dans un lieu dont je ne connaissais à peu près rien. J’y ai séjourné à la recherche de l’ombre de Patricia Hale qui ne fut pas une suivante/servante mais une femme de tête, déterminée, coupable d’avoir vécu – mais n’est-ce pas ici même un jugement de valeur inadmissible – dans l’ombre de Naipaul. Un projet de livre était le point de départ de cette quête.

Comment dire ces choses sans esquiver la maladresse de mon propos qui tente de concilier les figures d’un couple impossible, comme il en existe tant ? Naipaul fut à première vue un être solaire, affamé de gloire et de prestige. Un être qui dévorait tout sur son passage, l’auteur d’une œuvre immense même si elle est aujourd’hui en passe de sombrer dans l’oubli du fait de la relecture décoloniale d’écrits qui sont réduits au statut de documents impérialistes et occidentalistes. La critique de l’œuvre est parfois facile mais ce n’est pas l’objet de mon propos aujourd’hui1Cependant, des ouvrages m’ont été d’une grande utilité dans le contexte de la rédaction de cet article. Il s’agit de : Richard Allen, « A Post-Colonial World: Look Back in Anger and The Enigma of Arrival », in Literature and Nation: Britain and India 1800-1990, London, Routledge, 2000, p. 138‑153 ; Roger A. Berger, « Writing without a Future: Colonial Nostalgia in V. S. Naipaul’s A Bend in the River », Essays in Literature, vol. 22, no 1, 1995, p. 144‑156 ; Christine Crowle, « V. S. Naipaul, The Enigma of Arrival and The Unbearable Body », New Literatures Review, vol. 30, 1995, p. 97‑112 ; Florence Labaune-Demeule, « De Chirico Revisited: The Enigma of Creation in V. S. Naipaul’s The Enigma of Arrival », Commonwealth Essays and Studies, vol. 22, no 2, 2000, p. 107‑118..

J’ai séjourné à plusieurs reprises à Tulsa, pour des raisons professionnelles. Séjours en bibliothèques, consultation des archives de Naipaul répertoriées à l’Université de Tulsa, participation à des colloques et congrès consacrés à l’œuvre chantée de Bob Dylan. Mon premier contact avec la ville fut pénible. Chaleur torride, humidité envahissante, surfaces bétonnées et lacis d’autoroutes au cœur de la ville. Sans oublier un soleil dont la permanence m’anesthésiait. Je cherchais un peu d’ombre, je cherchais Patricia, mais je ne la voyais pas. En proie à l’éblouissement, je ressemblais à l’un de ces personnages qui trouvent place dans L’Énigme de l’arrivée et de l’après-midi de Giorgio de Chirico.

C’est une toile célèbre qui a inspiré une multitude de commentaires. Naipaul en fait le point de départ de L’Énigme de l’arrivée, un livre en partie autobiographique qui relate une convalescence au cœur de la campagne anglaise à la suite d’une grave maladie. Que voit-on dans cette toile ? Des bâtiments portuaires aux formes effilées, un sol qui a l’apparence d’un damier, des voiles dont le mât est coupé par la perspective d’une infrastructure maritime de couleur sable. Et puis, deux personnages habillés de longues robes, des personnages sans visages que nulle ombre n’accompagne. Tandis que les docks projettent des ombres taillées au couteau sur le sol, la présence humaine se réduit à des silhouettes dont l’opacité et l’étanchéité que décrivent leurs vêtements où ne perce nul épiderme sont soutenues in absentia par la disparition de toute ombre portée. Le vertige solaire, en somme l’éblouissement, nous apparaît dans cette toile de Chirico sous l’aspect d’un astre qui est hors champ, absent du registre de la présentation picturale.

Si j’insiste sur l’énigme de cette toile qui porte bien son nom, c’est que j’y vois une monstration – les gestes en apparence statufiée de ces personnages sans visage – qui semble vouloir tenir au loin le spectre de la dépression. Me voilà donc de nouveau aux prises avec la figure de Patricia. Cette dernière trouve place dans cette toile de Giorgio de Chirico. Elle est selon moi l’énigmatique figure voilée qui ne laisse aucune ombre accompagner sa démarche. Au contraire de V. S. Naipaul qui vit l’accomplissement d’un vertige solaire et situe l’œuvre au zénith de son génie créateur, il m’apparaît que ces silhouettes voilées, telles qu’on les observe dans la toile de Chirico, ne correspondent pas au même projet. Ces silhouettes de femmes – je me permets ici de faire place à mon effervescence imaginative qui invente ce que je vois, je l’avoue – sont des copies de Patricia.

Naipaul se veut l’égal de l’astre solaire. Reviendrait-il alors à Patricia d’incarner le soleil noir de la mélancolie ? Et du fait même, l’absence d’ombre qu’il fasse soleil ou non ? C’est cela la dépression, le fait de vivre dans un monde où vous devenez spectre, étranger à vous-même ainsi que le veut l’expression devenue tiède et convenue. La dépression est en effet un soleil noir qui vous brûle au-dedans tandis que vous tentez vaille que vaille de tenir le coup devant vos proches, de ne rien laisser paraître.

Je ne sais pas si Patricia Hale fut cette femme déprimée, dévorée par un soleil noir qui ressemble à un cancer. En tout cas, elle fut « la » femme de Naipaul, la dédicataire privilégiée de V. S. Naipaul. Certes, être l’épouse de l’écrivain lui a conféré une place de premier plan, cependant son rôle s’est avéré plus complexe que cela. D’abord, elle participa à un processus qui la fit passer de destinataire à dédicataire ; ce qui apparaît donc comme un fonctionnement du couple doit être mis en contexte, sinon comment répondre à la question « Qui es-tu Patricia Hale ? ». Ce devenir-dédicataire constitue la première étape dans la construction de ma réflexion sur la fameuse énigme de l’arrivée qui m’habite, persuadé, dès le début, que le point final ne peut être la mort, c’est trop facile, trop évident. Il me faut creuser pour saisir comment la position de Patricia-dédicataire s’inscrit, du moins dans un premier temps, au cœur de la biographie.

Patricia a pour deuxième prénom Ann, mais celui-ci a déjà disparu de l’histoire quand la jeune étudiante entre dans la vie oxonienne de V. S. Naipaul le 9 février 1952 alors qu’il est un étudiant peu sûr de lui, mais avide de connaissances. Cette étudiante de premier cycle à Oxford n’a pas eu la vie facile jusque-là : issue d’un milieu pauvre, elle vit avec sa famille au nord de Birmingham. Sa mère est malheureuse en mariage mais elle se sacrifie pour les autres. De son côté, la jeune fille travaille fort, gagne un prix en rhétorique, écrit des pièces de théâtre et se dit qu’elle pourrait bien devenir comédienne. Elle y pense depuis ses huit ans. La voilà donc à Oxford, premier tremplin pour sa future carrière. Membre de la Oxford University Dramatic Society, elle s’occupe des affiches pour une pièce de théâtre, Skipper Next to God de Jan de Hartog, ce mois de février 1952, lorsque Vidia la remarque. Il la trouve jolie et aime son visage plein de bonté. Le lui dit-il au-dessus d’une tasse fumante d’Earl Grey en émiettant des scones ? Je ne pense pas. Celui qu’on appelle « Vidia » a alors 19 ans, et il n’a connu que quelques flirts sans conséquence. S’il va gagner en assurance, se faire publier et ne plus jamais parvenir à lâcher la plume, c’est un peu grâce à celle avec qui, pour commencer, il va prendre un thé un jour de février qu’on ne peut qu’imaginer froid et humide. C’est un départ de romance so British, si vous me permettez l’expression.

À Tulsa, je lisais les lettres que V. S. Naipaul a adressées à Patricia, les lettres de celles-ci à Naipaul, les lettres de 1952 et les suivantes, 15 à 20 feuillets à chaque fois, des billets doux, les mots d’amour des commencements, quand on se doit tout, quand on s’aime, quand on ne se quittera pas parce que l’amour, c’est certain, c’est pour la vie. Pourquoi faut-il que tout s’effiloche, se gâte ? Pourquoi faut-il que le temps impose sa loi ? Banalités, je le sais, qu’on voudrait éviter quand il s’agit du monde de la littérature. Mais même en connaissant la suite de l’histoire, je confesse que pénétrer dans le monde des débuts naipauliens aux archives m’a grandement ému.

Premiers nuages

Au départ de leur relation, confie Naipaul à son biographe, des nuages gris assombrissent l’idylle : il ne peut gérer ses nerfs, qu’elle a fragiles, et les siens ne valent guère mieux. Il l’épouse quand même en 1955 malgré les nerfs et sa blancheur – ou peut-être à cause de… Car cette rencontre avec Pat sous la grisaille anglaise, dans une ville maussade qui ne lui plaît pas, se fait quelques jours seulement après qu’il a reçu une lettre de sa mère, restée à Trinidad. La supplique de celle-ci avait peut-être déjà pour lui le doux parfum de la transgression : « don’t marry a white girl please don’t2Patrick French, The World is What It is: The Authorized Biography of V. S. Naipaul, New York, Knopf, 2008, p. 88. Désormais abrégé en TW suivi du numéro de page. », lui écrit-elle. Quant au père, il soutient l’opinion de son épouse, avant de la modérer : « Who you should marry is entirely a matter for you; though for my part I should be more happy to see you marry an Indian, in the end it must be as you yourself choose. » (TW, 88). Comment résister ? Patricia est jolie, cultivée, fait partie de la Oxford University Dramatic Society, et elle est blanche. Il sera marié à elle jusqu’à sa mort en 1996 – qu’il épouse ensuite une journaliste pakistanaise est déjà une autre histoire, une voie que je n’explorerai pas. C’est Patricia qui m’intéresse en ce qu’elle est intimement liée à la trajectoire de l’écrivain, elle l’admire, veut être avec lui et, pour y accéder, accepte de passer son existence dans son ombre.

Comme Vidia, qu’elle rencontre donc à Oxford, elle étudie avec acharnement. Elle rêve de réussite. Ils échouent tous deux à obtenir la mention « Très bien » à leur examen. C’est une déception pour les deux boursiers. Dans le cas de Naipaul, elle est peut-être moins aiguë, eu égard à l’opinion favorable de son professeur d’anglais, un certain… J. R. R. Tolkien. Le meilleur en anglais ? C’est ce que lui dit donc celui qui a marqué la littérature du XXe siècle avec son épopée The Lord of the Rings. Beau compliment, assurément. Et déjà le goût de la vengeance littéraire pour Naipaul, la graine de certitude de sa valeur. Quant à Patricia Hale, apprend-on grâce aux archives de Tulsa, l’année du diplôme – 1952 – est aussi celle de l’amour révélé. Elle le traduit en termes sobres et touchants :

I received your letter this morning. I can’t describe my feelings as I read it. I stood at the bottom of the stairs clutching the milk bottle and feeling alternately as great as the whole world and as humble the smallest speck of dust on it … I have just breakfasted on a huge peach, brown bread and butter and three cups of coffee. You are the only thing wanting. But wanting is a pleasant way, nevertheless. I suppose it is because I saw you on Monday but I feel very peaceful – as if I’d known you for a couple of centuries. (TW, 99). 

Dans une lettre qu’elle adresse à Vidia un an plus tard, le 13 août 1953, elle lui confie : « You made me wonderfully happy yesterday », « you’re very sweet to me and I don’t deserve it3Patricia Hale-Naipaul, Bibliothèque McFarlin, Université de Tulsa. », puis ajoute dans la même lettre : « I love you verry much ; other people just don’t seem real you’re so much you at times4Ibidem. ». Elle signe à l’époque de son nom « Patricia N. » Les échanges sont nombreux durant cette période, sur le même ton tendre, parfois ramassés en une simple formule dans un télégramme du jeune homme amoureux, du genre « I missed you ». Elle va plus loin : Vidia n’a plus d’argent, elle lui envoie de la nourriture, elle le rassure. Elle est entièrement là pour lui, elle est prête, elle est mûre d’après moi pour endosser ce rôle de dédicataire. Il ne manque plus qu’à officialiser l’union : ils se marient le 10 janvier 1955, mais aucune famille n’est présente. Personne n’a été prévenu et cela prendra du temps avant que l’annonce soit officielle. Faisait-il beau ce 10 janvier, ou le ciel était-il chargé de sombres nuages ? Patricia, La Pat de Vidia n’eut pas d’alliance à mettre à son doigt, qu’importe pense-t-elle, ou peut-être le nuage gris sombre plane-t-il déjà au-dessus de sa tête, a-t-il honte d’elle ? Sa bague est sans doute de peu d’importance, dans juste un an, elle se l’achètera elle-même plus tard.

De l’ombre à la voix

Une fois épousée, Patricia devient donc « Pat » et s’écarte de la scène. D’une manière littérale, si je puis dire : rongé par la jalousie, Vidia ne supporte pas de la voir sur scène. Alors, elle renonce au théâtre. Elle se sacrifie, et nous touchons là un indice très important dans notre histoire : elle s’enferme dans un unique rôle, celui d’épouse, avec tout ce que cela implique. Car Patricia Hale se met en retrait par amour, par admiration, s’effaçant pour s’occuper de son « maître », à l’instar du modèle maternel, ainsi que le souligne French en partant d’une confession de l’auteur :

I think pride entered into her care for me … She sacrificed life to self-sacrifice. But the loneliness of life in the flat at Kingstanding must have reinforced her obsessions with her own fate, and with my future. Like many people, Pat could see the mistakes her parents had made with their lives, but was unable to avoid making different, though related, mistakes in her own. She too would, finally, sacrifice life to self-sacrifice. (TW, 159).

De tels propos sont durs, tranchants même. Des questions, que je ne souhaite minimiser, me taraudent, sans doute une déformation personnelle inspirée d’un usage immodéré de la psychanalyse : Naipaul semble se livrer à son biographe en toute sincérité, pourtant n’est-il pas en même temps dans un projet d’autodestruction ? De son côté, French a-t-il étudié le journal intime de Patricia Hale-Naipaul ? A-t-il pris le temps de se forger une image autre que celle que son époux a voulu lui donner en pâture ? La réalité est toujours plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord.

Patricia Hale rêvait de devenir comédienne, nous apprend son journal intime. Elle y aspirait. Oui, c’est vrai qu’elle abandonne tout pour se mettre à la disposition de Vidia, ce jeune homme venu de Trinidad pour, tel Rastignac, conquérir le monde. Son Paris à lui, c’est l’Angleterre, dont il se fait un point d’honneur de maîtriser la langue et les codes. L’anglais lui sert de médium pour dire l’exil et la souffrance qui l’accompagne, pour dire le mal du monde – partout répandu, partout égal. Vidia est d’un pessimisme rageur, Patricia reconnaît en lui la force d’un digne héritier de Conrad. Petit à petit, l’œuvre se construit : elle sera l’édifice postcolonial définitif, rien de moins. Au début de leur histoire, Patricia ignorait alors – mais qui l’aurait su ? – que l’édifice littéraire de V. S. Naipaul se fissurerait quelques décennies plus tard, avec des changements de mentalité, et ce, sans possible marche arrière. J’écris cela non pour faire dire à Patricia ce qu’elle n’a pas formulé, mais pour tenter de traduire les sous-entendus, les silences éloquents d’un journal intime où elle ne cesse de parler de lui. Elle insiste sur son génie, elle mentionne ses déplacements, ce qu’elle relit patiemment, ce qu’elle corrige aussi. Le mot « maître » vient à l’esprit, il n’est pas choisi au hasard : il fait écho au « maître à penser » tel que l’entend Bernhardt par exemple dans son œuvre, et dont j’ai longuement parlé dans un essai ; il fait écho au maître dans le sens de l’homme qui exerce une domination sur la femme, sur sa femme en l’occurrence. Les deux sens du mot « maître » fusionnent ici pour désigner cette relation de dépendance et d’admiration de Patricia Hale.

Tulsa, printemps 2003 : je compile à m’abîmer les yeux, je lis jusqu’à l’heure de la fermeture de la bibliothèque le journal intime de Patricia, au point que j’ai l’impression étrange, diffuse, d’en être le destinataire privilégié. Il faut savoir qu’elle a beaucoup écrit, des centaines de milliers de mots, assurément, dans pas moins de vingt-quatre cahiers, entre 1962 et 1995. L’exercice n’est pas facile, car il s’agit le plus souvent de notes, de pensées jetées sur le papier et dont le côté fragmentaire surprend. Des notes éparses s’y ajoutent, de toutes les couleurs. Elle paraît s’adresser à moi, transporté en février 1982 à ses côtés. Il faut dire que certains passages sont indubitablement un appel au lecteur, signe que son journal était aussi un projet littéraire ou en tout cas qu’il aspirait à la publication :

The Genius has gone to South America to check up on feeling there, amongst other things, giving me the chance to reflect … 1982 Personal Crisis. In my case past? Just grindingly coping >or not, only partly<. I made a brief note about my relationship with the G., in the autumn, that it was not sufficient for life. And I address you, reader – you would not want me for life but then – what presumption – perhaps you would. But perhaps you would. Perhaps you are my destiny. After all. (TW, 400).

C’est une impression étrange que celle d’entendre une voix par le biais d’un texte écrit. Si l’on suit Derrida5Jacques Derrida, La voix et le phénomène, Paris, Presses universitaires de France, 1967 ; Jacques Derrida, De la grammatologie, Paris, Éditions de Minuit, 1967. sur ce point, la voix n’est-elle pas reliée en Occident à une présence absolue ? Ce qui ajouterait une valeur, si l’on se réfère à la voix de Naipaul retranscrite par French, et diminuerait celle de Hale, qui serait enfermée dans une forme d’absence puisque reliée exclusivement à l’écriture.

Aucun enregistrement n’est disponible, aucune vidéo rendant compte de sa manière d’articuler, de prononcer les mots, à quel débit, etc. Rien que la trace de l’absence. Mais voilà pourtant que cette voix, je la perçois quand même, et elle résulte d’un apprendre à entendre comme on peut en faire l’acquisition. Autrement dit, j’ai fait, grâce à elle, l’apprentissage de la ventriloquie : son absence a provoqué chez moi la volonté de la faire parler. En somme, l’absence engendre l’absence, le silence crée la voix. Ou tout du moins une voix autre (la mienne) en lieu et place d’une autre, celle de Patricia Hale. Je dis « lieu et place » pour en signifier la position géographique – cette voix ventriloque vient de mon propre corps – mais en même temps pour désigner un espace privilégié de rencontre. Car ma voix rejoint alors Patricia, elle se décorporalise pour faire acte de parole. Est-ce pour autant que je parle en son nom ? Certes non. Il ne s’agit pas de réifier Patricia Hale, mais au contraire, de lui donner vie.

Pour parvenir à ce phénomène singulier, il convient qu’il y ait dialogue. Sur ce point, à force de lire les notes de Patricia Hale, j’ai fini par avoir l’impression qu’elle s’adressait à moi, sur le ton de la confession intime, qu’elle me parlait directement sans que je puisse pour autant évoquer ni le timbre de sa voix ni rien de charnel. Qu’importe, loin de l’œuvre de Naipaul, la voix d’abord absente s’incarne, constitue un bref sursaut pour se sentir vivante. Elle n’est pas signe de la présence absolue mais relative d’une femme jusqu’à récemment oblitérée. Preuve ou constat que l’ombre ne suffit pas, qu’il faut un peu de lumière, qu’il lui faudrait bien exister par elle-même. Patricia a aussi songé à l’écriture d’une autobiographie, vers la fin des années 1980, mais comme ses autres écrits, elle ne poursuit pas son projet, lequel est abandonné après quelques esquisses, ainsi que le souligne French : « Pat still made occasional use of her diary, and was hoping to write an autobiography. It became an attempt to expiate her deep unhappiness. Like her other writings, it was disjointed and went through dozens of drafts before stopping […]. » (TW, 431). Ces maigres tentatives seront vouées à l’échec, car elle s’est enfermée dans un rôle à tenir qui tient ici à une forme de marionnette désarticulée, ce qui explique le côté décousu de ses écrits. Sa voix est morcelée, au même titre que son être.

Le silence est associé à la non-parole pour qui écoute sans parler, et celle-ci est une forme de violence dont il faut tenir compte puisqu’elle coupe l’être de son expression, le réduisant à n’être qu’un support à impression. Shani, la fille de Kamla, la sœur de Vidia, s’exprime sur ce point à propos d’une de ses visites dans leur Dairy Cottage : « He would sit for hours in his dressing gown and think into space. You could say nothing. You couldn’t turn on the TV, and had to tiptoe around him. Then he would go and write in the evening, and read it to Pat and me. There was always a tension. I couldn’t imagine him writing without Pat6Extrait d’une entrevue de Shani, 17 septembre 2004, rapportée par Patrick French (TW, 413). ». Il faudra bien tenir compte de cette lecture à haute voix, avec Pat comme première auditrice dans le processus créatif de Naipaul. Shani ne peut pas concevoir l’écriture de Naipaul sans le support de Patricia Hale, mais à la condition d’être mutique, effacée, transparente, n’ayant retrouvé l’usage de la parole que pour parler du texte lu, soit un écrit dont j’ai déjà souligné le lien à l’absence. Tout un jeu de paradoxe caché/révélé se met en scène : un texte muet qui s’écrit à la condition que Pat soit muette ; un texte se lit, s’incarne, devient présence absolue par la seule voix de Naipaul ; Patricia a son mot à dire, elle recouvre partiellement le droit à exercer sa voix mais dans le seul objectif de parler du texte.

Il ne peut être sans elle, à condition qu’elle soit silence. Il ne peut publier sans elle, à condition qu’elle soit oreille. Parfois bouche, mais de manière concise, pas de tirades-fleuves, pas de développements, un seul « j’aime » ou « je n’aime pas » ou « peut-être à couper » suffit à l’auteur. C’est un rôle en soi, un rôle de réceptacle que Patricia a dû apprendre. Ainsi est-elle devenue « dédicataire première » comme on apprend à faire cuire un rôti ou à conduire, la destinataire essentielle pour celui qui entre-temps – le temps de l’écriture et celui de la publication – semble ne pas la considérer. Or, en attendant autant d’elle, en la positionnant comme celle qui a le pouvoir sur lui, il se met lui aussi en danger. Cette pensée-là dessine des failles dans cet étrange duo, et dresse aussitôt des murailles, des remparts. Elle offre, sans qu’elle le sache, un rôle plus déterminant que prévu à Patricia à qui l’œuvre de Naipaul est entièrement destinée, alors qu’elle lui a consacré son existence. Bien entendu, il n’est pas question de mettre les deux en balance, d’y ajouter une plume pour la pesée des âmes. En revanche, s’éclaire un peu notre sujet : Patricia a une destinée autre que celle du silence des morts et de quelques mots griffonnés avidement dans son journal.

De la voix à la contre-voix

Patricia s’échappe de l’ombre du Maître, elle est celle dont l’avis importe avant tout, qui peut sortir les ciseaux. Car ses études et son intelligence lui permettent d’avoir une vision très fine de l’œuvre de son époux. Je l’appelle « Patricia », d’ailleurs, lorsque je pense à elle en tant qu’épouse dans l’ombre. Et ce n’est en aucun cas par manque de respect, ou pour créer une forme de sympathie artificielle. Je l’appelle Patricia parce qu’elle est une ombre diffuse qui ne demande qu’à s’incarner. Ann n’importe pas, Hale disparaît, madame Naipaul en tant qu’épouse s’efface, Pat appartient à son maître. Seule Patricia reste. À peine, me direz-vous. Contours flous, certainement. Pourquoi ? À cause de quoi ? Du projet fou de Naipaul, en partie : ce projet, elle l’a embrassé, elle y a cru (et en cela elle avait misé juste) et cela l’a étouffée.

Tandis que la mère de Naipaul a dit clairement « non » à la possibilité d’un mariage mixte, que le père a enterré ses velléités d’écrivain, Vidia a épousé Patricia. Elle n’en est pourtant pas réduite à être une ombre. Avec elle se met en place une forme discrète de « contre-voix », une voix qui s’élève pour se faire entendre, pour dire non pas « je ne suis pas d’accord », mais pour dire simplement : « j’existe », « il faut compter avec moi », « je fais partie des voix qui ensemble appartiennent au dire de l’œuvre ». En le formulant ainsi, vous le comprenez, j’entends « contre-voix » non pas en lien avec ces « contre-voies » qui valideraient une forme d’opposition, le fait d’emprunter une autre porte et, de fait, de s’écarter du chemin tracé. Au contraire, je creuse le chemin tracé, et la contre-voix que j’essaie de conceptualiser est en lien avec le « contre-chant » ou la « contre-mélodie », elle partage le même sillon. De sorte qu’elle participe, à sa manière, à une mélodie secondaire jouée en accompagnement d’une musique principale. Elle peut se superposer à elle dans une volonté de désaliénation parce qu’en définitive, elle trouve sa voix à travers mes mots.

L’idée de contre-chant appartient à l’histoire de la musique, elle remonte loin ; la notion de « contre-voix » devrait elle aussi, selon moi, appartenir à l’histoire de la littérature, elle servirait alors à faire entendre les voix à côté, les voix secondaires qui font partie de l’œuvre et qui posent, par leur place elle-même (être derrière, à côté), la question toujours cruciale du destinataire. Car de telles contre-voix ne sont pas destinées à être entendues au cœur de l’œuvre, à la différence de la polyphonie bakhtinienne. En les faisant advenir, mon but est ici de faire en sorte qu’elles appartiennent dorénavant à l’œuvre complète, sans pouvoir en être écartées.

Ainsi, au cœur d’une relation toxique, Patricia fit-elle office de secrétaire, de correctrice, de réviseure, occupant tous les métiers dans l’ombre du maître, là, à son service, toujours – ombre dans l’ombre qui a sa part dans la construction d’une œuvre comme nombre de femmes avant elle, placées derrière des Titans, des Géants et tous ces demi-dieux qui foisonnent dans la mythologie antique. French livre cette image monolithique. On se croirait dans une tragédie grecque, avec cette femme qui tisse dans l’ombre et se tait : Patricia s’est sacrifiée pour Naipaul, ne vivant que pour lui. Moni Malhoutra, en visite chez le couple vers la fin des années 1980, a ce constat sans appel :

Pat treated him with great reverence. Always. It was almost like appreciating a deity. She was awed by him, and I think it made it difficult for her because she was aware that she had to do her bit to encourage the flowering of his talents: if that meant not creating a single creak when walking in the house, so be it. She was a very Indian wife in many respects – more Indian than most Indian wives – the way the woman sacrifices her own life for her husband. It was an unusual kind of relationship for an Englishwoman. (TW, 435).

Comment ne pas deviner, derrière la comparaison culturelle, le fantôme de La Servante écarlate d’Atwood, et avec lui, ceux de ces femmes asservies au pouvoir masculin jusqu’à la plus complète abnégation ? Cette femme-épouse-dédicataire dont l’œuvre écrite par son mari est à la fois la sienne, mais comment le dire, comment le penser, puisqu’il n’y a pas de preuve, sinon celle de l’accompagnement de l’œuvre du maître, sinon celle d’un couple qui dura trente-cinq ans, jusqu’au cancer de Patricia, sa mort en 1996 à l’âge de soixante-trois ans, puis celle de Naipaul vingt-cinq ans plus tard ? L’œuvre ne peut se lire sans un petit manuel biographique, j’en suis persuadé, cette synchronicité des points de vue narratif et biographique laisse rêveur. L’écrivain n’est pas juste ce résiduel d’un espace réservé, textuel.

À ce titre, et donc sans preuve autre que ma manière de relire le journal intime, les lettres et la biographie de French, Patricia Ann Hale-Naipaul est paradoxalement « absence présente » dans l’œuvre naipaulienne. Comment cette contre-voix se fait-elle entendre ? C’est la question que je me pose tandis que je nomme cette voix sans la connaître. Elle me parvient à certains moments de la nuit, couvrant les insupportables bruits métalliques de la cour de triage dans Côte-Saint-Luc ou de Lachine, à quelques kilomètres de chez moi, en fonction du vent, de l’humidité. Si je suis capable d’entendre ces bruits de nature industrielle, je suis capable d’entendre aussi la voix de Patricia, me demandant ce qu’elle veut bien me dire. La voix de Patricia sort du livre, mais de quel exemplaire s’agit-il ? Les folios, les éditions originales en français, les folios en anglais, les éditions originales en anglais, d’où cela vient-il ? Je ne le sais pas, mais je n’inventerai pas ici de scénarios pour faire parler les morts. Là est la limite de tout fantasme, et le chercheur prend le dessus.

Le mal d’archive

Qu’ai-je trouvé dans les archives à Tulsa sinon des mots, des carnets de notes et des documents de toutes sortes ? Pas de révélation au sujet de Naipaul, celui que Patricia Hale nomme, dans une de ses fictions, the genius, sinon la confirmation qu’il fut un piètre mari. Cet homme-là avait raté, oblitéré Patricia, alors qu’il savait pourtant si bien écrire sur les autres, qu’il savait si bien les « ventriloquer », les faisant parler à travers lui, se faisant traverser par eux pour donner voix au multiple :

J’avais découvert en moi-même – étranger toujours, un homme qui avait quitté son île et sa communauté avant la maturité, avant d’y avoir connu la vie d’adulte au sein de la société – un intérêt profond pour les autres, l’envie de me représenter les détails de leur vie quotidienne, de voir le monde par leurs yeux ; et cet intérêt m’amenait souvent tôt ou tard à pressentir – c’était presque chez moi un sixième sens – ce qui prédominait dans l’esprit de quelqu’un7V. S. Naipaul, L’Énigme de l’arrivée, trad. Suzanne Mayoux, Paris, Christian Bourgois éditeur, 1991 [1987], p. 309..

C’était comme si, alors qu’il était préoccupé par l’énigme de sa vie – celle de l’arrivée – il en avait oublié celle qui, à ses côtés, l’accompagnait dans cette traversée. Oublier étant peut-être moins dommageable que penser qu’il s’est seulement servi d’elle. Un mauvais mari, me disais-je, sans doute un sale bonhomme, mais que dire de plus sinon mesurer l’écart d’une œuvre et de celui ou celle qui la compose ? Mes séjours à Tulsa se seraient donc soldés par l’échec du chercheur de trésors ? On en parle assez peu dans les études littéraires, et pourtant, ce mal est partagé par beaucoup de chercheurs. Je croyais que les réponses à mes questions se trouveraient dans ces enveloppes de lettres d’amour du début des années 1950, dans le journal que tenait Patricia Hale, qu’elle tint toutes ces années. Comment penser trouver une explication à son statut de servante, de correctrice, d’amie, d’épouse, d’amoureuse, au début de son mariage avec Naipaul qu’elle rencontra alors qu’il était, lui-même, jeune homme à Oxford ?

Toute la question de l’explication – du fait de déplier, donc – se heurte au mal d’archive8J’emprunte l’expression à Jacques Derrida, Le mal d’archive : une impression freudienne, Paris, Galilée, 1995. qui s’est emparé de moi dès le deuxième jour de mon installation dans la bibliothèque McFarlin de l’Université de Tulsa, face aux cartons que je dépouillais, seul, sans que ce dépouillement conduise à un résultat autre que celui, pour moi, d’écrire mon livre. Car enfin, je n’étais pas là pour mettre au point une technique d’archivage, alors qu’il y en aurait eu tant besoin tant les documents relatifs à la vie de Patricia étaient présentés pêle-mêle. Ce premier constat m’éloigne d’autant de la simple expérience de la mémoire selon la leçon de Derrida. Cependant, il me permet de saisir en quoi j’ai vécu une partie de l’expérience d’archiviste, puisqu’il s’agissait bien d’expérimenter et d’embrasser d’un même regard ce qui tient de l’archéologique (la fouille au sein des archives consistant, je le rappelle, en des gestes fébriles, la tête dans les cartons emplis de papiers non triés) et de la dimension archaïque (à la recherche du souvenir). Derrida en a exprimé les limites, et bien que cette expérience ne soit réductible à ces deux dimensions (l’archive et l’archaïque), néanmoins, elle ne peut être biffée.

Dans le temps dépassé de l’expérience, tandis que, depuis mon retour, ce mal d’archive me travaille de l’intérieur, je me trouve coincé entre des apories, dans l’incapacité de m’affranchir de l’émotion concernant tout ce qu’implique ce « mal d’archive ». Je m’interroge non tant sur la pensée que sur l’intention de Derrida, fossoyeur aux allures d’Hamlet au cimetière, devant son crâne, à le faire parler. Chez le philosophe français, l’entreprise était puissante, permettant d’établir des rapports entre le témoignage, l’indice, la preuve, et tout ce qui peut faire office d’aide-mémoire. Ces frémissements, je les ai ressentis face à la diversité des matériaux à exploiter, face à ces trous dans une histoire à laquelle on a accès de manière fragmentaire, sorte de pêle-mêle qu’il nous revient de trier, d’organiser et dans mon cas, face à la frustration certaine de ne pas pouvoir faire plus que mon travail de chercheur de trésors – sachant que le trésor de l’un n’est pas celui de l’autre…

Quand Derrida manifeste dans le sous-titre de son ouvrage consacré au mal d’archive sa dette envers Freud (Une impression freudienne, écrit-il), je ne peux qu’abonder dans son sens. Qui d’autre que la psychanalyse freudienne aurait pu traiter à bras le corps cette problématique à partir d’un stockage, des impressions ? Dans le cas des archives concernant Patricia, tout le travail reste à faire. J’espère que d’autres iront fouiller dans les silences du texte qui peuvent exprimer la tension, le renoncement, l’espoir aussi. S’exprime, s’entrecroise, se déchire ce que Freud a nommé fort justement les pulsions de vie et les pulsions de mort et dont René Major, récemment, a exploré le « trouble induit par cette dualité pulsionnelle » en partant de l’hypothèse induite par la première topique freudienne, qu’il rappelle fort bien : « Avec l’hypothèse d’espaces internes à la psyché d’enregistrement, de consignation, d’impression, se trouve postulée une archive psychique, une prothèse du dedans en quelque sorte, distincte de la mémoire spontanée9René Major, « Le trouble de l’archive depuis Freud », Sigila, vol. 36, no 2, 2015, p. 26. » C’est ici que Derrida impose l’implication de la psychanalyse dans une approche de l’archive. Dans mon cas précis, l’archive inconsciente a pris le pas sur tout le reste, le refoulé s’est trouvé surgir par l’ombre silencieuse de Patricia, floutant le discours savant auquel j’étais habitué, et laissant advenir d’autres mots pour transcrire l’expérience de Tulsa. Plutôt qu’un mal d’archive, je dirais plutôt : mal archive, mal de mère, mal d’origine10« Archè » peut avoir le sens de commencement., abcès d’origine, si l’on veut, quelque chose vous fait mal, ça vous gratte, ça pustule, provoque des démangeaisons insupportables, et le mal d’archive, mal de mère, mal de père, et puis, en fin de compte, la crainte que dans tout cela, il n’y ait que des bouts de papier, des feuilles déchirées, des manuscrits mis à l’index, des pensées oubliées, effacées, le temps serait sombre, la nuit ne paierait pas de mine… mais en même temps, à Tulsa, ce fut bien plus que la bataille entre pulsion de vie et pulsion de mort. Une bouée de sauvetage s’est offerte à moi, que je n’attendais pas : les archives photographiques. Et de celles-ci, je ne parlerai pas aujourd’hui. Si je suis fidèle à la pensée de Patricia, il me faut éviter de vous éblouir par le caractère immédiat de l’image, son aspect trop lisse, indiscutable. Je préfère vivre dans l’ombre de Patricia.

  • 1
    Cependant, des ouvrages m’ont été d’une grande utilité dans le contexte de la rédaction de cet article. Il s’agit de : Richard Allen, « A Post-Colonial World: Look Back in Anger and The Enigma of Arrival », in Literature and Nation: Britain and India 1800-1990, London, Routledge, 2000, p. 138‑153 ; Roger A. Berger, « Writing without a Future: Colonial Nostalgia in V. S. Naipaul’s A Bend in the River », Essays in Literature, vol. 22, no 1, 1995, p. 144‑156 ; Christine Crowle, « V. S. Naipaul, The Enigma of Arrival and The Unbearable Body », New Literatures Review, vol. 30, 1995, p. 97‑112 ; Florence Labaune-Demeule, « De Chirico Revisited: The Enigma of Creation in V. S. Naipaul’s The Enigma of Arrival », Commonwealth Essays and Studies, vol. 22, no 2, 2000, p. 107‑118.
  • 2
    Patrick French, The World is What It is: The Authorized Biography of V. S. Naipaul, New York, Knopf, 2008, p. 88. Désormais abrégé en TW suivi du numéro de page.
  • 3
    Patricia Hale-Naipaul, Bibliothèque McFarlin, Université de Tulsa.
  • 4
    Ibidem.
  • 5
    Jacques Derrida, La voix et le phénomène, Paris, Presses universitaires de France, 1967 ; Jacques Derrida, De la grammatologie, Paris, Éditions de Minuit, 1967.
  • 6
    Extrait d’une entrevue de Shani, 17 septembre 2004, rapportée par Patrick French (TW, 413).
  • 7
    V. S. Naipaul, L’Énigme de l’arrivée, trad. Suzanne Mayoux, Paris, Christian Bourgois éditeur, 1991 [1987], p. 309.
  • 8
    J’emprunte l’expression à Jacques Derrida, Le mal d’archive : une impression freudienne, Paris, Galilée, 1995.
  • 9
    René Major, « Le trouble de l’archive depuis Freud », Sigila, vol. 36, no 2, 2015, p. 26.
  • 10
    « Archè » peut avoir le sens de commencement.