Des étoiles, des récits et des pixels : réflexions communes sur la démarche entreprise pour un projet de film immersif sur les savoirs astronomiques autochtones

Des étoiles, des récits et des pixels : réflexions communes sur la démarche entreprise pour un projet de film immersif sur les savoirs astronomiques autochtones

Joëlle Rondeau, Mélanie Chaplier, Laurie Rousseau-Nepton, Karine Lanoie-Brien, Kim Picard Francine Allaire et Élodie Pollet

Joëlle Rondeau est étudiante au doctorat en études autochtones à l’Université Trent. De descendance canadienne-française, elle réalise un stage de recherche Mitacs-Accélération portant sur la médiation des connaissances astronomiques autochtones au moyen de films immersifs, en collaboration avec Terre Innue et Mélanie Chaplier à l’Université de Montréal. Sa plus récente publication est Les mondes urbains de la jeunesse : l’action politique esthétique à Montréal, corédigé avec Julie-Anne Boudreau, et publié aux Presses de l’Université Laval en 2021.

Mélanie Chaplier est professeure de Communication à l’UdeM. Ses travaux ethnologiques portent sur le rapport au territoire et les enjeux de cohabitation dans des contextes d’exploitation des ressources. Elle a notamment le privilège de travailler avec les Nemaska Eenouch, décrivant l’évolution de leurs pratiques sur le territoire à la suite du projet Eastmain-Rupert. Ses recherches et enseignements actuels s’étendent aux enjeux de dialogue interculturel, de décolonisation et d’ontologie politique.

Laurie Rousseau-Nepton est astrophysicienne et professeure à l’Université de Toronto et l’Institut Dunlap pour l’Astronomie et l’Astrophysique. Elle est innue, Pekuakamiulnuatsh. Ses recherches portent sur les sites de formation d’étoiles dans l’Univers proche. Elle dirige le projet SIGNALS qui a permis d’observer plus de 50 000 régions de formation stellaire dans différents environnements galactiques et qui vise à mieux comprendre comment le lieu de naissance affecte les caractéristiques des étoiles.

Karine Lanoie-Brien est une créatrice multidisciplinaire qui œuvre dans les domaines des arts visuels et de la communication depuis 1998. Scénariste, conceptrice, réalisatrice, ses projets sont centrés sur la relation entre les humains et leur environnement naturel et culturel. En 2019, elle conçoit la série de baladodiffusion Laissez-nous raconter l’histoire crochie (une production Terre Innue en collaboration avec Radio-Canada OHdio) qu’elle a coréalisée avec Brad Gros-Louis. Toujours dans le cadre du projet transmédia Laissez-nous raconter, Karine scénarise son premier film immersif Full Dôme avec la poète innue Marie-Andrée Gill.

Kim Picard, de descendance Innu, Kanien’kehá:ka et Anishinabe, est originaire de Pessamit. Elle co-réalise le film immersif de Terre Innue. Kim a une expertise étendue dans les domaines de la mode, du design et des installations immersives autochtones. Elle a également co-réalisé des œuvres théâtrales et de musique.

Francine Allaire, productrice exécutive du film immersif, œuvre depuis quatre décennies dans le domaine de la télévision et du cinéma: onze ans comme directrice à Radio-Canada, vingt ans comme productrice d’une trentaine de projets récipiendaires de nombreux prix nationaux et internationaux.

Élodie Pollet, productrice, œuvre depuis plus de dix ans dans la production de documentaires d’impact, de fictions sociales, et dans l’exploration de nouveaux formats (films immersifs 360°, VR, podcasts, etc.).

Introduction

De la mythologie grecque à la bible, les discours et mythes occidentaux sont prédominants dans la voûte céleste. Ainsi, si vous regardez le ciel, vous serez sans doute capables d’identifier la Grande et la Petite Ourse, Cassiopée, Orion, Pégase ou encore l’Étoile du berger. Mais seriez-vous capables d’y identifier Kuekuatsheu, Utshek, ou encore Uaunutshekatak ? Ils peuplent pourtant le ciel nocturne des Innus depuis des millénaires et s’observent à de nombreuses latitudes boréales, là où le Québec est né1Nous reprenons les mots employés par Anna Mapachee, Anicinape et Crie, citée dans l’ouvrage éponyme d’Emanuelle Dufour. Emanuelle Dufour, « C’est le Québec qui est né dans mon pays ! » Carnet de rencontres, d’Ani Kuni à Kiuna, Montréal, Éditions Écosociété, coll. « Ricochets », 2021, p. 94.. Cette invisibilité des connaissances, cosmologies et mythes autochtones dans les savoirs astronomiques véhiculés en Amérique du Nord – connue aussi sous le nom de l’Île de la Tortue – résume assez bien la portée de cet article, mais surtout du projet de film qui est au cœur de celui-ci.

S’inspirant du cadre théorique et méthodologique du storywork – « travail de récit » en français – initialement élaboré par la chercheuse Sto:lo Jo-ann Archibald Q’um Q’um Xiiem2Jo-Ann Archibald, Indigenous Storywork: Educating the Heart, Mind, Body, and Spirit, Vancouver, UBC Press, 2008, s. p., cet article a été composé à plusieurs mains par des collaboratrices, recherchistes, scénaristes et réalisatrices, tant autochtones qu’allochtones, qui travaillent sur ce projet depuis plusieurs années. Partant de l’espace conversationnel et relationnel qui s’est créé à travers ce projet, l’article a pour objectif d’offrir quelques réflexions communes issues de l’expérience et du processus de recherche mené pour retrouver les savoirs et récits célestes ayant nourri la scénarisation du film. Les questions qui nous animent ici sont les suivantes : Comment se mettre à la recherche de récits et de savoirs célestes autochtones ? Comment les (ré)interpréter à travers une œuvre cinématographique collaborative ? Comment travailler avec ces récits, et comment ces récits, réciproquement, travaillent sur nous ? Pour y répondre, nous mettrons notre démarche en dialogue, en plus du Storywork, avec des approches associées aux méthodologies autochtones de décolonisation et de revitalisation des savoirs ancestraux. Ce faisant, nous serons amenées à réfléchir aux formes de résurgences relationnelles que ce projet nous donne à vivre, à ressentir, à comprendre et à souhaiter.

Contexte : souveraineté narrative et film immersif

Au Québec comme ailleurs, les histoires et l’Histoire des Premiers Peuples ont longtemps été absentes des médias et des écrans de la société coloniale. Plus qu’un effacement, certains auteurs cernent une ignorance active et tacite par laquelle cette « absence » s’incarne3Emma Battell Lowman et Adam J. Barker, Settler: Identity and Colonialism in 21st Century Canada, Halifax, Fernwood Publishing, 2015, p. 46.. Ainsi, qu’ils soient en effet reflétés par des pixels illuminant des écrans ou des étoiles scintillant dans le ciel, les repères occidentaux sont devenus omniprésents dans les façons de s’interpréter, de se représenter et de se situer. Lorsqu’examinés en relation avec les souverainetés intellectuelles et culturelles autochtones, à l’instar de la lecture que fait Michelle Raheja des représentations des Autochtones dans le cinéma hollywoodien4Michelle H. Raheja, « Future Tense: Indigenous Film, Pedagogy, Promise », dans Chris Andersen et Jean M. O’Brien (dir.), Sources and Methods in Indigenous Studies, Londres, Routledge, 2017, p. 239., on peut déceler des images et des formes discursives bien engagées dans le « projet de remplacement » qui sous-tend le colonialisme de peuplement et sa logique d’élimination. Cette lecture de Raheja5Ibid. rappelle les travaux d’Eve Tuck et de Rubén A. Gaztambide-Fernández qui décrivent ce projet comme « a project of replacement, which aims to vanish Indigenous peoples and replace them with settlers, who see themselves as rightful claimants to land, and indeed, as indigenous6Eve Tuck et Rubén A. Gaztambide-Fernández, « Curriculum, Replacement, and Settler Futurity », Journal of Curriculum Theorizing, Vol. 29, nᵒ 1, 2013, p. 73. ». Comme nous le verrons plus loin, l’effacement des récits et connaissances autochtones dans les savoirs astronomiques enseignés en Amérique du Nord en constitue un exemple. S’appuyant sur une longue tradition d’études cinématographiques et médiatiques autochtones, Raheja et d’autres chercheurs7André Dudemaine, Gabrielle Marcoux et Isabelle St-Amand, « Indigenous Cinema and Media in the Americas: Storytelling, Communities, and Sovereignties », Revue canadienne d’études cinématographiques/Canadian Journal of Film Studies, Vol. 29, nᵒ 11, 2020, p. 27-51. avancent que la mobilisation des médias audiovisuels par les Autochtones possède une importance vitale pour contrer ces modes de représentation et de reproduction sociale d’une part, mais aussi pour explorer l’expression médiatique comme site d’autoreprésentation et d’affirmation d’une souveraineté visuelle et narrative8Michelle H. Raheja, Reservation Reelism: Redfacing, Visual Sovereignty, and Representations of Native Americans in Film, Lincoln, University of Nebraska Press, 2010, p. 240.. En effet, les médias audiovisuels étant d’importants vecteurs de retransmission culturelle, ils constituent une voie riche pour exprimer, (ré)articuler et partager les récits autochtones9Marcia Nickerson, Protocoles et chemins cinématographiques : Un guide de production médiatique pour la collaboration avec les communautés, cultures, concepts et histoires des peuples des Premières Nations, Métis, et Inuit, Toronto, imagineNATIVE, 2019, s. p..

À la suite de ces nombreux constats, la société de production médiatique autochtone Terre Innue (et son OBNL Innu Assi) s’est lancée, depuis 2019, dans un vaste effort de recherche afin d’appuyer un projet multiplateforme et transmédia intitulé Laissez-nous raconter. L’objectif est de fournir un support aux onze Nations autochtones accueillant aujourd’hui le Québec sur leurs territoires10Ces derniers sont les Abénakis, Anishinabe/Anicinape, Atikamekw, Eeyou (Cri), Innu, Inuit, Kanien’kehà:ka (Mohawk), Mi’kmaq, Naskapi, Wendat et Wolastoqiyik (Malécite). afin qu’elles puissent se raconter elles-mêmes et collectivement à travers diverses œuvres médiatiques (en étant réunies pour la première fois dans un projet télévisuel commun)11Le projet multiplateforme et transmédia Laissez-nous raconter comprend une série documentaire (quatre émissions d’une heure) réalisée par Kim O’Bomsawin pour toutes les plateformes et écrans de Radio-Canada et de CBC ; deux séries de baladodiffusion qui ont gagné des prix à travers le monde, Laissez-nous raconter l’histoire crochie et Telling Our Twisted Histories ; une exposition au Musée McCord ; un site web ; une série de Grands Entretiens avec des personnalités autochtones issues de notre projet pour la chaîne radio de Radio-Canada ; des récits numériques pour les médias sociaux et le film immersif dont il est question dans cet article.. Ce projet constitue une importante (re)prise de la parole, tout autant que des moyens de la représenter et de la diffuser. En cela, il s’inscrit dans la volonté « de réparer, de décoloniser l’Histoire et de célébrer la richesse [des] cultures12Terre Innue, « Laissez-nous raconter – Série documentaire », Terre Innue, <https://www.terreinnue.com/laisseznous-raconter> (page consultée le 21 novembre 2023). » de ces Peuples, intimement liées à leurs territoires et spiritualités multimillénaires.

C’est dans la foulée de cette vision qu’un projet cinématographique d’animation immersif Fulldome 360° est né, porté majoritairement par des femmes autochtones aux postes de contrôle créatif et scientifique. Au cœur du projet se trouve la voix de certains aînés parmi les derniers à avoir connu le nomadisme. Les entendre parler de leur territoire ancestral et de leur rapport au ciel, qui est en lien étroit avec le domaine du rêve, a fasciné et captivé l’équipe. La genèse du projet découle d’ailleurs de ces derniers. En effet, partageant un sentiment d’urgence et le désir de rapiécer et de transmettre des savoirs relationnels mis à mal par le colonialisme de peuplement et la sédentarisation forcée, les membres du Cercle aviseur de Laissez-nous raconter – des aînés et des porteurs de savoirs issus des onze Premiers Peuples ci-mentionnés – ont encouragé l’équipe à entreprendre ce projet d’œuvre cinématographique immersive. En ayant recours à une projection en format immersif dans un dôme semi-hémisphérique, une des intentions de réalisation est de donner à vivre, par un enchaînement de récits traditionnels et inspirés de faits vécus, un « voyage audiovisuel » nous plongeant au cœur des rapports qu’entretiennent ces Nations autochtones aux astres, aux rêves et à leurs territoires. Le film sera accompagné d’outils pédagogiques réalisés en collaboration avec le Planétarium de Montréal (où il sera initialement diffusé) afin de mieux connecter les visiteurs aux sciences et aux cultures autochtones du ciel. Ultérieurement, ce projet comprend une tournée du film au sein des communautés autochtones au moyen d’un dôme portatif. Tous ces éléments participent à l’émergence d’une œuvre qui entend revitaliser et rassembler diverses perspectives sur les astronomies des communautés autochtones de l’est du Canada, exprimées en lien avec leurs territoires, leurs cultures et leurs spiritualités.

Ce projet de film étant en cours d’élaboration, nous ne pouvons en partager tous les détails. Notre propos s’attardera plutôt sur des réflexions communes ayant émergé de l’espace conversationnel et relationnel qui s’est créé entre nous et, plus spécifiquement, à travers le processus de recherche mené pour retrouver des savoirs et récits célestes pouvant nourrir la scénarisation du film. Dans les prochaines sections, nous aborderons la façon dont l’équipe s’est mise sur la trace de ces savoirs et s’est engagée à les (ré)interpréter dans une œuvre cinématographique collaborative. Nous montrerons aussi les liens que cette démarche entretient avec des approches méthodologiques issues de la littérature académique sur la décolonisation des savoirs ancestraux autochtones, ainsi que les formes et les expériences de leurs résurgences. Nous ferons ainsi dialoguer notre démarche avec le concept de Storywork et avec les perspectives relationnelles des résurgences autochtones que les chercheuses Gina Starblanket, Heidi Kiiwetinepinesiik Stark et Leanne Betamosake Simpson ont notamment théorisées.

De la difficulté de retracer les savoirs célestes

En se mettant sur la trace des récits célestes et des savoirs astronomiques des Peuples autochtones au Québec – et plus généralement en Amérique du Nord –, on se rend rapidement compte que peu de ressources sont accessibles pour permettre aux jeunes de ces Nations et à leurs familles d’apprendre de ces connaissances ancestrales. Ainsi que le souligne l’auteur seneca Paul Zolbrod, ces Peuples ont été les premiers à subir les effets des stratégies coloniales13Paul Zolbrod, « Cosmos and Poeisis in the Seneca Thank-You Prayer », dans Ray A. Williamson et Claire R. Farrer (dir.), Earth & Sky: Visions of the Cosmos in Native American Folklore, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1992, p. 25-51.. Ce sont ainsi des repères à la fois astronomiques, culturels, écologiques et spirituels qui ont été érodés et détournés sous l’imposition structurelle et systémique du colonialisme de peuplement. Par exemple, dès l’arrivée des missionnaires chez les Penobscots, un des objectifs principaux était d’introduire les calendriers religieux et grégoriens, imposant alors les concepts de semaine et d’année basés sur le cycle du soleil14Claire Dubé, « Le calendrier micmac : repères astronomiques et cosmologiques », Algonquian Papers, Vol. 25, 1994, p. 106.. En conséquence, « les séquences des mois lunaires mentionnés dans les documents ethnohistoriques ultérieurs semblent pour la plupart avoir été transposées grossièrement sur le calendrier grégorien15Ibid. ». Ainsi, dès les débuts de la colonisation, l’Église a rapidement cherché à éroder les relations au ciel, aux calendriers et aux cérémonies ancestrales, car la diabolisation de ces relations était vue comme cruciale pour effriter les croyances et donc pour convertir et assimiler les populations autochtones16Ibid.. Plus tard, la sédentarisation forcée, le bannissement des cérémonies, l’imposition du système de réserve et les pensionnats autochtones ont poursuivi les objectifs d’assimilation et de génocide17Pawaminikititicikiw Wilfred Buck, Kitcikisik (Great Sky): Tellings That Fill the Night Sky, Six Nations of the Grand River Territory, Indigenous Education Press, 2021, p. 6..

La science et l’éducation astronomiques, au Québec comme ailleurs en Amérique du Nord, se sont donc largement développées en occultant les sciences et les savoir-faire autochtones liés au Ciel, reproduisant ce que Battiste et Henderson appellent « [l’]impérialisme cognitif18Marie Battiste et James (Sa’ke’j) Youngblood Henderson, « Naturalizing Indigenous Knowledge in Eurocentric Education », Canadian Journal of Native Education, Vol. 32, nᵒ 1, 2009, p. 5-18. » mis au service de l’établissement de la société coloniale. Ce n’est qu’à partir des années soixante et soixante-dix, avec l’engouement autour des disciplines émergentes de l’archéoastronomie et de l’ethnoastronomie, que des chercheurs – pour la plupart allochtones – commencent à s’intéresser aux savoirs et traditions astronomiques autochtones nord-américaines19Ray A. Williamson et Claire R. Farrer, « Introduction: The Animating Breath », Earth & Sky: Visions of the Cosmos in Native American Folklore, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1992, p. 1-24.. Ainsi que l’écrivent Williamson et Farrer, cet engouement a amené de nombreux anthropologues, ethnologues et folkloristes à rouvrir et réexaminer leurs corpus avec des lentilles d’astronomes pour y déceler des liens avec les mouvements célestes et les cosmologies des Peuples étudiés. Toutefois, cette attention s’est d’abord principalement tournée vers les astronomies des Peuples autochtones pratiquant l’agriculture sédentaire ou ayant érigé d’imposantes architectures permanentes révélatrices d’alignements célestes, situés plutôt au Sud-Ouest des États-Unis, au Mexique et en Amérique centrale et du Sud20Ibid.. Ainsi, si certains savoirs astronomiques autochtones sont aujourd’hui abordés dans des cours d’introduction à l’astronomie dans des universités canadiennes, il s’agit le plus souvent des calendriers aztèques et mayas. Ceci a pour effet d’occulter les savoirs des Peuples dont les territoires ancestraux accueillent pourtant ces universités. Ce n’est que tardivement, et de manière disparate et parcellaire, que des chercheurs ont participé à rassembler des connaissances astronomiques des Peuples semi-sédentaires ou nomades du nord du continent. Au Québec plus spécifiquement, l’astronomie autochtone a fait l’objet de très peu de recherches, à quelques exceptions près21Voir notamment Serge Demers, « Les Connaissances astronomiques des Indiens de Nouvelle France », Journal of the Royal Astronomical Society of Canada, Vol. 60, 1966, p. 225‑229 ; Emmanuel Desveaux, « Mythologie et astronomie des Indiens de Big Trout Lake », Algonquian Papers, Vol. 14, 1983, p. 203-218 ; Bernard Saladin d’Anglure, « Frère-lune (Taqqiq), soeur-soleil (Siqiniq) et l’intelligence du Monde (Sila) : Cosmologie inuit, cosmographie arctique et espace-temps chamanique », Études/Inuit/Studies, Vol. 14, nᵒ 1-2, 1990, p. 75-139 ; Rémi Savard, Carcajou et le sens du monde : récits montagnais-naskapi, Québec, Éditeur officiel du Québec, 1971 ; Sandrine Iceta, « L’espace-temps subarctique : Le vécu et le conçu montagnais », mémoire de maîtrise, Université Laval, 1997 ; Claire Dubé, op. cit..

Or depuis le tournant du XXIe siècle, les travaux de chercheurs et astronomes autochtones s’intéressant aux savoirs de leurs Nations témoignent d’un mouvement de résurgence des astronomies autochtones. Ces travaux, dont ceux d’Annette S. Lee, William Wilson, Jeffrey Tibbetts et de Carl Gawboy sur les constellations Ojibwe22Annette S. Lee, William Wilson, Jeffrey Tibbetts et Carl Gawboy, Ojibwe Sky Star Map Constellation Guide: An Introduction to Ojibwe Star Knowledge, St. Cloud, Native Skywatchers, 2014., ou de Wilfred Buck sur le ciel de la Nation Ininew (Cris de l’Ouest)23Pawaminikititicikiw Wilfred Buck, op. cit., p. 9., ont inspiré l’équipe de Terre Innue au moment de lancer l’initiative Laissez-nous raconter. C’est dans ce contexte que le projet a offert à l’astrophysicienne innue Laurie Rousseau-Nepton l’occasion de se joindre à l’équipe à titre de recherchiste et conseillère principale, cette dernière ayant commencé un important travail pour retrouver des savoirs astronomiques de la Nation Innue.

« Retourner dans le temps » et décoloniser les savoirs célestes

Afin de retrouver les savoirs célestes des Peuples autochtones du nord-est, et dans l’optique de décoloniser le ciel au moyen d’une œuvre cinématographique, un premier défi fut donc d’identifier de potentielles et pertinentes sources. A donc émergé un vaste chantier de recherche, non seulement dans les documents d’archives, mais aussi sur le terrain au sein des onze Nations concernées. Celui-ci s’est étalé sur plusieurs années et a atteint une portée sans précédent, fort d’un travail déployé de façon relationnelle, à travers un réseau de contacts lançant l’équipe de chercheuses sur de multiples pistes, d’une source à l’autre. Examinant divers corpus et archives pour retracer des savoirs rattachés aux astres et à l’astronomie, l’équipe a parcouru et répertorié une grande variété de documents : des manuscrits de missionnaires, des écrits anthropologiques, des films ethnographiques, des thèses et des mémoires universitaires, etc. En parallèle, des entrevues ont aussi été réalisées avec des spécialistes ayant mené des recherches en astronomie autochtone.

Corollairement aux enseignements partagés par la chercheuse Mary Makoons Geniusz concernant le travail avec les documents d’archives23Wendy Makoons Geniusz, Our Knowledge Is Not Primitive: Decolonizing Botanical Anishinaabe Teachings, Syracuse, Syracuse University Press, 2009., nous avons entrepris une réflexion sur la décolonisation de ces savoirs. En effet, dans de nombreux textes, les informations sont véhiculées au travers des prismes d’interprétation et de catégorisation qui sont ceux de leurs auteurs, influencés par les mentalités de leurs époques respectives, et le plus souvent étrangers aux systèmes de connaissances autochtones24Ibid., p. 14.. Plus encore, dans le cas d’ouvrages anthropologiques comprenant des récits rapportés d’informateurs autochtones, Geniusz insiste sur l’importance de cerner les contextes dans lesquelles certains savoirs ont pu être partagés aux chercheurs, tout en reconnaissant qu’à travers ces recherches, les aînés visaient à préserver des connaissances pour qu’elles soient accessibles aux générations futures25Ibid., p. 104.. Geniusz défend donc l’idée que ces informations peuvent être utiles pour les programmes de revitalisation culturelle et de retransmission des savoirs ancestraux, mais qu’elles doivent d’abord être décolonisées, c’est-à-dire, « by taking usable information out of these texts, making additions where necessary, and leaving behind degrading, ethnocentric comments made by their authors26Ibid. ». En adéquation avec cette démarche, l’équipe de recherche de Terre Innue a employé une approche similaire dans le but de retourner les informations récoltées aux communautés concernées d’une part, mais aussi pour s’assurer de leur authenticité et obtenir les consentements appropriés afin de les (ré)interpréter pour le film.

L’équipe aime utiliser la métaphore de la « recherche de pépites » en se remémorant la phase de recherche lancée pour ce projet. Si cette expression peut rappeler la période brutale de la conquête de l’Ouest et de la ruée vers l’or, elle prend un autre sens dans le contexte qui nous occupe ici. En effet, le travail initial a consisté à analyser les récits d’explorateurs et de missionnaires ou les travaux d’ethnologues et de cinéastes, afin d’en extraire des bribes d’informations sur un sujet ignoré ou délaissé par la majorité d’entre eux. L’idée derrière la métaphore des pépites est que, même dans des écrits sur des sujets autres, nous pouvions trouver, par bribes, des informations liées à l’astronomie. En effet, là où la pensée occidentale a tendance à cloisonner et à séparer les domaines du savoir – la biologie, la géographie, la santé humaine, l’astronomie, etc. –, les savoirs autochtones, basés sur le récit et les expériences individuelles, forment un tout holistique dans lequel spiritualité et science cohabitent27Jacques Kurtness, « Préface : Art et science : deux faces d’une même pièce de monnaie », Recherches amérindiennes au Québec, Vol. 48, nᵒ 1-2, 2018, p. 3-4.. Ainsi, la compréhension du territoire, des astres et des rêves est interconnectée dans le savoir ancestral autochtone28Zoe Tennant, « Indigenous Astronomies and ’astro-colonialism » », CBC, janvier 2021, en ligne, <https://www.cbc.ca/radio/unreserved/we-come-from-the-stars-indigenous-astronomy-astronauts-and-star-stories-1.5861762/indigenous-astronomies-and-astro-colonialism-1.5865387> (page consultée le 21 novembre 2023). Cette interconnexion nous a amenées à rassembler des écrits éparpillés à travers des sources multiples, éloignées et disparates. Ces pépites apportent, une fois rassemblées, des informations sur les liens aux astres, aux rêves et aux forces, visibles et invisibles, qui ont fait partie du quotidien des Peuples, Nations, communautés et familles autochtones pendant des millénaires.

Le storywork autour des récits et savoirs célestes

Pour décrire la démarche entreprise pour ce projet, une autre métaphore s’est avérée porteuse de sens : celle de l’aiguille en os (bone needle) que la chercheuse Jo-ann Archibald a mise de l’avant29Jo-Ann Archibald, op. cit.. En effet, dans un récit qu’elle rapporte30Il s’agit d’un récit initialement partagé par Eber Hampton, de la Nation Chickasaw, lors d’un colloque de recherche. Jo-Ann Archibald a ensuite obtenu sa permission pour en faire usage en l’adaptant à son contexte culturel. en présentant son approche du storywork, Coyote, figure du trickster, essaie de retrouver l’aiguille en os afin de recoudre ses mocassins déchirés. Cette métaphore sert à éclairer les façons de travailler avec des récits autochtones, c’est-à-dire en tenant compte de leur nature propre et des façons dont ils sont mobilisés chez de nombreux Peuples autochtones pour enseigner et pour éduquer la communauté. Il s’agit également d’une métaphore qui aborde l’inconfort potentiel de la recherche, mais aussi des exigences relationnelles et éthiques qui y sont liées :

Like Old Man Coyote I wanted the (re)search to be easy. I didn’t really want to deal with colonial history, and I did not want to question my motives and methods. But unlike Old Man Coyote, I knew that I had to venture to the unfamiliar territory of decolonization by questioning my motives and methods and ensuring that the negative legacy of research history was addressed31Jo-Ann Archibald, op. cit., p. 38..

En plus de tenir compte de la colonisation ayant affecté les informations récoltées, notre démarche consiste également à (re)donner sens aux fragments de savoirs et de récits en les validant auprès d’aînés, de gardiens et gardiennes de savoirs des Peuples auxquels ils se rapportent. Cela fait écho à l’approche du storywork qui, dans les mots d’Archibald, met l’accent sur les façons d’apprendre par et avec les récits issus des traditions orales ancestrales autochtones et des expériences personnelles vécues. Cette approche désigne « an Indigenous knowledge framework for Indigenous story theory, methodology and pedagogy32Jo-Ann Archibald, « Finding the Bone Needle through Indigenous Storywork », dans Elizabeth Sumida HUaman et Nathan D. Martin (dir.), Indigenous Knowledge Systems and Research Methodologies: Local Solutions and Global Opportunities, Toronto, Canadian Scholars, 2020, p. 23. » et renvoie à un ensemble de principes cruciaux lorsqu’on travaille avec les récits autochtones. Les quatre principes qui se sont avérés essentiels dans notre démarche sont le respect, la responsabilité, la collaboration et la réciprocité, ce qui n’est pas sans rappeler le cadre normatif des quatre « R » de la recherche, élaboré par Kirkness et Barnhardt33Verna J. Kirkness et Ray Barnhardt, « First Nations and Higher Education: The Four R’s – Respect, Relevance, Reciprocity, Responsibility », dans Ruth Hayoe et Julia Pan (dir.), Knowledge Across Cultures: A Contribution to Dialogue Among Civilizations, Hong Kong, Hong Kong University Press, 2001, p. 1-21..

Afin de s’engager dans cette voie, l’équipe de Terre Innue a constitué des Cercles aviseurs pour chacun des récits du film, en s’associant aux porteurs de savoir – dont des gardiens et gardiennes du territoire – avec lesquels le scénario et tous les aspects représentationnels du film ont été et sont encore discutés et validés. Ces liens de réciprocité servent également à performer des protocoles culturels appropriés pour entrer en relation avec les territoires, les savoirs et les systèmes de connaissances propres à chaque communauté. Ce cadre de collaboration contribue à construire un espace d’engagement éthique34Willie Ermine, « The Ethical Space of Engagement », Indigenous Law Journal, Vol. 6, nᵒ 1, 2007, p. 193-203. à travers lequel nous sommes chacun et chacune responsable et redevable des façons de retransmettre certains savoirs, selon nos propres rôles et postures. À ce titre, un important travail est mené pour établir et développer des relations de confiance à long terme, nourrissant une éthique de la recherche collaborative35Rochelle Johnston, Deborah McGregor et Jean-Paul Restoule, « Relationships, Respect, Relevance, Reciprocity, and Responsibility: Taking Up Indigenous Research Approaches », Indigenous Research: Theories, Practices and Relationships, Toronto, Canadian Scholars, 2018, p. 5. qui respecte également les réticences ou les refus à partager certains savoirs.

Cet esprit de respect, de révérence, de responsabilité partagée et de réciprocité anime également la création de l’œuvre cinématographique qui est conçue comme sacrée. En effet, les récits sont dotés d’une énergie et de vécus comme tels. Même dans une telle œuvre de divertissement éducatif, il est primordial de ne jamais perdre la profondeur et le respect de tous les éléments véhiculés, de même que l’accord de tous les conseillers contribuant au projet. L’équipe en parle, comme le mentionne Wilson36Shawn Wilson, Research Is Ceremony: Indigenous Research Methods, Halifax, Fernwood Publishing, 2008.[/mfn), comme des niveaux de respect à maintenir, ce qui renvoie à l’idée que l’espace et les relations entre les gens et leur environnement sont perçus comme sacrés. C’est dans cette perspective relationnelle et spirituelle que la recherche correspond à une cérémonie : « it is all about building relationships and bridging this sacred space36Ibid., p. 87. ».

Suivant cette démarche de recherche, l’équipe de co-scénarisation a choisi certains récits et savoirs pouvant s’enchaîner en une structure narrative et cinématographique. Cette sélection s’est faite sur la base de critères incluant : choisir des thématiques qui peuvent le plus fidèlement refléter la diversité des cultures et savoirs autochtones, présenter des contenus détaillés que nous avons pu vérifier auprès de plusieurs sources et être en phase avec ce que les conseillers du Cercle aviseur considèrent comme étant important à partager au plus grand nombre dans le contexte des crises environnementales actuelles.

Revitalisations, résurgences et littératies autochtones

La revitalisation des savoirs astronomiques des Peuples autochtones du nord-est de l’Île de la Tortue est clairement inscrite à même la raison d’être du projet de Terre Innue. L’approche retenue pour ce faire, un enchaînement de récits projetés sur un écran semi-hémisphérique, entend aussi participer à la revitalisation des façons de transmettre ces savoirs. Le projet et sa démarche de recherche nous amènent donc à réfléchir aux liens entre la revitalisation des savoirs autochtones et les formes que peuvent prendre leurs résurgences, dans une œuvre cinématographique et au-delà, en considérant leur portée transformatrice sur le plan individuel et collectif.

D’une part, le choix d’une œuvre cinématographique artistique vise à rendre plus accessibles les savoirs encapsulés dans les documents de recherche retrouvés, et les décoloniser dans l’exercice d’une certaine souveraineté narrative et artistique. La collaboration d’artistes autochtones des Peuples dont les récits et savoirs seront portés à l’écran est en cela fondamentale. Les animations de chaque récit seront basées sur la signature artistique et le travail d’illustration d’artistes visuels distincts. Par-là, le projet poursuit l’objectif de leur permettre d’incarner, par leur art, les récits cosmologiques de leurs Peuples et leur vision de l’interconnexion du Ciel, du territoire et du monde des rêves. Ainsi, le format 360º sur lequel ces visions prendront forme peut permettre de distinguer le statut particulier – astronomique, cosmologique et sacré – de ce qui est partagé, tout en renforçant les connexions entre les savoirs et en unissant différentes voix37Julia Dubé, « Why Indigenous cinema matters », L’Esprit libre, 2016, en ligne, <https://revuelespritlibre.org/why-indigenous-cinema-matters> (page consultée le 13 juin 2024).. Comme Zolbrod l’exprime, une attention particulière est donnée aux registres et aux structures poétiques utilisées pour retransmettre des connaissances astronomiques autochtones : « it indicates how an awareness of the cosmos can summon a vision requiring a special sort of articulation stylized to match what is observed in the way a kiva, a hogan, or a tipi provides a model of what is seen by careful monitoring of the sky38Paul Zolbrod, op. cit., p. 27. ». La (ré)interprétation des récits sur la voûte céleste circulaire du dôme, associée à la poésie de la narration et aux codes visuels déployés par les artistes, peut ainsi servir à accentuer et à reconduire la portée des connaissances issues de l’oralité. Ceci entraîne une façon de voir l’œuvre cinématographique en format 360º comme un médium de littératie autochtone parmi d’autres.

D’autre part, outre la revitalisation des savoirs célestes, le projet de Terre Innue entend contribuer à leurs résurgences39Voir notamment Borrows John, Recovering Canada: The Resurgence of Indigenous Law, Toronto, University of Toronto Press, 2002 ; Gerald R. Alfred, Wasáse: Indigenous Pathways of Action and Freedom, Peterborough, Broadview Press, 2005 ; Mark Rifkin, Beyond Settler Time: Temporal Sovereignty and Indigenous Self-Determination, Durham, Duke University Press Books, 2017 ; Leanne Betasamosake Simpson, As We Have Always Done: Indigenous Freedom through Radical Resistance, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2017.. La résurgence autochtone, un terme qui connait une récente popularité, est un concept polysémique dont l’idée centrale est la réémergence des visions du monde, des façons de faire et des façons d’être autochtones. Elle implique une constance et une continuité – de pratiques, de pensées, de codes de conduite, etc. – s’exprimant à travers le changement. S’éloignant des perspectives plus classiques en analyse politique des résistances autochtones, le concept de résurgence repose sur l’idée d’un changement par l’action interne. En effet, « [f]or proponents of resurgence, continued attempts to resist and transform the settler-colonial order from within — through the channels, arenas and discourses it makes available — can neither ensure Indigenous survival nor realize genuine progress towards decolonization and might in fact prove counterproductive on both counts40Michael Elliott, « Indigenous Resurgence: The Drive for Renewed Engagement and Reciprocity in the Turn Away from the State », Canadian Journal of Political Science, Vol. 51, nᵒ 1, 2017, p. 61-62. ». En conséquence, le concept de résurgence repose avant tout sur les individus. Leanne Betasamosake Simpson insiste sur ce caractère personnel, relationnel et incarné de la résurgence pour les personnes autochtones :

Resurgence asks Indigenous people to live their teachings and traditions in the ways that fit their diverse lives, and honour their responsibilities to their ancestors and their relations. In this way, the revitalization of Indigenous relationships with land and relatives disrupts the machinery of settler colonialism41Leanne Simpson, Dancing On Our Turtle’s Back: Stories of Nishnaabeg Re-Creation, Resurgence, and a New Emergence, Winnipeg, ARP Books, 2011, p. 6..

Similairement, Gina Starblanket appelle à concevoir la résurgence de manière processuelle et relationnelle : « thinking of resurgence as an ongoing way of life rather than something to be accomplished all at once can help give it traction by directing our attention to the ways we can engage in resurgence within the existing relationships we inhabit42Gina Starblanket, « Resurgence as Relationality », dans Jeff Corntassel et al. (dir.), Everyday Acts of Resurgence: People, Places, Practices, Washington, Daykeeper Press, 2018, p. 29. ». Le processus de recherche, le travail avec les récits (storywork) et les relations développées pour leur (ré)interprétation dans le film amènent à voir et à vivre ces formes de résurgences relationnelles qui s’incarnent dans le quotidien. Laurie Rousseau-Nepton l’explique lors d’une conversation en lien avec le processus de recherche des récits et savoirs célestes de sa Nation : « Plus tu le fais, plus tu le comprends, plus tu le vis en même temps. Ce n’est pas juste quelque chose de l’ordre de la connaissance, c’est quelque chose qui change un peu ta façon d’être parce que tu regagnes cette connexion-là ». Nous observons un lien important entre le storywork associé aux récits et savoirs célestes autochtones et la portée de leurs résurgences, car si l’on travaille avec les récits, les récits travaillent aussi sur nous. Comme Archibald l’écrivait : « stories can ‘take on their own life’ and ‘become the teacher’ if these [storywork] principles are being used43Jo-Ann Archibald, Indigenous Storywork, op. cit., p. lx. ».

Expérientiellement, c’est ce que ce projet nous apprend. Par exemple, regarder le ciel et y voir les constellations selon les esprits innus qui les animent participe à créer des marqueurs mnémotechniques indélébiles. Les recherches de Laurie Rousseau-Nepton pour ce projet ont notamment permis de retrouver une immense constellation qui traverse le ciel des Innus : un canot céleste connectant les constellations d’Utshek (Pékan ; Ursa Major) et de Kuekuatsheu (Carcajou ; Orion). Lorsqu’elle accomplissait ce travail, Laurie était d’ailleurs amenée à se déplacer en canot plusieurs fois par semaine, rendant la connexion à cette constellation encore plus percutante parce que vécue sur le territoire. Elle exprime que, maintenant, lorsqu’elle regarde Orion, ce n’est plus Orion qu’elle voit ; elle voit toutes les histoires qui sont liées au Carcajou. Une grande motivation à partager cette méga-constellation est donc de permettre à tout le monde de la voir, et ce, pour que les gens refassent cette connexion et qu’ils puissent aussi voir Carcajou et Pékan dans le ciel quand ils entendent les histoires que les Innus racontent à leur sujet, tout simplement parce qu’ils sont là, dans un ciel qui est vivant.

En conséquence, pour l’équipe du projet, le ciel, tout comme le dôme semi-hémisphérique, est un puissant médium de littératie autochtone. Cette perspective est aussi partagée par Mary et Leonard Moose, aînés, illustrateurs et auteurs de livres sur les constellations anishinaabe. De façon claire, ils expriment : « Nanaboozho named everything and wrote the Adizookaanan [récits cosmogoniques ancestraux, cérémonies] in the stars. If we work hard at what is truly important to our future, our children and grandchildren will be able to read the stars themselves44Leonard Moose et Mary Moose, Inhabiting the Earth/Ajijaak, Six Nations of the Grand River Territory, Indigenous Education Press, 2021, p. 7. ». Dans cette perspective, les récits ancestraux multimillénaires rattachés aux constellations autochtones, par les milieux temporellement éloignés et souverains de l’oralité d’où ils nous proviennent, semblent faire advenir le passé dans le présent. Par cette forme de littératie autochtone résurgente, lire et (ré)interpréter les récits célestes peut amener à créer une sorte de « théâtre historique45Keith H. Basso, Wisdom Sits in Places: Landscape and Language Among the Western Apache, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1996, p. 33. » qui se déploie sous nos yeux. Et à la vue de ces constellations – sur un dôme comme dans le ciel – ce sont en fait les esprits des récits qui leur sont associés qui nous gardent à vue, nous « éduquent46Jo-Ann Archibald, « Finding the Bone Needle through Indigenous Storywork », op. cit., p. 24. ». Ainsi, (ré)interpréter les récits célestes retrouvés en revient peut-être à « citer les Ancêtres47Keith H. Basso, op. cit., p. 30. » et à rouvrir une voie vers les enseignements qu’ils ont cru important de transmettre dans le futur48Leonard Moose et Mary Moose, op. cit., p. 7.. Redire ces histoires et les voir dans le ciel étoilé, c’est voir le passé et le futur qui interpellent le présent.

Conclusion

Ainsi que le soutiennent Gina Starblanket et Heidi Kiiwetinepinesiik Stark, les modes de mise en relation autochtones, tels que ceux explorés dans cet article, remettent en question l’hégémonie de ceux hérités de la modernité coloniale49Gina Starblanket et Heidi Kiiwetinepinesiik Stark, « Towards a Relational Paradigm – Four Points for Consideration: Knowledge, Gender, Land, and Modernity », dans John Borrows et James Tully (dir.), Resurgence and Reconciliation: Indigenous-Settler Relations and Earth Teachings, Toronto, University of Toronto Press, 2018, p. 199.. Nous pensons ici spécifiquement aux relations de pouvoir genrées, au cloisonnement des domaines du savoir, à l’objectification et aux formes de détachement inhérents aux sciences astronomiques occidentales modernes, ainsi qu’à leur enseignement. Le projet d’œuvre cinématographique de Terre Innue est inédit, car il s’agit, d’une part, du premier projet immersif racontant les visions du ciel du point de vue de Peuples autochtones du nord-est du continent américain et d’autre part, parce que le projet est porté majoritairement par des femmes. Leur travail et leurs approches de recherche reconduisent des modes de (re)transmission de connaissances astronomiques issues des milieux de l’oralité en s’appropriant les technologies numériques de l’animation et du cinéma 360 degrés. Par ce médium, ils permettent aux Autochtones de se voir dans le ciel et d’y recréer leurs connexions en liant les histoires, les récits et les cérémonies aux territoires, terreau de leurs enseignements. Ce faisant, ainsi que l’exprime Channette Romeo : « Indigenous women’s appropriation of the animation medium is especially significant, as the genre’s narratives and formal grammar have historically been used to disseminate settler cultures’ imperialist and patriarchal ideologies50Channette Romero, « Toward an Indigenous Feminine Animation Aesthetic », Studies in American Indian Literatures, Vol. 29, nᵒ 1, 2017, p. 58.. » La mobilisation de ce médium par le projet de Terre Innue remet en question les façons d’apprendre l’astronomie, et ce, en valorisant les connaissances propres au territoire, pour enseigner et redonner sa place au contenu issu de la contribution des Premiers Peuples dans notre univers culturel. Il souligne ainsi l’importance du territoire et de l’accès au ciel étoilé pour apprendre de ces relations et de leurs résurgences.

Cet article avait pour objectif de mettre de l’avant les processus qui ont guidé un projet de film immersif sur les astronomies autochtones, tout autant que les changements et réflexions qui ont émergé de ce dernier, parfois à la surprise des actrices du projet elles-mêmes. Se mettre à la recherche des histoires et connaissances autochtones du territoire, des rêves et du ciel a agi comme l’étincelle qui a allumé le feu de ce projet. Au cœur d’une démarche de souveraineté narrative et d’une réflexion liée aux récits comme médium central des épistémologies autochtones, ce projet est aujourd’hui vécu comme un véritable processus de résurgence, une transformation individuelle et collective, par les discours, mais aussi par l’action au quotidien. À l’heure où le carrefour entre création, recherche et action sociopolitique s’avère foisonnant, ce texte offre un exemple et une réflexion sur les promesses que ce mariage peut offrir. Et, même si rien n’est immuable, pas même le ciel, nous espérons que cette démarche stimulera la réflexion et l’action et participera à un changement qui donnera davantage à voir et à penser les voix autochtones. Qui sait, peut-être que, la prochaine fois que vous regarderez le ciel, vous serez capables d’y trouver Utshek.

  • 1
    Nous reprenons les mots employés par Anna Mapachee, Anicinape et Crie, citée dans l’ouvrage éponyme d’Emanuelle Dufour. Emanuelle Dufour, « C’est le Québec qui est né dans mon pays ! » Carnet de rencontres, d’Ani Kuni à Kiuna, Montréal, Éditions Écosociété, coll. « Ricochets », 2021, p. 94.
  • 2
    Jo-Ann Archibald, Indigenous Storywork: Educating the Heart, Mind, Body, and Spirit, Vancouver, UBC Press, 2008, s. p.
  • 3
    Emma Battell Lowman et Adam J. Barker, Settler: Identity and Colonialism in 21st Century Canada, Halifax, Fernwood Publishing, 2015, p. 46.
  • 4
    Michelle H. Raheja, « Future Tense: Indigenous Film, Pedagogy, Promise », dans Chris Andersen et Jean M. O’Brien (dir.), Sources and Methods in Indigenous Studies, Londres, Routledge, 2017, p. 239.
  • 5
    Ibid.
  • 6
    Eve Tuck et Rubén A. Gaztambide-Fernández, « Curriculum, Replacement, and Settler Futurity », Journal of Curriculum Theorizing, Vol. 29, nᵒ 1, 2013, p. 73.
  • 7
    André Dudemaine, Gabrielle Marcoux et Isabelle St-Amand, « Indigenous Cinema and Media in the Americas: Storytelling, Communities, and Sovereignties », Revue canadienne d’études cinématographiques/Canadian Journal of Film Studies, Vol. 29, nᵒ 11, 2020, p. 27-51.
  • 8
    Michelle H. Raheja, Reservation Reelism: Redfacing, Visual Sovereignty, and Representations of Native Americans in Film, Lincoln, University of Nebraska Press, 2010, p. 240.
  • 9
    Marcia Nickerson, Protocoles et chemins cinématographiques : Un guide de production médiatique pour la collaboration avec les communautés, cultures, concepts et histoires des peuples des Premières Nations, Métis, et Inuit, Toronto, imagineNATIVE, 2019, s. p.
  • 10
    Ces derniers sont les Abénakis, Anishinabe/Anicinape, Atikamekw, Eeyou (Cri), Innu, Inuit, Kanien’kehà:ka (Mohawk), Mi’kmaq, Naskapi, Wendat et Wolastoqiyik (Malécite).
  • 11
    Le projet multiplateforme et transmédia Laissez-nous raconter comprend une série documentaire (quatre émissions d’une heure) réalisée par Kim O’Bomsawin pour toutes les plateformes et écrans de Radio-Canada et de CBC ; deux séries de baladodiffusion qui ont gagné des prix à travers le monde, Laissez-nous raconter l’histoire crochie et Telling Our Twisted Histories ; une exposition au Musée McCord ; un site web ; une série de Grands Entretiens avec des personnalités autochtones issues de notre projet pour la chaîne radio de Radio-Canada ; des récits numériques pour les médias sociaux et le film immersif dont il est question dans cet article.
  • 12
    Terre Innue, « Laissez-nous raconter – Série documentaire », Terre Innue, <https://www.terreinnue.com/laisseznous-raconter> (page consultée le 21 novembre 2023).
  • 13
    Paul Zolbrod, « Cosmos and Poeisis in the Seneca Thank-You Prayer », dans Ray A. Williamson et Claire R. Farrer (dir.), Earth & Sky: Visions of the Cosmos in Native American Folklore, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1992, p. 25-51.
  • 14
    Claire Dubé, « Le calendrier micmac : repères astronomiques et cosmologiques », Algonquian Papers, Vol. 25, 1994, p. 106.
  • 15
    Ibid.
  • 16
    Ibid.
  • 17
    Pawaminikititicikiw Wilfred Buck, Kitcikisik (Great Sky): Tellings That Fill the Night Sky, Six Nations of the Grand River Territory, Indigenous Education Press, 2021, p. 6.
  • 18
    Marie Battiste et James (Sa’ke’j) Youngblood Henderson, « Naturalizing Indigenous Knowledge in Eurocentric Education », Canadian Journal of Native Education, Vol. 32, nᵒ 1, 2009, p. 5-18.
  • 19
    Ray A. Williamson et Claire R. Farrer, « Introduction: The Animating Breath », Earth & Sky: Visions of the Cosmos in Native American Folklore, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1992, p. 1-24.
  • 20
    Ibid.
  • 21
    Voir notamment Serge Demers, « Les Connaissances astronomiques des Indiens de Nouvelle France », Journal of the Royal Astronomical Society of Canada, Vol. 60, 1966, p. 225‑229 ; Emmanuel Desveaux, « Mythologie et astronomie des Indiens de Big Trout Lake », Algonquian Papers, Vol. 14, 1983, p. 203-218 ; Bernard Saladin d’Anglure, « Frère-lune (Taqqiq), soeur-soleil (Siqiniq) et l’intelligence du Monde (Sila) : Cosmologie inuit, cosmographie arctique et espace-temps chamanique », Études/Inuit/Studies, Vol. 14, nᵒ 1-2, 1990, p. 75-139 ; Rémi Savard, Carcajou et le sens du monde : récits montagnais-naskapi, Québec, Éditeur officiel du Québec, 1971 ; Sandrine Iceta, « L’espace-temps subarctique : Le vécu et le conçu montagnais », mémoire de maîtrise, Université Laval, 1997 ; Claire Dubé, op. cit.
  • 22
    Annette S. Lee, William Wilson, Jeffrey Tibbetts et Carl Gawboy, Ojibwe Sky Star Map Constellation Guide: An Introduction to Ojibwe Star Knowledge, St. Cloud, Native Skywatchers, 2014.
  • 23
    Pawaminikititicikiw Wilfred Buck, op. cit., p. 9., ont inspiré l’équipe de Terre Innue au moment de lancer l’initiative Laissez-nous raconter. C’est dans ce contexte que le projet a offert à l’astrophysicienne innue Laurie Rousseau-Nepton l’occasion de se joindre à l’équipe à titre de recherchiste et conseillère principale, cette dernière ayant commencé un important travail pour retrouver des savoirs astronomiques de la Nation Innue.

    « Retourner dans le temps » et décoloniser les savoirs célestes

    Afin de retrouver les savoirs célestes des Peuples autochtones du nord-est, et dans l’optique de décoloniser le ciel au moyen d’une œuvre cinématographique, un premier défi fut donc d’identifier de potentielles et pertinentes sources. A donc émergé un vaste chantier de recherche, non seulement dans les documents d’archives, mais aussi sur le terrain au sein des onze Nations concernées. Celui-ci s’est étalé sur plusieurs années et a atteint une portée sans précédent, fort d’un travail déployé de façon relationnelle, à travers un réseau de contacts lançant l’équipe de chercheuses sur de multiples pistes, d’une source à l’autre. Examinant divers corpus et archives pour retracer des savoirs rattachés aux astres et à l’astronomie, l’équipe a parcouru et répertorié une grande variété de documents : des manuscrits de missionnaires, des écrits anthropologiques, des films ethnographiques, des thèses et des mémoires universitaires, etc. En parallèle, des entrevues ont aussi été réalisées avec des spécialistes ayant mené des recherches en astronomie autochtone.

    Corollairement aux enseignements partagés par la chercheuse Mary Makoons Geniusz concernant le travail avec les documents d’archives23Wendy Makoons Geniusz, Our Knowledge Is Not Primitive: Decolonizing Botanical Anishinaabe Teachings, Syracuse, Syracuse University Press, 2009.

  • 24
    Ibid., p. 14.
  • 25
    Ibid., p. 104.
  • 26
    Ibid.
  • 27
    Jacques Kurtness, « Préface : Art et science : deux faces d’une même pièce de monnaie », Recherches amérindiennes au Québec, Vol. 48, nᵒ 1-2, 2018, p. 3-4.
  • 28
    Zoe Tennant, « Indigenous Astronomies and ’astro-colonialism » », CBC, janvier 2021, en ligne, <https://www.cbc.ca/radio/unreserved/we-come-from-the-stars-indigenous-astronomy-astronauts-and-star-stories-1.5861762/indigenous-astronomies-and-astro-colonialism-1.5865387> (page consultée le 21 novembre 2023)
  • 29
    Jo-Ann Archibald, op. cit.
  • 30
    Il s’agit d’un récit initialement partagé par Eber Hampton, de la Nation Chickasaw, lors d’un colloque de recherche. Jo-Ann Archibald a ensuite obtenu sa permission pour en faire usage en l’adaptant à son contexte culturel.
  • 31
    Jo-Ann Archibald, op. cit., p. 38.
  • 32
    Jo-Ann Archibald, « Finding the Bone Needle through Indigenous Storywork », dans Elizabeth Sumida HUaman et Nathan D. Martin (dir.), Indigenous Knowledge Systems and Research Methodologies: Local Solutions and Global Opportunities, Toronto, Canadian Scholars, 2020, p. 23.
  • 33
    Verna J. Kirkness et Ray Barnhardt, « First Nations and Higher Education: The Four R’s – Respect, Relevance, Reciprocity, Responsibility », dans Ruth Hayoe et Julia Pan (dir.), Knowledge Across Cultures: A Contribution to Dialogue Among Civilizations, Hong Kong, Hong Kong University Press, 2001, p. 1-21.
  • 34
    Willie Ermine, « The Ethical Space of Engagement », Indigenous Law Journal, Vol. 6, nᵒ 1, 2007, p. 193-203.
  • 35
    Rochelle Johnston, Deborah McGregor et Jean-Paul Restoule, « Relationships, Respect, Relevance, Reciprocity, and Responsibility: Taking Up Indigenous Research Approaches », Indigenous Research: Theories, Practices and Relationships, Toronto, Canadian Scholars, 2018, p. 5.
  • 36
    Shawn Wilson, Research Is Ceremony: Indigenous Research Methods, Halifax, Fernwood Publishing, 2008.[/mfn), comme des niveaux de respect à maintenir, ce qui renvoie à l’idée que l’espace et les relations entre les gens et leur environnement sont perçus comme sacrés. C’est dans cette perspective relationnelle et spirituelle que la recherche correspond à une cérémonie : « it is all about building relationships and bridging this sacred space36Ibid., p. 87.
  • 37
    Julia Dubé, « Why Indigenous cinema matters », L’Esprit libre, 2016, en ligne, <https://revuelespritlibre.org/why-indigenous-cinema-matters> (page consultée le 13 juin 2024).
  • 38
    Paul Zolbrod, op. cit., p. 27.
  • 39
    Voir notamment Borrows John, Recovering Canada: The Resurgence of Indigenous Law, Toronto, University of Toronto Press, 2002 ; Gerald R. Alfred, Wasáse: Indigenous Pathways of Action and Freedom, Peterborough, Broadview Press, 2005 ; Mark Rifkin, Beyond Settler Time: Temporal Sovereignty and Indigenous Self-Determination, Durham, Duke University Press Books, 2017 ; Leanne Betasamosake Simpson, As We Have Always Done: Indigenous Freedom through Radical Resistance, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2017.
  • 40
    Michael Elliott, « Indigenous Resurgence: The Drive for Renewed Engagement and Reciprocity in the Turn Away from the State », Canadian Journal of Political Science, Vol. 51, nᵒ 1, 2017, p. 61-62.
  • 41
    Leanne Simpson, Dancing On Our Turtle’s Back: Stories of Nishnaabeg Re-Creation, Resurgence, and a New Emergence, Winnipeg, ARP Books, 2011, p. 6.
  • 42
    Gina Starblanket, « Resurgence as Relationality », dans Jeff Corntassel et al. (dir.), Everyday Acts of Resurgence: People, Places, Practices, Washington, Daykeeper Press, 2018, p. 29.
  • 43
    Jo-Ann Archibald, Indigenous Storywork, op. cit., p. lx.
  • 44
    Leonard Moose et Mary Moose, Inhabiting the Earth/Ajijaak, Six Nations of the Grand River Territory, Indigenous Education Press, 2021, p. 7.
  • 45
    Keith H. Basso, Wisdom Sits in Places: Landscape and Language Among the Western Apache, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1996, p. 33.
  • 46
    Jo-Ann Archibald, « Finding the Bone Needle through Indigenous Storywork », op. cit., p. 24.
  • 47
    Keith H. Basso, op. cit., p. 30.
  • 48
    Leonard Moose et Mary Moose, op. cit., p. 7.
  • 49
    Gina Starblanket et Heidi Kiiwetinepinesiik Stark, « Towards a Relational Paradigm – Four Points for Consideration: Knowledge, Gender, Land, and Modernity », dans John Borrows et James Tully (dir.), Resurgence and Reconciliation: Indigenous-Settler Relations and Earth Teachings, Toronto, University of Toronto Press, 2018, p. 199.
  • 50
    Channette Romero, « Toward an Indigenous Feminine Animation Aesthetic », Studies in American Indian Literatures, Vol. 29, nᵒ 1, 2017, p. 58.