Atcokoc dans le ventre du poisson

Atcokoc dans le ventre du poisson

Véronique Basile Hébert

Véronique Basile Hébert est une artiste de théâtre Atikamekw de la communauté de Wemotaci. Elle est doctorante en études et pratiques des arts à l’UQAM, en recherche-création en théâtre, sur le sujet du Nitaskinan/Kitaskino, le territoire ancestral des Atikamekw Nehirowisiwok. Elle détient un baccalauréat en théâtre de l’Université d’Ottawa ainsi qu’une maîtrise en dramaturgie portant sur le chamanisme chez Jovette Marchessault. Participante du programme de formation de la compagnie de théâtre autochtone Ondinnok, en collaboration avec l’École Nationale de Théâtre du Canada, elle a également été l’une des créatrices du théâtre de rue du festival Présence Autochtone de Montréal. Professeure invitée à l’UQTR, elle y a contribué à la mise sur pied du microprogramme en études autochtones. Par ailleurs, dans sa pratique, elle priorise les productions d’œuvres intergénérationnelles et parfois plurilingues, au sein des communautés autochtones, et a collaboré aussi avec diverses compagnies de théâtre. S’inspirant de la nature et de sa culture, elle écrit, met en scène et interprète ses spectacles avec des artistes issus de diverses origines. Son théâtre est engagé, près de ses préoccupations d’autochtone, de mère et d’artiste bispirituelle.

Corps célestes et corps gras

Ni micta wirinon. Je suis grasse. Ma grand-mère m’avait fait remarquer la ressemblance phonétique entre Wirino et Iriniw. Iriniw, ça veut dire « homme » ou « être humain » dans le sens de « homme indien » au masculin. Wirin veut dire « gras ». Wirino, il est gras. Moi je suis wirinon, grasse. Je ne dis pas ça pour me vanter. Mon ventre est gros1Tout le milieu du corps est gras alors que le haut et le bas sont sveltes. C’est typique des corps nomades nouvellement sédentaires j’imagine et c’est de là que je trouve la comparaison entre wirin et iriniw intéressante. Aussi parce que je connais l’importance de la nourriture, de la graisse et de l’huile dans notre culture, alors cela me fait sourire.. Tamtcikido. « Grosse ventre » disait Kokom2Micta micikitiw/gros.se ventre. Il n’existe pas de genres masculin ou féminin en Atikamekw Nehiromowin. en riant, souriant de toutes ses dents, heureuse de voir sa descendance bien engraissée, signe d’abondance et de réussite familiale.

Moi j’ai faim parce que mes grands-parents ont eu faim et ma mère aussi. Quand la Loi sur les Indiens a été instaurée, création des réserves, « bons » pour la nourriture coloniale rationnée, pensionnats, etc., etc. Ils m’ont transmis cette faim. Enfant, ma grand-mère insistait pour que je mange à chaque repas, alors je mangeais deux assiettées ce qui rendait mon grand-père fier de moi. Ça a rapport avec une vieille histoire de quand ma mère était petite, après un hiver difficile, et qu’ils devaient marcher pour se rendre à la réserve. Ils avaient si faim que mes grands-parents ont demandé un sandwich à un travailleur blanc pour ma mère qui avait cinq ans, ce à quoi l’homme a répondu qu’il n’était pas un restaurant. Ma mère m’a conté l’histoire. Mes grands-parents étaient de vrais « Indiens3Oui, « Indiens » car c’est ce qu’on emploie dans ma famille, avec le mot « nehirowisiw » aussi, pour parler de nous les autochtones. » qui vivaient de la forêt. Avec la création de la réserve indienne de Wemotaci est arrivée la misère, puis les changements sociaux, économiques et tout et tout.

Ces paroles si dures sont toujours restées de travers dans la gorge de mocom.

Moi j’ai continué à manger pour consoler mon grand-père, pour nous consoler peut-être. Ça a fait que j’ai un beau gros ventre de poisson blanc. Selon certains, mais cela ne fait pas consensus, le nom « Atikamekw », qui veut dire « corégone » ou « poisson blanc4Il est plus gris argenté, comme le poisson que tient David Usher sur la pochette de l’album du groupe Moist. », vient du fait que « Atikw », nom pour « caribou » et « cheval », a le ventre blanc comme un corégone5J’ai aussi entendu une version de l’origine du nom « Atikamekw » qui implique le fait d’avoir la joue ronde comme un cheval et j’ai pensé que c’était peut-être lié à l’ancien nom qu’on nous donnait, les « Têtes-de-Boule ».. Aussi simple que ça. Ce qui fait que je me sens bien avec ce nom. Mon ventre est comme une voie lactée chaude et douce et un tout petit peu velue. Juste pour dire. Si je ferme les yeux et que je touche mon ventre en haut et au milieu, d’en bas de mes seins jusqu’à mon nombril, y a comme une ligne, une lisière, une légère traînée d’étoiles qui filent dans le ciel la nuit. Mais faut le savoir. Ça ne paraît pas à l’œil nu. Presque pas. J’ai pas regardé depuis un bout, mais c’était comme ça avant. Là, ma graisse de caribou tend mon ventre comme la peau d’un futur tambour. C’est d’ailleurs ce que j’ai demandé pour mes obsèques. Ma mère a dit « Gna ! » ; ça veut dire « oui », en Atikamekw6En fait, c’est une interjection associée à la surprise ou à la bizarrerie et qui serait plus associée à un « non » …… Tout ça vient en partie du fait que j’ai été conçue et que je suis née à La Macaza, à l’époque du collège Manitou. À l’endroit même où avaient été enfouis les missiles Bomarc qui attendaient patiemment dans des cachettes souterraines qu’on les propulse dans le ciel, à partir de leur rampe de lancement, afin d’intercepter les éventuels missiles russes de la Guerre froide qui avait eu lieu quelques années plus tôt. Le site portait encore les traces de cette hypothétique attaque nucléaire et même que, selon une légende locale, un des missiles était encore au fond d’un lac artificiel que l’on disait aussi sans fond. À cause de ça et du fait que mon grand-père blanc était (encore selon des « légendes locales », un mystère que j’ai eu envie de visiter) un « sorcier » qui, dans son métier de jour, soignait les avions militaires, dans tout l’anonymat que ses occupations demandaient. (C’est ainsi que je me suis imaginé sa vie parce qu’on n’en parle jamais, il y a un certain silence à son sujet dans la famille.) En somme, il travaillait pour la Défense nationale canadienne à Dorval, avait été muté à La Macaza et avait la charge du hangar de la nouvelle base militaire7Base militaire qui, à cause de la vocation fédérale du terrain, est ensuite devenue le Collège Manitou pour autochtones et ensuite un pénitencier fédéral à forte population issue des Premières Nations. Trajectoire intéressante.. Dans son ancien job, à Châteauguay, il avait été vendeur de blocs de glace pour les glacières de l’époque et livrait les blocs à cheval, avec ses frères. Je me dis que « guerre froide », ça aurait pu être un vrai beau nom de code… Il a ensuite été élu maire du village. Selon la légende, il ne buvait pas, n’allait jamais à la messe et portait toujours un chapeau. Quelqu’un m’a dit qu’il aurait pu être un genre de « franc-maçon »… Bon… Pour faire encore plus étrange, moi, née d’une mère Atikamekw semi-nomade et d’un père blanc descendant d’une lignée de sorciers/franc-maçons/vendeurs de glace à cheval jusqu’à la Défense nationale, j’ai vu le jour grâce aux bons soins d’un docteur buveur et obstétricien qui portait le nom de Jacques Cartier, mais que tout le monde surnommait Coco Cartier. La Macaza, terre d’Amérique, signifie « batailleur » en langue algonquine, du nom d’un autochtone qui y habitait, « Celui qui se bat »…

À La Macaza tout le monde buvait. Même les enfants. Les années 70 et 80 resteront gravées dans l’histoire de l’Humanité – mais effacées de la mémoire de plus d’un. Le lac s’appelait le Lac Chaud, imaginez ! Alors, nous, les enfants qui vivions autour de ce lac, on avait un jeu qui consistait à mettre du jus de fruits dans des bouteilles de bière à bec court et à faire semblant d’être ivres devant les voitures des touristes. Ça faisait des photos qui avaient une valeur anthropologique qui aurait fait sourire Serge Bouchard. Par ailleurs, La Macaza avait été aussi le village le plus cosmopolite du Québec à cause des réfugiés des deux guerres mondiales d’origine russe, polonaise, bulgare, allemande, italienne, etc., qui étaient venus s’y installer et qui avaient apporté avec eux tous leurs savoirs ancestraux en matière d’agriculture et de fermentation alambiquée… ça aussi, ça vous donne une idée des jeux et des soirées communautaires. Il y avait d’ailleurs l’équipe des Chevreuils de La Macaza, qui était une équipe de hockey l’hiver et devenait une équipe de baseball l’été, nommée en l’honneur du plus grand ravage de cerfs de Virginie en Amérique qui vivaient à La Macaza depuis des temps immémoriaux. Il y en avait partout, les gens les nourrissaient, les chassaient. Les chevreuils vivaient avec nous dans le village. Tout ça vous donne une bonne idée de l’ambiance générale de ce lieu que je dirais bucolique, sans essayer de faire de jeu de mots.

Avec tout ça, après la Guerre froide, ils ont eu l’idée de rajouter un collège pour les étudiants autochtones qui viendraient de toutes les Premières Nations du Québec et même du Canada. Les profs étaient des artistes, des philosophes, des politiciens, tous des autochtones eux aussi, et venaient de divers endroits et même d’aussi loin que le Mexique. Moi, je suis née là, dans une coulée d’étoiles en plein milieu de la nuit une quinzaine de jours après la date annoncée par Jacques Cartier, encore égaré…



Lieu, personnages [Didascalies]

Le cliquetis des étoiles réverbère [depuis] le derrière du ciel comme des poux qui éclatent en mourant. Leurs morsures laissent des traces de leur désir d’éternité exacerbé par l’acidité des crépuscules. [Ils sont actifs la nuit] Le milliard de caribous galope aux trousses des fruits et des graisses remontant, telle l’Harricana, les plaines oxydées d’hémoglobine. Les os de la toundra gisent, la rendant brillante, derrière et devant, encerclant les cervidés qui peuplent l’arène du rêve. Les lourds globules lumineux enflamment le firmament.

Sur le ventre du poisson blanc courent les caribous de la voie lactée, de génération en génération, reconnaissables à leurs falles blanches comme bancs de glace. Les minuscules particules gelées demeurent en suspension en l’air que s’époumone à durcir le vent du Nord qui prend sa source au lac du même nom. C’est de là que sont originaires nos protagonistes corégones, c’est l’emplacement qui a donné leur forme aux nageoires temporales du Grand Corégone. Le vent du Nord a insufflé les transes hyperventiles aux caribous célestes qui tiennent aussi de leur parent argenté leurs ventres lisses et blancs. C’est leur tache de naissance, la Voie lactée en traînées blanches qui descend du cou des caribous traçant une piste enneigée qui peut remonter jusqu’aux branchies de l’ancêtre salmonidé. Ils sont nés d’hier, donc moins natifs d’un lieu que de la courbure du temps fécondé dans les voûtes de la femme du ciel restée, depuis, toute courbaturée. Ensuite, ils sont tombés du trou noir et béant de ses abysses. Les progénitures cervidés ont galopé et se sont enivrées des particules d’air gelé des confins de la galaxie à proximité. Plus d’une nuit, leur cerveau vidé d’oxygène, molécules corrompues par leurs courses effrénées, ils ont pénétré l’atmosphère à grands coups de sabots, faisant taire le silence environnant. Hors d’haleine, la horde des caribous errants et haletants ont semé le chaos dans les plaines pleines de plaintes gutturales et nasales et s’en sont partagé les hectares. Puis, encore une fois, ils ont mué. Et depuis, les caribous sont ces poissons, cousins des chevreuils qui ont, eux aussi, le ventre blanc.

Selon les astronomes et certains habitants de la ville de Montréal, la Lune serait comme le Yukon. Tout le monde a différentes visions des ailleurs. Kokom disait qu’il faut rester dans le territoire ancestral parce qu’ailleurs, comme dans les grandes villes de Floride par exemple, les orignaux n’auraient rien à manger. C’est une excellente raison et puis on perdrait nos ventres tout blancs. Les étoiles foncées qui flânent sur des peaux plus pâles s’appellent « papatem » en Atikamekw. Vous, vous appelez ça des « grains de beauté ». C’est une bonne traduction. J’ai sur l’épaule gauche la formation stellaire de la Grande Ourse, comme mon père, et ma fille l’a dans le dos, en haut de sa tache mongole8Mongoloïde., la tache bleue que tous les enfants autochtones arborent sur leurs coccyx et qui les lie à la descendance de l’empereur Ghengis Khan qui a conquis des territoires immenses, parcourant les steppes de sa Mongolie natale à dos de cheval. La Mongolie est, encore à ce jour, per capita, le pays des chevaux. Les « papa t’aime » de la steppe. J’ai steppé des bosses sur ma monture de métal l’été et coursé souvent sur l’ancienne piste d’avion avec mes amis, puis avec moi-même, jusqu’à ce que l’acide lactique me morde les mollets.

[Tambour dans mon oreille dont les os forment l’enclume.] (Le monologue et la scène de la Femme du Ciel sont joués en parallèle sur la scène, à intervalles irréguliers.) Derrière ce tableau céleste se dresse la Femme du ciel avec ses accessoires sur les bras. Atcokoc étendu.e par terre, fluide et transpolaire.

Femme du Ciel


Disons les mots.


Atcokoc


L’air blanc sort de ta bouche comme une nuée de femmes nues dans la Voie lactée.

Une…Lune… fumante


Femme


Vaches de nuits, Cerf volantes et Chauves-souris


Atcokoc


Voilà les mots sont dits


Femme


Voilà nos voix dévoilées dans la voile actée


Atcokoc


Portons les paroles rituelles aux nouveaux parlements païens

***

Ma mère m’a dit ce qu’une aînée Mohawk9Kanyen’kehà:ka. Dans ma famille, nous utilisons le terme « Mohawk » ou historiquement mictinadwew, comme on utilise encore esquimau pour dire « Inuk » ou « Inuit ». Désolée, c’est l’habitude, ce sont les mots précis qui ont été utilisés dans ma vie. Ce n’est aucunement par manque d’égards. Par exemple, mes grands-parents appelaient affectueusement moi et ma fille, iskwecic, « la p’tite indienne » ou parfois « sauvagesse ». lui a raconté pendant une réunion de Femmes autochtones, il y a longtemps. Itew kokom :

« Il y avait une femme dans le ciel. Elle était enceinte et elle voulait donner naissance sur terre. Elle est descendue et son arrivée sur terre a causé un tel fracas qu’avec le choc, son entrejambe a fendu. C’est ensuite de là que sont sortis les premiers êtres humains, nos ancêtres. Et quand on regarde bien le vagin de la femme, par en dessous, on voit qu’il a la forme d’un canot à l’envers. C’est pour ça que le canot a cette forme, parce que c’est par là que sont venus nos ancêtres. »

On m’a dit qu’il y aurait des Mohawk dans la famille de mon père, loin dans la lignée. Ça doit être pour ça que ma mère m’a conté ça. Ça et la fois de la voix de la pinède…

La grande marmotte grignote l’hiver, mange les bancs de neige et les bancs de poissons, une calotte polaire prise entre les palettes d’en avant. Au printemps, nous émergions saoules et saouls de nos cuisses lovées, ivres des vendanges d’hiver. Mais le temps défile entre ses dentelles acérées et pulvérise jusqu’à nos noms.

[Tambour dans mon oreille

Ta voix éclipse les silences

Je ne peux empêcher de voir

Nos pupilles brûlantes

Gorgées de soleils illisibles

Comme des joncs incandescents.

Les astres triomphent encore

De nos os d’élans au galop

Et le cœur transpercé,

Organe à présent phosphorescent

Traverse les veines enflées telles les étoiles filantes]

Malgré la pollution spatiale et les ceintures d’immondices, missiles et satellites enfantent des formes flottantes et géométriques dans le voile nuptial au-dessus de ma ville. [La forme et le fond…de mon cœur…]

– Les habitants du Yukon pensent quoi de la Lune ?

– Que la Lune, c’est la Femme tombée du ciel.

– Oui…C’est sûrement elle.


Histoire du canot – Scène finale

La Femme du Ciel est devenue une kokom dans ma dernière pièce dramaturgique. Dans cette histoire, la kokom utilise le canot comme symbole de l’harmonie familiale. C’est une pièce créée « collectivement » avec ma troupe de théâtre atikamekw. Une commande des services sociaux atikamekw dans le cadre d’un programme de lutte et de prévention de la violence fondée sur le sexe et le genre10À chacun son système de Défense nationale…. Une pièce de théâtre qui s’intitule Sikahotew qui veut dire « De l’eau dans le canot ». Je suis encore un peu semi-nomade comme mes ancêtres et certains troupeaux épris de liberté. Le théâtre est un art grégaire de toute façon. Mon canot a donné un seul enfant. C’est une belle beau bébé canote devenue grande maintenant, 18 hivers à ce jour… J’ai choisi l’embouchure des rivières Shawinigan et Tapiskwan pour accoucher. Je suis née à La Macaza, – « le bagarreur » en langue « sauvage ». En septembre 1976 sur le bord de la rivière où se jette la Rivière Macaza et avec elle le creek chaud, le creek froid, qui fusionnent comme font beaucoup de cours d’eau dans la région où on rencontre trois vallées comme autant de rivières ; La Lièvre, La Rouge et La Diable. Mais j’ai grandi, en grande partie, avec mes grands-parents maternels, près de la nature toujours, dans le territoire ancestral atikamekw, le nitaskinan où coulent la rivière St-Maurice et beaucoup d’autres. Il y a suffisamment de lacs pour y vivre et y vieillir tranquille. J’ai arrangé mon premier orignal avec mocom, un soir de Noël. Le premier Noël après le départ de kokom. Une grande orignale dont les grosses fesses dansaient dans le chemin, la nuit du Réveillon, dans les phares du camion de mocom, puis qui s’est donnée à nous. Une grande femelle avec une grosse panse. Soit qu’elle tirait un traineau dans le ciel ce soir-là soit que c’est elle le cadeau tombé du ciel. Aussi, depuis que mocom est parti, je suis devenue professeure comme kokom voulait, à Trois-Rivières. Là-bas, on espérait un professeur autochtone pour enseigner « son art et sa science » dans les plus brefs délais. Je suis, comme qui dirait, moi aussi « tombée du ciel ». Je ne dis pas ça pour me vanter, mais mon ventre est encore plus « grosse » qu’avant. J’ai pas débarqué comme un cheval dans la soupe. Il l’avait callé, comme on call un orignal. J’ai accepté, stressé pis aimé ça. J’ai monté la pièce Vaches en cavale basée sur le monologue Les vaches de nuit de Jovette Marchessault11Marchessault : marche et saute…comme le chevreuil.. Depuis, les ruminantes galopent entre les ceintures d’astéroïdes, les stations spatiales, les résidus de missiles et les satellites errants, tous en quête de leurs trajectoires propres, en orbite autour de leur gravité propre. De là, j’observe le chemin parcouru, par moi et par mes ancêtres avant moi, les ravages anciens que j’ai empruntés pour frayer. Assise sous la voûte céleste, arborant mon gros ventre où la lumière lunaire se dépose, je suis ma lisière de caribou et j’huile le tambour. Quand mocom est parti, il l’a fait sur le dos d’une étoile filante, Atcokoc. En fait deux, kokom était avec lui. C’est ce qu’on dit…

  • 1
    Tout le milieu du corps est gras alors que le haut et le bas sont sveltes. C’est typique des corps nomades nouvellement sédentaires j’imagine et c’est de là que je trouve la comparaison entre wirin et iriniw intéressante. Aussi parce que je connais l’importance de la nourriture, de la graisse et de l’huile dans notre culture, alors cela me fait sourire.
  • 2
    Micta micikitiw/gros.se ventre. Il n’existe pas de genres masculin ou féminin en Atikamekw Nehiromowin.
  • 3
    Oui, « Indiens » car c’est ce qu’on emploie dans ma famille, avec le mot « nehirowisiw » aussi, pour parler de nous les autochtones.
  • 4
    Il est plus gris argenté, comme le poisson que tient David Usher sur la pochette de l’album du groupe Moist.
  • 5
    J’ai aussi entendu une version de l’origine du nom « Atikamekw » qui implique le fait d’avoir la joue ronde comme un cheval et j’ai pensé que c’était peut-être lié à l’ancien nom qu’on nous donnait, les « Têtes-de-Boule ».
  • 6
    En fait, c’est une interjection associée à la surprise ou à la bizarrerie et qui serait plus associée à un « non » …
  • 7
    Base militaire qui, à cause de la vocation fédérale du terrain, est ensuite devenue le Collège Manitou pour autochtones et ensuite un pénitencier fédéral à forte population issue des Premières Nations. Trajectoire intéressante.
  • 8
    Mongoloïde.
  • 9
    Kanyen’kehà:ka. Dans ma famille, nous utilisons le terme « Mohawk » ou historiquement mictinadwew, comme on utilise encore esquimau pour dire « Inuk » ou « Inuit ». Désolée, c’est l’habitude, ce sont les mots précis qui ont été utilisés dans ma vie. Ce n’est aucunement par manque d’égards. Par exemple, mes grands-parents appelaient affectueusement moi et ma fille, iskwecic, « la p’tite indienne » ou parfois « sauvagesse ».
  • 10
    À chacun son système de Défense nationale…
  • 11
    Marchessault : marche et saute…comme le chevreuil.