Mythes contradictoires dans l’histoire culturelle de l’Occident, la Muse est traditionnellement celle qui inspire la création d’une œuvre tandis que la Méduse, l’une des trois Gorgones, possède le pouvoir de pétrification, soit celui de l’anéantissement de qui ose la défier par le regard. Protéiformes et hautement chargés de significations symboliques, les mythes antiques, bibliques et transculturels constituent une donnée incontournable, sorte de pilier central autour duquel se construisent les œuvres littéraires et artistiques depuis des siècles. Si la modernité a voulu rompre avec les thèmes, les genres et, surtout, les modes de représentation traditionnels ; si le modernisme a renchéri en mettant en place non seulement des innovations formelles et de nouvelles formes de collaboration, la postmodernité et ses avatars signifient en grande partie le retour du sujet, du récit et de la figuration, en particulier grâce au dialogue fructueux qu’elle engage avec les mythes non occidentaux, par exemple les mythes autochtones et africains. Nombreux sont les récits et figures myth(olog)iques ayant accompagné toutes ces tentatives de renouveler les sources d’inspiration, en même temps qu’il s’agissait d’en mettre à mort les anciennes. Les grands mythes – féminins, masculins ou participant d’une ambiguïté sexuelle – font en effet partie du tissu de l’imaginaire d’une communauté culturelle donnée. Les fissures dans l’image ainsi que la réinterprétation du mythe « originel » (qu’on arrive rarement à fixer précisément) sont néanmoins toujours perceptibles, et veulent l’être.
MuseMedusa : le choix du nom de la revue annonce le programme éditorial que nous souhaitons accomplir depuis 2012 en misant sur des manières toujours renouvelées de penser le fondement de nos communautés humaines et de participer à de nouveaux récits du monde. Revue électronique de littérature et d’arts modernes, MuseMedusa se veut un lieu de création et de contribution à la réflexion plurielle sur la présence et l’entrelacement de divers mythes dans des textes littéraires et diverses formes d’expression artistiques (photographie, théâtre, cinéma, peinture, dessin, danse et performance, entre autres) de la modernité de la seconde moitié du XIXe à nos jours. Le projet de MuseMedusa consiste à s’interroger sur les modalités esthétiques et créatrices de la reprise et des stratégies de réécriture de figures tels Médée, Prométhée, Ophélie, Orphée, Narcisse, Cassandre, Salomé, Don Juan, Antigone, Dibutade, Némésis, Ulysse et Kronos, ou celui des Amazones, des Parques, des fées et des pleureuses.
Entreprise dans une perspective littéraire et artistique, l’étude des récits et des figures myth(olog)iques nécessite des approches propices à nous faire comprendre l’importance du recours à la mythologie pour les créateurs et créatrices de la modernité jusqu’à nos jours. À l’instar des mythes, les approches théoriques s’éprouvent, se transforment et se renouvellent au contact des œuvres. La vocation transdisciplinaire de la revue suppose qu’aucun privilège ne soit accordé à priori à certaines méthodes d’analyse, mais que ce soit le sujet ou le type de mythes qui suggèrent les outils appropriés.
Afin de réaliser ce programme, MuseMedusa accueille des études et des créations (textes et œuvres visuelles) autour d’une thématique principale sur laquelle se greffent diverses questions théoriques, littéraires et esthétiques, et ce dans trois langues différentes (français, anglais, allemand). La mise en ligne se fait progressivement. Chaque livraison comprend un entretien mené avec un.e écrivain.e, un.e artiste contemporain.e ou une personne œuvrant dans le domaine culturel, permettant de saisir l’actualité et la rémanence de certains mythes dans la création d’aujourd’hui.