La chaotique du ventre : étude de l’anthropophagie dans l’œuvre d’Emma Santos

La chaotique du ventre : étude de l’anthropophagie dans l’œuvre d’Emma Santos

Elise Denis
Université du Québec à Rimouski

Actuellement en rédaction de mémoire-création à l’Université du Québec à Rimouski, Elise Denis travaille sur la thématique de la dissociation dans l’œuvre d’Emma Santos. Elle s’intéresse tout particulièrement aux rapports entretenus entre corps et corpus en création, à la manière dont chair et mots s’entremêlent dans l’écriture, ainsi qu’aux effets textuels et stylistiques provoqués par cette tension. Elle publie ses créations dans des ouvrages collectifs (récemment aux Éditions du drame) ou revues littéraires (récemment dans la revue Le Pied, Grands Espaces, prochainement Moebius) et rédige des articles pour des médias culturels en ligne.

On en dénombre quatre. Quatre femmes-monstres, aux mains comme des pattes dont les imposantes griffes s’éternisent jusqu’aux abords du papier, bouches ouvertes, édentées, avides de personnages à l’allure fœtale : elles dévorent leur progéniture. Certaines sont en acte (le dessin capture l’instant où les personnages-fœtus sont jetés dans une bouche béante) tandis que d’autres digèrent (on met l’accent sur le ventre rempli de chair). Couleurs primaires, tracé brut, enfantin, il y a quelque chose de tribal dans cette stylistique, un tribalisme de chambres de bonne, celles insalubrement perchées dans les hauteurs des bâtiments haussmanniens. Y réside également une puissance cannibale, un hydrolat dévorateur à l’odeur entêtante, une insatiabilité empreinte de colère dont j’aimerais saisir l’essence au travers de cet article. Je réfère ici aux quatre dessins réalisés par l’autrice française Emma Santos (1943-1983) et publiés dans l’ouvrage J’ai tué Emma S. ou l’écriture colonisée1Emma Santos, J’ai tué Emma S. ou l’écriture colonisée, éditions des femmes, Paris, 1976. Désormais abrégé JTES suivi du numéro de page., récit d’internement dont la force destructrice émane d’un besoin de création vorace, organique et charnel. J’ai tué Emma S. fait partie d’une œuvre marquée par la maladie, l’internement et la violence, comptant une petite dizaine d’ouvrages ainsi que de nombreux autres dessins archivés à la Collection de l’Art Brut de Lausanne ainsi qu’à la Bibliothèque nationale de France2La Collection de l’Art Brut de Lausanne conserve quelques dessins et portraits d’Emma Santos. Certains sont en ligne, consultables via le lien suivant : <https://www.lausanne.ch/apps/museris/?artistes=Santos%2C%20Emma&page=2&sort=pertinence>. En ce qui concerne la Bibliothèque nationale de France (BnF), le fonds relatif à Emma Santos est en cours de classement et d’inventaire. Les documents n’étant pas encore numérisés, le fonds ne peut être consulté à distance. La majorité des récits publiés par l’écrivaine sont édités aux éditions des femmes, grâce à qui la reproduction des quatre dessins présentés dans ce papier est rendue possible. Mme Le Goff, sœur d’Emma Santos et détentrice des droits d’auteur, a également facilité cette reproduction..

Mise en bouche

Rattacher l’héritage santosien aux œuvres de l’Art Brut révèle le caractère « hors la norme libéré des contraintes élitiques traditionnelles3Jean Dubuffet, cité dans Émilie Champenois, L’art brut, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je? », 2020, p. 26. » de ces créations, fortement influencées par le contexte asilaire dans lequel elles ont été fomentées. Dans cet article, nous éludons toutes références au dossier médical attestant de la folie santosienne. Bien que certainement passionnantes, les approches psychanalytique et biographique ne semblent pas convenir à la compréhension de l’esthétique de la dévoration telle qu’elle se caractérise dans cette œuvre. Nous préférons nous fonder sur le mythe (celui de Cronos) ainsi que sur l’analyse stylistique des éléments textuels et iconiques présents dans quatre dessins et quatre récits4La symbolique du chiffre quatre, Tetar/tétra, chez Artaud (dont l’œuvre se rattache intimement à celle de Santos) serait à souligner ici. Pour plus détails, se référer à l’ouvrage de Paule Thévenin, Antonin Artaud, ce Désespéré qui vous parle, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Essais », 1993, p. 214-215., en priorisant JTES, ouvrage accueillant d’énigmatiques figures qui, par leur symbolique, nous incitent à étudier le cannibalesque chez Santos. Le titre « La chaotique du ventre » est un clin d’œil au déchirement et au dédoublement du ventre chez Antonin Artaud. Fréquemment citée par Santos dans ses écrits, la chaotique résulte de cette « membrane dévorante5Ibid., p. 217. », origine de désordres corporels et littéraires qui font de la folie un terreau propice à la dévoration. L’évocation du chaos artaudien nous permet d’approcher la poïétique santosienne par le biais de l’intertextualité et des nombreuses occurrences reliant leurs deux esthétiques. Par ailleurs, le chaos primitif tel qu’il se présente dans la mythologie grecque donne lieu à une forme d’eschatologie, au sens de « représentation menaçante d’une dissolution à venir6Peggy Avez, L’envers de la liberté. Une approche historique dialectique, Paris,Éditions de la Sorbonne, 2017, p. 37-84, <http://books.openedition.org/psorbonne/14160>. », perceptible chez Santos par le seul choix de son titre « J’ai tué Emma S. » Cette expression, formulée comme un suicide accompli (l’usage du passé composé en atteste) implique la destruction du nom écrivain pour faire advenir une « femme nouvelle » (JTES, 86). Pourtant, l’écrivaine ne pourra s’empêcher de faire renaître ses mortes et signera ultérieurement plusieurs recueils de ce nom ressuscité. Un scénario similaire se produit avec les nombreux « avortons » évoqués ou représentés par Santos, donnant lieu à des scènes récurrentes d’avalement, de démembrement et d’autodévoration. Cette tendance destructrice dont la teneur cannibale suscite notre intérêt revient telle une cyclique que nous comparons ici à la digestive humaine. Enfin, notre titre peut être envisagé comme une tentative de réponse subjective et littéraire apportée à la poésie de Nicole Brossard : « Comment poser les questions : ongles, poitrine sexe vierge / avec des muscles missiles jaillis d’on ne sait quel chaos7Nicole Brossard, « Du réel nous ne connaissons que ce qui arrive à notre corps. Or le corps des femmes … », dans Andrea Oberhuber, Corps de papier. Résonances, Montréal, Nota Bene, « coll. Nouveaux essais Spirale », 2021, p. 73. Dans cette citation ne figure qu’un court extrait de poème. ». Bien que dénuée de ponctuation indiquant la nature interrogative de ces vers, nous proposons la chaotique du ventre comme piste de recherche afin de mieux saisir cet éclat poétique évoqué par Brossard au regard de l’esthétique santosienne.

Avant d’entrer dans le cœur analytique, entendons-nous sur l’usage d’une terminologie commune. Dans cet article, nous discutons davantage de « dévoration », axée sur l’action et l’élan avec lequel s’engloutit le sujet mangé, puisque c’est de cette intensité qu’il s’agit tant dans les dessins que dans les textes. Au cours des développements proposés, nous accolons ce terme à différentes réalités (dévoration amoureuse, autophagie, infanticide, etc.), mais restons dans l’optique d’une réalité anthropophagique, c’est-à-dire d’un rapport de semblable à semblable (être humain à être humain). L’usage du terme « cannibale », plus commun, ne sera pas totalement évincé, par souci de fluidifier la langue et parce que Santos, elle-même, y fait référence par écrit. De la même manière, le ou la cannibale s’entend comme « anthropophage » : nous limitons ainsi toute référence animale ou végétale.

Les huîtres, le sperme, les électrochocs

La plupart des dessins réalisés et publiés par Emma Santos datent des années 1979-1980, soit quelques années avant sa mort prématurée en 1983. Ceux exposés au musée de Lausanne représentent une série d’organes sortis du corps, crayonnés aux pastels (bleu clair, rose feutré, jaune de Naples) et dégagent une certaine douceur. Pendant cette période, elle réalise également des collages, dessins de corps féminins découpés, imbriqués sur une feuille de manière brute, élémentaire. Deux mouvements antonymiques mais dont la stylistique se rapproche davantage en comparaison à celle des quatre dessins à l’étude. Publiés en 1976, période consacrée à l’écriture (deux recueils cette même année), leur présence en prélude du récit J’ai tué Emma S. reste énigmatique. À la lecture de son œuvre, on devine que les différentes périodes d’internement traversées étaient propices à la création puisqu’elle raconte avoir supplié maintes fois le personnel médical pour un morceau de papier, un crayon. Ces figures ont très probablement été réalisées dans un tel contexte. Mais, alors que Santos insiste sur l’omniprésence de la langue dans ses récits, elle ne réfère ni au tracé ni aux couleurs des étranges femmes-monstres qu’elle dessine. Leur apparition se fait de manière abrupte, sans contexte, sans légende, sans aucun indice permettant de les retracer. Nous choisissons de les nommer « figures 1, 2, 3, 4 » selon leur ordre d’apparition dans l’ouvrage. La première ouvrant J’ai tué Emma S. (figure 1) représente une créature de plain-pied, son visage formé d’une tête de mort surplombe un volcan crachant d’épaisses flammes rouges, substituant le cou, précieux lien entre le corps et l’esprit. Une pyramide se dresse en lieu et place du ventre, habité d’un fœtus et d’un soleil rouge. La prédominance du rouge et de l’élément feu atteste d’une rage évidente, comme la position des mains, longs doigts déliés dans l’air laissant croire en l’imminence d’une attaque. À la lecture du récit attenant, nous découvrons que cet assaut est motivé non par la colère mais par le désir et l’avidité, éléments combustibles d’une folie dévorante que nous analysons ci-après.

Figure 1. Emma Santos, Sans titre, 1976, feutre sur papier, dans J’ai tué Emma S. ou l’écriture colonisée, p. 1.

Dans son essai sur le poète-dramaturge Antonin Artaud, Simon Harel actualise la définition du cannibalisme en citant l’ethnologue et écrivain Jean Pouillon pour qui le mangeur et le mangé opèrent dans un système de transfert de significations par lequel le mangé prend l’aspect d’un objet partiel intrinsèquement lié au désir :

Ce fameux objet qui représente l’éclipse du désir, l’impossibilité de combler le désir sous la forme d’un besoin, puis l’énigme que représente ce désir, dans la mesure où nulle satisfaction ne parviendra à l’éteindre. Le cannibalisme, dans la mesure où il intervient de façon élective sur ce que je nomme le consommable […] met en jeu l’intériorité et l’extériorité du corps humain, la façon dont ce dernier peut faire l’objet d’aménagements, de modifications, d’interventions in situ8Simon Harel, Artaud, l’astre errant, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2021, p. 129..

J’ai tué Emma S. est le récit de cette « impossibilité », celle de désirer à nouveau. Anéantie par sa rupture après dix ans de relation avec l’artiste portugais Damacesno Santos, la narratrice se (con)fond dans un fantasme fusionnel qui vire à l’obsession. S’adressant tantôt au « il » tantôt au « tu », elle répète obstinément « être une substance un mot sa femme, être un mot mon obsession, être ta femme une substance un mot » (JTES, 8). Formulée comme une supplication, cette expression (répétée quatre fois sur deux pages) mérite un bref détour étymologique, notamment autour de l’usage du terme « substance », dont la racine commune (substantia) avec le verbe « substanter » est loin d’être hasardeuse. Substanter, c’est nourrir l’autre et veiller à ce qu’iel soit pourvu·e de nourriture. En s’offrant comme moyen de subsistance, la narratrice pose les jalons du caractère sacrificiel d’une écriture dont la teneur cannibalesque se révèle plus âprement tout au long du récit : « je suis sa femme sa putain, cette substance blanche et gluante que je mélange à l’eau pour les parois de l’estomac » (JTES, 25). L’ajout de nouveaux éléments évoque l’aliment de base qu’est le pain, mélange de farine et eau formant une pâte que l’on imagine devenir gluante sous l’action des sucs digestifs. En se laissant dévorer, la narratrice disparaît au profit de l’autre, elle devient cette « peau à nous deux » (JTES, 25), corps indistinct car fusionné au détriment de son intégrité. Cet arrangement renvoie à la définition de « l’écorché » offerte par Roland Barthes dans Fragments d’un discours amoureux : « Je suis “une boule de substance irritable”. Je n’ai pas de peau (sauf pour les caresses)9Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Tel quel », 1997, p. 111. ». L’analogie entre l’amoureuse santosienne et cet état d’âme barthésien devient évidente tant l’image d’un pâton informe en processus de décomposition leur est commune. Dans J’ai tué Emma S., nous remarquons la substitution de l’ensemble du référentiel amoureux par celui du comestible, comme perceptible ci-contre : « Tu m’as appris à manger et à faire l’amour. Les dimanches où l’on vivait d’huîtres et de sperme. On buvait du vin blanc. On s’énervait jusqu’à désirer le sang de l’autre. » (JTES, 30). À plusieurs reprises, la narration nous offre une description littéraire complète des tablées opulentes et gourmandes recouvrant le plancher de la petite chambre de bonne : « les fruits les fromages les poissons à griller au feu de la cheminée » (JTES, 30) sont détaillés avec soin et étalés proche des corps nus qui se dévorent avec le même appétit que les provisions. Cette écriture nous convie à l’entremêlement des mets, de l’amour et de la mort comme à un festin de bacchanales au cours duquel l’homme se gave et la femme se laisse dévorer. Mais de cette orgie découle une incertitude quant à la distinction du corps mangé et du corps mangeant et, alors que l’homme digère, nous assistons ponctuellement à un retournement du ventre par lequel la narratrice s’arrache de sa substantialisation pour, avidement, contre-attaquer : « Je voulais extraire ta chair », « Je te confondais avec le crabe et mon corps hurlait. Te voir éclater sous ta carapace de dureté et te décortiquer » (JTES, 29). Ce retournement est aussi présent dans Effraction au réel10Emma Santos, Effraction au réel, Paris, éditions des femmes-Antoinette Fouque, 2006. Désormais abrégé en ER suivi du numéro de page., ouvrage témoin du même foisonnement d’éléments reliés aux rites sacrificiels et à la pulsion cannibale de la narratrice vis-à-vis de l’amour perdu, comme induit ici : « Et moi je dévorais tes couilles », « Je me promène avec son phallus dans la main » (ER, 188), « Sur un tapis parfumé de fleurs de lotus ce sera le sacrifice du sexe entouré de fruits de volailles et de guirlandes de fleurs de santal » (ER, 189). De fait, les deux récits sont intimement liés : esthétiquement, par l’usage de la première figure (présentée ci-dessus et publiée dans J’ai tué Emma S. en 1976, p.1.) comme illustration de couverture de Effraction du réel quelques années plus tard; thématiquement, par l’omniprésence de l’homme, ombre menaçante, grugeant la chair et impactant l’écriture aux fondements. Le détournement du thème amoureux en quelque chose de monstrueux a été analysé par l’autrice et professeure adjointe Marie-Ève Bradette, pour qui le jaillissement du cannibalisme santosien serait concomitant à l’effritement de l’amour en tant que figure, c’est-à-dire en tant qu’espace de médiation, de langage et de fantasmes. Il se déploierait alors que les frontières de cet espace seraient menacées, entraînant la disparition d’une cosmogonie relationnelle, d’un univers symbolique et d’une sémiologie. Cette violente défiguration se métabolise via l’écriture « en un désir d’incorporer l’autre en soi, de le conserver, telle une relique […] faite de chair et de sang, en somme de matière organique, de matière humaine qu’il s’agit de dévorer, et c’est en ce sens que nous parlerons d’une anthropophagie amoureuse11Marie-Ève Bradette, « De l’effondrement de l’amour comme figure, au désir de dévoration de l’autre. L’écriture comme cannibalisme-agit dans les récits d’Emma SANTOS. », Post-Scriptum, vol. 17, 2014, <https://post-scriptum.org/17-09-de-leffondrement-de-lamour-comme-figure-au-desir-de-devoration-de-lautre/>. ». Nous reviendrons sur les incidences scripturales et stylistiques de cet effondrement en fin d’article. Avant cela, attardons-nous sur un tout autre retournement prenant part à la chaotique, celui de la matrice.

La matrice engloutisseuse

Dans J’ai tué Emma S., dessins comme écrits témoignent du jeu entre intériorité et extériorité relevé par Jean Pouillon dans sa définition du cannibalisme. Ce jeu n’opère plus seulement dans le cadre amoureux mais semble atteindre la sphère de l’intime, comme l’atteste cette douloureuse introspection : « Je vis entre l’angoisse d’être dehors et le désir de retourner dedans. Je me balance saute sur un pied. Je semble heureuse en apparence. Une petite fille. Dehors, dedans, dehors, dedans. Je joue à la marelle. Dehors12Emma Santos, La Malcastrée, Paris, édition des femmes-Antoinette Fouque, 1976, p. 50. Désormais abrégé LM suivi du numéro de page.. »

Le corps devient objet de passage, d’un va-et-vient incessant entre le « dedans » et le « dehors » témoignant d’un cycle proche du fonctionnement digestif. Le passage de la bouche au ventre est crucial dans l’œuvre santosienne et repense l’anatomie humaine tel que la bouche devient sexe, le ventre se métamorphose en trou, l’anus accouche et le sexe crie. Santos pose la question des limites charnelles de manière obsessive, subversive et outrancière, limites qu’elle tente désespérément de restituer après sa rupture amoureuse suivie de « sept ans d’hôpital de neurolyptiques et d’électrochocs » (JTES, 70). Car l’espace du cannibalisme santosien est aussi celui d’un vécu médical contraint, délimité par les murs blancs et les longs couloirs sombres, enveloppé de « robe[s] de chambre en nylon matelassée[s] avec des fleurs violettes ou roses » (JTES, 81). Espace de souffrances où le corps se déshabite, s’avorte de force, se couche de force, se fige et se viole : « Il m’a malmenée le médecin, retournée déshabillée désintégrée. Il cherchait toujours plus loin au fond de moi. Il me traversait […] Il n’y avait plus de corps de femme, même plus de nom » (JTES, 84).

Victime de cet anéantissement, Santos développe une obsession pour les contours, parfois marqués d’un double coup de crayon (un cerne noir pour souligner un contour rouge), elle accentue les traits des silhouettes qu’elle dessine, colorie furieusement le dedans (lieu de l’intime et du retour aux origines), délaisse le dehors (lieu de l’angoissante liberté). Or, ce réinvestissement intérieur passe par une quête de la gestation : l’écrivaine ne cesse de se remplir de « dizaines d’enfants anormaux13Emma Santos, Le Théâtre d’Emma Santos, Paris, éditions des femmes-Antoinette Fouque, 1976, p. 49. Désormais abrégé en LTES suivi du numéro de page. », de « cent fœtus idiots » (LTES, 49), de « milliers de solitudes », de « millions d’embryons échappés » (LTES, 50). Et plus l’intérieur se remplit, plus la confrontation au monde extérieur paraît envisageable : les « avortons envahissent la ville dehors » (LM, 106), instant où le délire semble procurer une jouissance expansive et le sentiment d’une vitalité nouvelle, proche de l’extase : la plénitude.

Sous sa plume, les ventres sont pleins, ronds, voluptueux. Ils s’ouvrent, avalent puis se referment : « L’enfant est sorti, puis entré à nouveau. La matrice avale l’enfant que je n’ai pas fait, engloutisseuse. Je marcherai le ventre rempli toute ma vie. Femme enceinte dans la lumière entre la terre et la mer. » (LM, 13) L’anthropophagie santosienne intervient dans un espace polarisé entre les éléments qui n’est pas sans rappeler le mythe de Cronos, tranchant d’un coup de serpe le sexe de son père Ouranos et, ce faisant, éloignant à jamais le ciel-père (Ouranos) de la terre-mère (Gaïa). Dans la Théogonie d’Hésiode14Voir Hésiode, Théogonie, la naissance des dieux, Paris, Rivages, 1993., cet acte d’émasculation provoque un désordre cosmogonique sans précédent et déclenche une terreur de la progéniture chez Cronos. De son union avec Rheia naissent six enfants dont Zeus, le cadet. Cronos, cruel et vorace, dévore les cinq premiers dès la naissance. Zeus est sauvé de justesse par la ruse de sa mère qui, avec la complicité de Gaïa et d’Ouranos, parvient à cacher son fils en Crète et duper son mari affamé en langeant une pierre qu’elle lui offre au lieu du fils. Le subterfuge fonctionne, Zeus survit et initie une guerre opposant la lignée des Cronides (régurgitée par leur père grâce aux pouvoirs de Mètis) à celle des Titans. Dans les mythes fondateurs de la Grèce antique, l’avalement est un thème récurrent puisque Zeus lui-même, rescapé de la dévoration infanticide, avale sa femme Mètis avant qu’elle n’accouche d’Athéna, toujours dans le dessein de stopper la lignée pour conserver le pouvoir. Le cannibalisme santosien semble s’inspirer des grands mythes tout en se distanciant de la quête de pouvoir poussant Cronos ou Zeus à dévorer. La Malcastrée serait cette mutilée à-demi, impuissante car incapable d’enfanter, avalant les enfants sortis de son ventre, non pour protéger son règne et sa puissance mais davantage pour se donner une contenance gestatrice.

La figure ci-dessous représente une créature en plein délire cannibalesque. Le trait suggère une corporéité féminine avec la représentation d’attributs physiques considérés conventionnellement comme féminins (vulve apparente, poitrine, fesses galbées). La dévoration est en cours : deux jambes dépassant morbidement de la bouche en témoignent. S’ensuivent sept autres figures propulsées dans un même élan vers cette bouche engloutisseuse. Elles ont les bras ouverts, semblent danser. Les seins de la femme-monstre sont proéminents, comme en prévision d’un allaitement futur. Dans son ventre, un assemblage de cercles vides situés au niveau de l’estomac plutôt que l’utérus. Des quatre dessins présentés dans cet article, celui-ci semble être le plus explicite. Santos y assume pleinement le caractère anthropophagique de son œuvre.

Figure 2. Emma Santos, Sans titre, 1976, feutre sur papier, dans J’ai tué Emma S. ou l’écriture colonisée, p. 4.

Tout comme Gaïa et Chaos qui, avant le grand dédoublement faisant advenir Ouranos, « tirent d’eux-mêmes les enfants qu’ils font venir à l’être15Ibid. p. 14. » le récit des grossesses santosiennes n’inclut pas de géniteur. Dès lors, la gestation relève de la parthénogénèse comme le suggère l’interaction entre la « Dame Psychiatre » et la narratrice dans Le Théâtre d’Emma Santos :

  • Vous êtes enceinte. Vous êtes enceinte, avouez, vous ne pouvez plus le cacher, vous êtes enceinte, n’est-ce pas ?
  • Non, j’ai un enfant dans le ventre, c’est différent. J’ai un enfant. Je ne suis plus seule. Il y a quelqu’un, un autre, un … (LTES, 46).

Évoquant le délire de grossesse, la docteure et psychiatre Evelyne Lechner précise : « l’important ici étant, par le truchement d’une sexualité hors sexe, non pas de faire un enfant, ni d’avoir un enfant, mais bien d’être enceinte, indéfiniment16Évelyne Lechner, « La vierge noire : délire de grossesse », Psychologie Clinique, vol. 45, nº 1, 2018, p. 98. ». Pourtant Santos semble revendiquer l’inverse. Elle dément formellement le fait d’être enceinte et refuse la terminologie utilisée par le corps médical. La nature de cette contradiction entre une symptomatologie liée au délire de grossesse telle qu’on le repère chez de nombreuses patientes atteintes de schizophrénie et ce passage tiré du Théâtre pose question. Sans entrer dans l’étude des hypothèses psychanalytiques pouvant expliquer ce paradoxe, nous nous limitons au constat de faits suivant : la présence de l’enfant dans le ventre ne respecte en rien les logiques chronologique et anatomique d’une grossesse classique. L’enfant, entité éphémère et autonome, découle de l’avalement comme cela est clairement suggéré par la figure 4 (ci-dessus) ainsi que par cette scène chez le psychiatre décrite dans J’ai tué Emma S. : dans le cabinet du docteur, la narratrice s’amuse à lécher, sucer, croquer des poupées dans le but de narguer son interlocuteur. Elle mâche le plastique des bébés, tantôt le recrache, tantôt l’avale (JTES, 49), puis accouche des bébés par la bouche ou par le cul17L’effet que peut provoquer l’usage de ce terme familier est volontaire : Emma Santos évoquant le corps de manière parfois abjecte, parfois vulgaire, en tout cas choquante., voies réservées anatomiquement aux fonctions nutritive, digestive, sexuelle mais non procréative. Leur ingestion permet la métabolisation d’une perte, celle de l’enfant à naître qui ne pourra jamais naître, du moins en contexte asilaire où chaque nouvel enfantement est aussitôt détruit, « enlevé puis brûlé comme un organe pourri et dangereux » (LTES, 48) faisant ruisseler le sang au long des cuisses, ne laissant qu’un vide, une béance. Il faudra alors « bourrer le trou avec du coton et ne pas y penser » puis se remettre à « avaler, avaler, avaler ça, ça, ça » (LTES, 51) pour engendrer à nouveau. Telle une chaotique du ventre, le cycle de la gestation-dévoration polarise sa part de lumière (la naissance) et sa part d’ombre (la destruction).

L’autophagie, dérive de l’acte créateur

Si l’on considère le troisième dessin exposé dans J’ai tué Emma S., une question devient urgente : qui (se) dévore ? Loin de se limiter à l’infanticide, l’anthropophagie devient ce lien de mutualité entre corps dévorant et corps dévoré. Ci-dessous, deux fœtus pendus aux lèvres de l’alma mater sont en train d’engloutir sa chair. Leur cordon ombilical vole derrière eux, souvenir d’un attachement intime et vital avec la femme-monstre dont le ventre inspire une toile d’araignée, comme s’il n’avait jamais rien abrité.

Figure 3. Emma Santos, Sans titre, 1976, feutre sur papier, dans J’ai tué Emma S. ou l’écriture colonisée, p. 3.

Les fœtus sont illustrés comme des entités affamées dont la puissance dévoratrice se retourne contre la femme dévorante, situation qui semble atteindre son acmé dans La Malcastrée, lorsque « cinquante petits fous » (LM, 11) nés du ventre se jettent voracement sur leur gestatrice :

Ils m’arrachaient les cheveux, griffaient mes mains, tentaient de me percer les yeux […] déchiraient et mangeaient mes vêtements. Des petits animaux trop longtemps assoiffés. Mais oui ils avaient des dents, ils étaient affamés, je l’ignorais. (LM, 12)

Les enfants, devenus bestiaux, entreprennent de l’écraser, la piétiner, la fouler, la fouetter, la déchiqueter même. Conjuguée à la troisième figure, cette scène suggère non pas un cannibalisme mais bien des cannibalismes, incluant des mouvements d’incorporation pluriels et antagoniques et ciblant une diversité de sujets dont le corps créateur lui-même (scénario du dévorant dévoré). Dans son ouvrage Artaud, l’astre errant, Simon Harel explore la question de l’autophagie, c’est-à-dire l’intégration du soi comme objet de dévoration, en se basant sur l’œuvre du poète-dramaturge. Harel la définit comme une opération de suppression, d’arasement, de castration, mouvement cruel et nécessaire pour l’avènement de l’écriture. Pour illustrer son propos, il puise dans le répertoire artaudien en évoquant les six filles du poète, filles de son âme, de son cœur ou de son cul, tantôt suppôts, amazones ou météores. Il cite Yvonne, Caterine, Neneka, Cécile, Ana et la petite Anie. Toutes créées puis destinées à de terribles tortures : violées, battues, tuées, découpées puis délaissées avant de renaître dans l’œuvre. L’écriture santosienne transpose la descendance artaudienne en avortons et, malgré deux univers sensiblement différents, on décèle chez l’un·e comme l’autre une même poïétique, faisant advenir une progéniture qui n’est autre que l’œuvre avortée (car dévorée) et qui interroge par sa nature : ne serait-elle pas le prolongement névrotique du soi ? Autrement dit, « est-ce bien soi qu’on mange ? Ou l’autre détaché de soi18Simon Harel, op. cit. p. 141. ? »

Dans Le corps de l’œuvre Didier Anzieu propose une corporéisation de la création en la rapprochant des fonctionnalités du corps vivant :

Il y a, dans la création […] du travail d’accouchement, d’expulsion, de défécation, de vomissement. Se trouve aussi une similitude avec le travail de la question, autrement dit de la torture, car le bourreau travaille avec insistance, précision, variété, le corps de la victime, tout comme le créateur travaille au corps à corps le matériau qu’il a choisi, tout comme la création lui arrache des souffrances, des aveux, désarticule ses jointures19Simon Harel, op. cit. p. 141..

Dans son analyse, l’artiste « bourreau » victimise son œuvre, travaillant « avec insistance » le corps de sa création qui, à son tour, engagera un rapport charnel avec son.a créateur.trice. L’œuvre résulte d’un accouchement, autrement dit du passage d’un stade embryonnaire (l’image de la larve20Catherine Morency, Poétique de l’émergence et des commencements. Les premiers écrits de Miron, Lefrançois, Gauvreau et Hébert, Montréal, Nota Bene, coll. « Sillage », 2014, p. 23. mobilisée par Catherine Morency dans sa Poétique de l’émergence et des commencements est éclairante à ce propos) au stade transcendantal menant à la création. Cette transmutation créatrice s’opère dans une violence inouïe, culminant par la pratique d’une anthropophagie littéraire telle qu’étudiée chez Santos ou Artaud, dangereuse en ce qu’elle menace de gruger leurs êtres, de les ronger jusqu’à l’éclat, jusqu’au sans organe.

Corps sans organe. Œuvre sans organe

« Elle n’a pas d’ovaires, on chuchote, ça la travaille le corps vide. Je regardais, effrayée son corps sans organe caché dans une robe violette pailletée, improvisée avec des bouts de chiffons21LM, 51.. »

Cette citation atteste de la sensibilité de l’écrivaine pour le concept du CsO, né littérairement sous la plume d’Antonin Artaud et, philosophiquement, sous celles de Deleuze et Guattari. Dans L’Anti-Œdipe, les deux philosophes envisagent l’organisme comme élément tyrannique et hiérarchisant du corps qui, dénué de cette organisation aliénante, se libère. Selon eux, le corps souffre d’être ligoté par un système organisationnel contingent contre lequel ils proposent une rébellion. Proposer le CsO comme école de pensée permet de poser un acte politique crucial en faveur de la liberté d’être et de créer. Le corps doit être considéré à partir de la matière vivante : ses vibrations, ses palpitements, son intensité. Certains états nous rapprocheraient, toujours selon ces auteurs, du CsO, tels qu’une prise de barbituriques, un état schizophrénique ou encore certaines pratiques masochistes. Autrement dit, il s’agit d’échapper à notre pensée cartésienne pour atteindre l’immanence et la jouissance du corps libre. L’écriture d’Artaud est emblématique d’une recherche effrénée du CsO, le poète condamnant obsessivement sa propre emprise corporelle, ce qui se traduit littérairement par une écriture de l’abjection22Julia Kristeva explore ce concept et le définit par opposition au « je ». L’abjection se situerait « sur la limite imprécise entre le soi et le non-soi », autrement dit entre le créateur ou la créatrice et sa création. Julia Kristeva, Pouvoirs de l’horreur. Essai sur l’abjection, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points Essais », 1983. où les orifices s’entremêlent. Si Emma Santos évoque le poète-dramaturge dans ses récits, c’est qu’elle se rapproche de ce principe d’autodestruction créatrice oscillant entre délire et désaliénation :

Parce qu’ils ont perdu leurs fonctions premières, les organes du corps artaldien deviennent indistincts les uns des autres, en ce qu’ils ont tous atteint un dysfonctionnement équivalent. Cette idée d’un corps sans organes et, par le fait même, sans organisation, qui réapprend à “danser à l’envers / comme dans le délire des bals musette / et cet envers sera son véritable endroit”, renvoie à une corporéité libre et, par conséquent, à une corporéité folle23Mireille Calle-Gruber, Sarah-Anaïs Crevier Boulet, Maribel Peñalver Vicea et Andrea Oberhuber (dir.). Des folles littéraires, des folies lucides. Les états borderline du genre et ses créations, Montréal, Nota Bene, coll. « Fonds (littérature) », 2019, p. 130.

Cette déconstruction extrême du système organisationnel, dont le penchant cannibale ne laisse aucun doute, est perceptible dans la figure reproduite ci-dessous :

Figure 4. Emma Santos, Sans titre, 1976, feutre sur papier, dans J’ai tué Emma S. ou l’écriture colonisée, p. 2.

Ici, Santos représente le corps dans une transparence sélective : l’enfant porté au niveau du ventre est apparent, lévitant sur un aplat de couleur vert et uni. Pourtant, outre l’enfant, il ne contient rien d’organique. Seules des lignes, cercles et couleurs primaires occupent cette silhouette dont la forme est réinventée tout en restant fidèle à une corporéité humaine. Certains attributs se rapprochent de l’animal (les mains et pieds deviennent des pattes), d’autres du végétal (les cheveux sont des branches) mais nous restons dans une représentation de l’être humain, bien que primaire. Le corps est revisité : la poche ventrale contenant l’enfant est striée de lignes colorées, ôtant toute possibilité de sortie vers la vie. Le nombril en pointe indique une grossesse à terme, tout comme la position siège partagée par la créature et l’enfant. Cette représentation obsédante de l’enfant enclavé dans un ventre stérile nous plonge dans « l’inengendré », dans « l’improductif », dans le sans organe et ce, jusque dans l’œuvre.

En tant qu’expérimentation en soi, l’œuvre sans organe requiert une pratique artistique de la performativité qui n’est plus considérée comme medium d’expression mais devient l’expression elle-même. Isabelle Perreault évoque la notion de texte « dés-organisé » pour caractériser le récit durassien, au sens où l’absence de structure organique l’émancipe des codes littéraires conventionnels : « Parce qu’il échappe à l’unification du soi que permet le langage, le sujet sans organes ne peut assumer d’autorité discursive sur sa propre histoire puisque celle-ci, éclatée, ne parvient jamais à obéir à un sens unique, homogène et chronologique24Ibid. p. 131. ». Le récit santosien rejoint ce propos : éclatement narratif, confusion temporelle, incohérence discursive et déconstruction syntaxique sont autant d’aspects symptomatiques de la désorganisation textuelle et artistique opérée par l’autrice. S’inspirant du concept de fantasme-agit d’André Green, Marie-Ève Bradette parle de cannibalisme-agit, voire d’auto-cannibalisme-agit en référence au caractère anthropophagique omniprésent dans l’écriture santosienne. Selon Bradette, la dévoration n’est pas uniquement fantasmée chez Santos, mais plutôt ancrée dans le réel et corporéisée via l’écriture qui peut s’entendre comme agir cannibale25Marie-Ève Bradette, op. cit. : « L’écriture et moi, on est monstre indécent, à peine regardable, immonde, surtout pas lisible » (LM, 76). Cette irruption du monstrueux dote l’écriture d’une esthétique de la dévoration qui finit par attaquer le langage. En effet, chez Santos, les « gendelettres » ou « sauterelles écrivaines » s’entredévorent (LM, 31), les mots rognent la chair comme des affamés, l’écriture est cette maladie vénérienne, ce cancer, cette drogue (LM, 30). Le monstre, chez l’écrivaine, prend naissance par la langue, organe qui permet la déglutition et qui permet « d’avaler, absorber, faciliter la bonne circulation des fluides et des matières solides26Simon Harel, op. cit. p. 140. ». Pourtant, les figures représentées dans ses dessins en sont dénuées. Aucune langue apparente, l’organe semble complètement ignoré. Les bouches se présentent comme trous béants, vortex ou bien striées de dents créant une fermeture opaque. La langue est invisibilisée. C’est là toute l’ambivalence d’une œuvre qui s’épuise à combattre la dévoration tout en y puisant sa force. En découle une stylistique complexe et instable qui dote les mots d’un pouvoir de vie et de mort sur elle-même. Les mots l’enferment, l’internent, la névrosent et la nécrosent, mais ils lui insufflent aussi ce dernier souffle de vie : « Je me regarde dans l’écriture pour ne pas mourir » (LM, 16). Sans les mots, c’est la mort. Emma Santos les décortique, les adule comme les exècre, elle en joue, parfois les annule (écrit avec l’eau ou le sang) et, d’autres fois, les laisse ronger sa peau.

Et cette dernière citation pour clore notre propos, offerte comme une douceur amère typiquement santosienne, dernier pétale d’une pâquerette dégarnie par nos anxiétés de champs, Santos et sa gloutonne détresse : « Les cannibales dépècent mon corps, j’interroge le miroir : qué tal ? » (ER, 201).

  • 1
    Emma Santos, J’ai tué Emma S. ou l’écriture colonisée, éditions des femmes, Paris, 1976. Désormais abrégé JTES suivi du numéro de page.
  • 2
    La Collection de l’Art Brut de Lausanne conserve quelques dessins et portraits d’Emma Santos. Certains sont en ligne, consultables via le lien suivant : <https://www.lausanne.ch/apps/museris/?artistes=Santos%2C%20Emma&page=2&sort=pertinence>. En ce qui concerne la Bibliothèque nationale de France (BnF), le fonds relatif à Emma Santos est en cours de classement et d’inventaire. Les documents n’étant pas encore numérisés, le fonds ne peut être consulté à distance. La majorité des récits publiés par l’écrivaine sont édités aux éditions des femmes, grâce à qui la reproduction des quatre dessins présentés dans ce papier est rendue possible. Mme Le Goff, sœur d’Emma Santos et détentrice des droits d’auteur, a également facilité cette reproduction.
  • 3
    Jean Dubuffet, cité dans Émilie Champenois, L’art brut, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je? », 2020, p. 26.
  • 4
    La symbolique du chiffre quatre, Tetar/tétra, chez Artaud (dont l’œuvre se rattache intimement à celle de Santos) serait à souligner ici. Pour plus détails, se référer à l’ouvrage de Paule Thévenin, Antonin Artaud, ce Désespéré qui vous parle, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Essais », 1993, p. 214-215.
  • 5
    Ibid., p. 217.
  • 6
    Peggy Avez, L’envers de la liberté. Une approche historique dialectique, Paris,Éditions de la Sorbonne, 2017, p. 37-84, <http://books.openedition.org/psorbonne/14160>.
  • 7
    Nicole Brossard, « Du réel nous ne connaissons que ce qui arrive à notre corps. Or le corps des femmes … », dans Andrea Oberhuber, Corps de papier. Résonances, Montréal, Nota Bene, « coll. Nouveaux essais Spirale », 2021, p. 73. Dans cette citation ne figure qu’un court extrait de poème.
  • 8
    Simon Harel, Artaud, l’astre errant, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2021, p. 129.
  • 9
    Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Tel quel », 1997, p. 111.
  • 10
    Emma Santos, Effraction au réel, Paris, éditions des femmes-Antoinette Fouque, 2006. Désormais abrégé en ER suivi du numéro de page.
  • 11
    Marie-Ève Bradette, « De l’effondrement de l’amour comme figure, au désir de dévoration de l’autre. L’écriture comme cannibalisme-agit dans les récits d’Emma SANTOS. », Post-Scriptum, vol. 17, 2014, <https://post-scriptum.org/17-09-de-leffondrement-de-lamour-comme-figure-au-desir-de-devoration-de-lautre/>.
  • 12
    Emma Santos, La Malcastrée, Paris, édition des femmes-Antoinette Fouque, 1976, p. 50. Désormais abrégé LM suivi du numéro de page.
  • 13
    Emma Santos, Le Théâtre d’Emma Santos, Paris, éditions des femmes-Antoinette Fouque, 1976, p. 49. Désormais abrégé en LTES suivi du numéro de page.
  • 14
    Voir Hésiode, Théogonie, la naissance des dieux, Paris, Rivages, 1993.
  • 15
    Ibid. p. 14.
  • 16
    Évelyne Lechner, « La vierge noire : délire de grossesse », Psychologie Clinique, vol. 45, nº 1, 2018, p. 98.
  • 17
    L’effet que peut provoquer l’usage de ce terme familier est volontaire : Emma Santos évoquant le corps de manière parfois abjecte, parfois vulgaire, en tout cas choquante.
  • 18
    Simon Harel, op. cit. p. 141.
  • 19
    Simon Harel, op. cit. p. 141.
  • 20
    Catherine Morency, Poétique de l’émergence et des commencements. Les premiers écrits de Miron, Lefrançois, Gauvreau et Hébert, Montréal, Nota Bene, coll. « Sillage », 2014, p. 23.
  • 21
    LM, 51.
  • 22
    Julia Kristeva explore ce concept et le définit par opposition au « je ». L’abjection se situerait « sur la limite imprécise entre le soi et le non-soi », autrement dit entre le créateur ou la créatrice et sa création. Julia Kristeva, Pouvoirs de l’horreur. Essai sur l’abjection, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points Essais », 1983.
  • 23
    Mireille Calle-Gruber, Sarah-Anaïs Crevier Boulet, Maribel Peñalver Vicea et Andrea Oberhuber (dir.). Des folles littéraires, des folies lucides. Les états borderline du genre et ses créations, Montréal, Nota Bene, coll. « Fonds (littérature) », 2019, p. 130.
  • 24
    Ibid. p. 131.
  • 25
    Marie-Ève Bradette, op. cit.
  • 26
    Simon Harel, op. cit. p. 140.