Refuser de marcher à la queue leu leu : Féérie yvonienne dans Querelle de Roberval de Kevin Lambert  

Refuser de marcher à la queue leu leu :
féérie yvonienne dans Querelle de Roberval de Kevin Lambert

Laurence Veilleux
Université du Québec à Rimouski

Originaire de la Beauce, Laurence Veilleux est l’auteure des recueils Chasse aux corneilles (2014), Amélia (Prix Félix-Leclerc 2016) ainsi que d’Elle des chambres (Prix Émile-Nelligan 2019), tous parus aux éditions Poètes de brousse. Elle est candidate à la maîtrise en lettres et création à l’Université du Québec à Rimouski. Ses recherches portent sur les liens unissant la sorcellerie et la poésie dans l’œuvre de Catherine Lalonde.

« Les gais, comme plusieurs minorités qui vivent en marge de la culture hétéronormative, ont toujours fait cela : se coller à des figures qui n’ont pas été pensées comme queers, qui s’adressaient d’abord à un public imaginé comme straight1Gérald Gaudet (dir.), « Kevin Lambert : pour un peu plus de fluidité » dans Parlons de nuit, de fureur et de poésie, Montréal, Éditions Nota Bene, 2021, p. 68.. »

« Fair is foul, and foul is fair2William Shakespeare, Macbeth, Londres, Penguin Book, 2005 [1606], p. 5. »

 

Entre la figure de la bonne fée et celle de la sorcière, il n’y a qu’un pas à franchir. Michelet n’hésite pas à percevoir l’une comme l’évolution naturelle de l’autre :

Nature les a fait sorcières. [sic] — C’est le génie propre à la Femme et son tempérament. Elle naît Fée. Par le retour régulier de l’exaltation, elle est Sibylle. Par l’amour, elle est Magicienne. Par sa finesse, sa malice (souvent fantasque et bienfaisante), elle est Sorcière, et fait le sort, du moins endort, trompe les maux3Jules Michelet, La Sorcière, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Folio Classique », 2016 [1862], p. 29. .

Bonnes ou mauvaises, la fée et la sorcière sont intrinsèquement dangereuses car elles peuvent déjouer la trajectoire du destin. Kevin Lambert explore cette ligne fragile entre le bien et le mal, le soin et la violence dans Querelle de Roberval (2018), une fiction syndicale qui, progressivement, se transforme en fantaisie brutale aux limites de la pornographie gore. Querelle, héros de ce « conte cruel4Rachel Nadon, « Les esthétiques démocratiques en question : représentation du travail et mémoire ouvrière dans La mémoire du papier et Querelle de Roberval », Voix et Images, vol. 46, n° 1 (136), automne 2020, p. 96.  », est inspiré par le séduisant marin éponyme du drame Querelle de Brest de Jean Genet (1947). Lorsqu’une tablée de corsaires l’ensorcelle dans une taverne montréalaise, une autre figure associée à la littérature homosexuelle émerge, celle de Josée Yvon, poète de la contre-culture québécoise et grande fée des étoiles ravagée. Chez Yvon, les revendications féministes5À propos du féminisme d’Yvon, Catherine Mavrikakis précise que la poète « est toujours à côté de la plaque. À un féminisme féminin militant et un tantinet bourgeois qui voulait sortir les femmes de leur condition et de leur cuisine en les guidant vers le marché du travail, elle a toujours préféré la prostitution, le transsexualisme, hormonal ou pas, et le nomadisme tous azimuts. » dans Catherine Mavrikakis, « Inhabiter le monde en poète », Liberté, n° 303,, 2014, p. 76. , queer et sociales cohabitent avec une « fascination déstabilisante pour la violence sous toutes ses formes6Kevin Lambert, « Trait-d’union », dans Josée Yvon, Filles-commandos bandées, Paris, Éditions du Nouvel Attila, coll. « Othello », 2019 [1976 pour le texte d’Yvon], p. 22.  ». Un rapprochement semble s’établir entre les personnages de Lambert et les « sorcières sales et brisées violentes7Josée Yvon, Travesties-kamikaze, Montréal, Éditions les Herbes rouges, 2019 [1980], p. 25.  » d’Yvon. À l’aide des théories des études de genres ainsi que de l’histoire européenne des fées et des sorcières à travers la littérature, cet article s’engage à dévoiler la féérie yvonienne présente dans Querelle de Roberval

Querelle : un personnage yvonien

De partout au Lac-Saint-Jean, les jeunes garçons affluent devant la chambre du bel ouvrier fraîchement engagé à la Scierie du Lac inc. de Roberval. Nimbé de mystère, Querelle intrigue les Robervalois·e·s comme sait le faire, en littérature québécoise, un étranger qui débarque en région8Je fais ici référence au roman Le survenant de Geneviève Guèvremont (1945) ou encore à la figure du diable déguisé en bel étranger dans les différentes versions de la légende de Rose Latulipe. . Le vocabulaire emprunté aux contes merveilleux que Lambert emploie pour le décrire fait de lui un être surnaturel. C’est un « monstre fabuleux9Kevin Lambert, Querelle de Roberval, Montréal, Éditions Héliotrope, coll. « P », 2021 [2018], p. 81.  », une « créature malveillante » (QR, 81) qui dévore les adolescents. On brosse « son portrait comme on imagine les personnages de contes cruels et terrifiants » (QR, 81). Querelle est une fée déguisée en ogre magnifique. Une fée qui ne doit rien aux frères Grimm, puisant plutôt son héritage chez Josée Yvon et « sa gang/toutes des fées mal tournées10Josée Yvon, « Filles commandos-bandées » dans Danseuses-mamelouk, Montréal, Éditions les Herbes rouges, 2020 [1976], p. 106. Désormais FCB, suivi du numéro de la page.  » :

À la fois ternie et endurcie par la vie, cette figure cardinale que constitue chez Yvon la fée mal tournée refuse l’asservissement féminin qu’incarnent la fée du logis et la fée marraine, exclusivement dévouées au service d’autrui ; la fée d’Yvon est une fée déchue, mauvaise, qui « pisse sur les étoiles » et « fourre pendant que ses enfants brûlent11Camille Anctil-Raymond, « “Nous sommes des éventreuses”. Les Amazones de Josée Yvon dans Filles-commandos bandées », MuseMedusa, no 7, 2019, https://musemedusa.com:443/dossier_7/anctil-raymond/, page consultée le 2 janvier 2022.  ».

La dimension queer du féminisme yvonien, qui accueille « la prostitution, le transsexualisme, hormonal ou pas12Catherine Mavrikakis, « Inhabiter le monde en poète », Liberté, n° 303, 2014, p. 76.  » dans sa lutte, m’amène à considérer le féminin dont parle Anctil-Raymond ci-dessus comme un concept non-essentialiste. Un féminin étroitement lié à la conception qu’en ont les féministes matérialistes, qui considèrent « les femmes en tant que classe13Monique Wittig, La pensée straight, Paris, Éditions Amsterdam, 2018 [2001], p. 16.  » – une classe sociale inférieure dans une société hétéronormative. En rejetant les stéréotypes de genre associés à la figure de la fée – gentillesse, dévouement maternel, ange du foyer –, les fées yvoniennes refusent cet asservissement, s’installent en dehors des codes binaires des genres et, en ce sens, s’approchent du queer.

Le médiéviste Claude Lecourteux affirme à propos de la sorcellerie qu’« il ne faut jamais oublier qu’elle forme le pendant négatif de la féérie14Claude Lecourteux, Fées sorcières et loups-garous au Moyen Âge, Paris, Éditions Imago, 2012 [1992], p. 83. ». Dans les contes pour enfants, les fées sont auprès des berceaux et les sorcières vivent seules au fond des bois. Cependant, la distinction entre la figure de la bonne fée et celle de la méchante sorcière n’est pas toujours claire. C’est le cas lorsqu’on pense à la fée Morgane15Virginie Thomas, « Morgan Le Fay dans la littérature et l’art britanniques au Moyen Âge et au XIXe siècle : entre fée et sorcière », MuseMedusa, no 5, 2017, https://musemedusa.com:443/dossier_5/thomas/, page consultée le 29 mars 2022.  des légendes arthuriennes ou à la maléfique fée Carabosse de Marie-Catherine d’Aulnoy, chez qui la femme, en exprimant sa colère, tombe dans l’obscurité. Chez Lambert, la fée bienveillante est suspecte, sa gentillesse dissimule un venin dangereux : « Les matantes, les bonnes fées marraines, c’est connu, lorsqu’elles se penchent sur le berceau des derniers-nés, prennent toujours un malin plaisir à les pincer avec leurs ongles vernis, à les étouffer doucement d’un doigt dans la gorge » (QR, 106).  

Querelle, en raison de son appétit sexuel insatiable, de sa réputation de « prédateur » (QR, 83), de son désir de croquer la chair de ses amants et de sa « phénoménalité de Bonhomme Sept Heures » (QR, 81), évoque aussi la figure de l’ogre. Réputé hideux et stupide, l’ogre, dans l’imaginaire des contes féériques, se dévoue entièrement à satisfaire son estomac. Les pulsions sexuelles, le cannibalisme ainsi que l’appétit pour les enfants sont des traits qu’on accorde également à la sorcière. Selon Charles Perrault, « les ogres, personnages de conte, sont proches des fées que l’étymologie rattache à Fata, les Destins qui, comme les Parques, ont le pouvoir de donner la vie ou la mort16Charles Perrault cité par Arlette Bouloumié, « Représentations des ogres dans la littérature », Sens-Dessous, vol. 12, n° 2, 2013, p. 109.  ». Alors que la distinction entre la fée et la sorcière n’est pas nette, il semble que des rapprochements sont probables entre ces dernières et l’ogre. En convoquant des éléments rattachés autant aux fées qu’aux sorcières et aux ogres, Kevin Lambert développe une identité fluide chez Querelle, fait de lui le héros queer d’un conte féérique dont on a broyé les codes pour en détruire la morale patriarcale. C’est notamment ce potentiel de travestissement qui permet de reconnaître l’influence de la fée mal tournée d’Yvon chez le personnage de Lambert. 

L’œuvre d’Yvon éloigne toute conception dichotomique de la sorcellerie et de la féérie et regorge de « docteurs, sorcières et assassines » (FCB, 133) réunies par défaut, rassemblées dans leur marginalité. Les contours qui définissent ces deux figures s’entremêlent. Yvon place au cœur de ses livres des « identités et pratiques sexuelles (transidentités, lesbianisme, travail du sexe, pornographie, etc.) habituellement invisibilisées et dévalorisées17Ariane Gibeau, « Et maintenant la terre tremble : mise en fiction et réinvention de la colère dans la prose narrative des femmes au Québec », Thèse de doctorat, Université du Québec à Montréal, , 2018, p. 129.  ». Méchantes, magannées, meurtrières, les fées d’Yvon savent que personne ne les sauvera de personne. Que peuvent-elles faire ? Dévoiler la souillure du monde en exposant leurs vices, « répandre la conscience comme une malaria fiévreuse et addictive » (FCB, 133). Les fées d’Yvon sont lucides, elles n’espèrent pas guérir – ça n’arrivera pas – mais veulent que les « sorcières, astrologues, alchimistes ne meurent plus de froid, d’inconfort18Josée Yvon, Maîtresses-Cherokees, Montréal, Éditions les Herbes rouges, 2021 [1986], p. 73.  ». Celles dont la « provocation dénonce trop clairement l’existence de la répression » (FCB, 126) souhaitent que leur existence soit reconnue, que par ce dévoilement brutal la société prenne conscience de ce qu’elle rejette. Ce même processus de reconnaissance se retrouve chez Querelle qui, en affichant de manière frondeuse ses pratiques sexuelles, confronte les préjugés d’une société homophobe.

Détourner le destin

« Il est venu le temps des prédictions réalisées, il est venu le temps des malédictions nouvelles. Je veux dire que, réellement et matériellement, les prophéties anciennes seront réalisées, celles du lieu plus lointain que les origines. Enfin auront raison les sorcières et les devins forcés de se cacher19Kevin Lambert, Tu aimeras ce que tu as tué, Montréal, Éditions Héliotrope, coll. « P », 2021 [2017], p. 159. .  »

Avec Querelle de Roberval, Lambert applique la démarche du queering à l’écriture20Kevin Lambert, « Par-delà tous les genres : queering Victor-Lévy Beaulieu, suivi de Querelle de Roberval (roman) », Mémoire de maîtrise, Université de Montréal, 2017. , c’est-à-dire qu’il fait émerger une figure queer dans un milieu qui ne l’est pas, dans ce cas-ci l’environnement ouvrier et politique en région au Québec, notamment grâce au personnage de Querelle : 

Tout comme la grève, la vie sexuelle de Querelle dérange le cours normal des choses : toutes deux, par le caractère « public » qu’elles acquièrent, font « événement ». Le personnage de l’ouvrier Querelle, à la « virilité » travaillée, ainsi que les trois garçons qui ont le nom de leur rang remettent en jeu les représentations habituelles de la sexualité « ouvrière » : dans la littérature québécoise, celles-ci, historiquement, associent le travailleur (ou le chômeur) et sa virilité perdue (« colonisé ») ou obtenue (homme indépendant des femmes) à la « qualité » de ses rapports hétérosexuels21Rachel Nadon. « LES ESTHÉTIQUES DÉMOCRATIQUES EN QUESTION : représentation du travail et mémoire ouvrière dans La mémoire du papier et Querelle de Roberval », Voix et Images, vol. 46 46, n° 1 (136), automne 2020, p. 96. .

Pour Lambert, en assumant son attirance sexuelle pour les garçons, Querelle « met au jour la constitution sexiste et hétéronormée du genre22Kevin Lambert, « Par-delà tous les genres : queering Victor-Lévy Beaulieu, suivi de Querelle de Roberval (roman) », Mémoire de maîtrise, Université de Montréal, 2017, p. 2.  » intrinsèque à son milieu de travail. Querelle dénonce, à sa manière, ce que rejettent aussi les fées yvoniennes : « l’ennemie-capitaliste, [qui] est aussi les préjugés des gens » (FCB, 126). Plus encore, il espère changer le destin de ses jeunes amants, malgré l’indifférence dont il peut faire preuve à leur égard. Entendons-nous, Querelle « fourre » par égoïsme d’abord, et non par bonté. Il choisit ses amants à l’aveugle sur Grindr, ne prononce aucune parole d’amour, jouit de ses « petits slutboys » (QR, 11) frêles et rêve de dévorer avec « ses dents pointues » (QR, 81) la peau tendre des adolescents. Toutefois, derrière le gouffre infini de sa jouissance, Querelle offre à ces garçons comme à lui-même la confirmation de leur existence, la légitimité de leur désir. Il incarne pour ses jeunes amants un horizon envisageable hors d’un univers où l’homosexualité est un défaut impardonnable. En couchant avec eux « Querelle se saisit, l’instant d’un soir, d’une vie dont personne ne veut » et « la fourre d’un sens dont elle était dépourvue » (QR, 112).

Chez Lambert et Yvon, l’homosexualité et les sexualités perçues comme déviantes empêchent les personnages d’atteindre l’acceptation sociale. Ces derniers doivent eux-mêmes prendre en charge, en tant que communauté, la conquête de leur légitimité. Dans Querelle de Roberval, les pères sont homophobes et leur haine se nourrit à même le refoulement du désir incestueux qu’ils entretiennent envers leurs fils. Querelle incarne la possibilité d’« un autre mâle [qu’eux] dans les arrières de leurs petits » (QR, 84). Pour protéger ce fantasme et leur virilité, les pères prêchent contre une « société en processus de féminisation » (QR, 86) tandis que les fils, « pour conjurer la convoitise des pères, s’accrochent à la bite de Querelle et s’évadent en préparant clandestinement leur vengeance » (QR, 87).

À l’instar de Josée Yvon et des fées stigmatisées, kamikazes et commandos qu’elle regroupe dans ses livres pour faire entendre le hurlement de leur colère, Querelle rassemble dans ses draps son armée, une « foule mêlée de garçons et de sacrilèges du même âge » (QR, 112), afin de leur « montrer patiemment à cracher » (QR, 113) sur les pères qui les limogent, sur une société qui les occulte. Lorsque ces garçons désenchantés quittent son appartement, Querelle est heureux. Même s’il « sait qu’on ne sauve personne et déteste les héros » (QR, 112), Querelle est certain, en parfaite contradiction avec lui-même, « de sauver le monde juste un peu » (QR, 113), un coup de bassin à la fois, persuadé que la brutalité de son sexe est ce dont ils ont besoin pour « continuer à vivre » (QR, 116).

Cette mission de reconnaissance qui anime Querelle lorsqu’il raconte ses exploits sexuels à l’usine rappelle la provocation que cherchent les fées yvoniennes lorsqu’elles exposent leurs vies marginales. Être investi d’une mission n’arrive pas du néant. On en hérite, on porte en soi l’obligation morale de transmettre ce qui nous a été donné. Le mot « mission » est emprunté au latin « missio », qui désigne l’action d’envoyer23Alain Rey, « Mission » dans Dictionnaire historique de la langue française, tome II, Paris, Le Robert, 2010, p. 2124. . Ainsi, on est chargé d’une mission, envoyé en mission par quelque chose ou quelqu’un. Celle de Querelle lui a été transmise dans une taverne crasseuse, à Montréal, alors qu’il était lui-même adolescent et s’offrait aux regards vicieux d’une assemblée de piliers de bar :

Les corsaires avaient tenu un conciliabule. En jugeant d’après ses gestes et son air, en mesurant son esprit et en posant des questions indiscrètes sur la sexualité bourgeonnante des jeunes chéris, les bonnes fées avaient décidé du sort du garçon en filant sur le rouet de leurs vicissitudes le destin de ses passions, découpant le modèle de ses amours futures d’après un patron usé et démodé, mais adoré par chacun des vieux homos. Querelle serait un mâle. Les écumeurs de la rue Sainte-Catherine allaient le dresser, lui vanter la position de top, lui apprendre, dans le sexe, à être le meneur (QR, 115).

Cette scène centrale du roman de Lambert convoque le moment où, dans Querelle de Brest, le marin jette les dés au bar La Féria afin de savoir s’il couchera avec la tenancière ou bien s’il sera sodomisé par son mari. Elle rappelle aussi le toposdes contes merveilleux où les fées se penchent au-dessus des berceaux pour modeler le destin des nouveau-nés. L’offrande inaugurale des fées-corsaires consiste donc à décider du rôle sexuel du jeune garçon – top ou bottom? La naissance, ici, est figurée par le passage de Querelle du statut de garçon à celui de mâle. En décidant pour lui que Querelle « serait un mâle », genre vraisemblablement associé à la position de top pour ces « pirates de la masculinité » (QR, 113), ceux-ci nous rappellent que l’assignation d’une personne à la naissance à un genre sexué « est une forme de prophétie qui agit sur nous en permanence et que nous accomplissons comme une évidence24Eve Martin Jalbert, La parole sorcière : littérature, magie, émancipation, Montréal, Éditions de la rue Dorion, 2022, p. 48.  ». En plus de formater son rôle sexuel, les corsaires se font « artisans de sa virilité » (QR, 113) et musclent son corps « freluquette » (QR, 113), toujours dans une vision binaire des genres, où le faible est associé au féminin et le fort au masculin. Suivant les arguments de Monique Wittig dans La pensée straight, cette catégorisation totalitaire des genres installe une vision binaire des sexes et fixe leurs rôles selon des normes genrées25Éléonore Lépinard et Marylène Lieber, « Monique Wittig, La pensée straight » dans Les théories en études de genre, Paris, Éditions La Découverte, coll. « repères sociologie », 2020, p. 51. . Plus encore, pour le transphilosophe Paul B. Preciado, ce système de catégorisation réduit la sexualité à la génitalité, alors que la sexualité concerne toutes les zones du corps26Paul B. Preciado, Manifeste contra-sexuel, Paris, Éditions Balland, p. 21 ET Éléonore Lépinard et Marylène Lieber, « Paul B. Preciado : technologie de genre et de sexe, et biopolitique queer » dans Les théories en études de genre, Paris, Éditions La Découverte, coll. « repères sociologie », 2020, p. 92. . Le don – ou serait-ce plutôt la malédiction? – des fées-corsaires emprisonne Querelle dans un rôle homonormatif masculin. Cette division binaire des genres l’oblige dorénavant à consommer sa féminité par procuration : « pour devenir le mâle qu’il est, Querelle a expulsé hors de lui toutes parts de garçonnet, mais il a besoin de sa moitié perdue » (QR, 117). Cette référence au mythe de l’androgyne dénote un « besoin » de cohabitation fluide entre les genres chez Querelle. Sa « moitié perdue » féminine est vitale pour son accomplissement sexuel, car « jouir d’autrui, c’est à la fois jouir de soi27Jean-François Rey, « L’épreuve du genre : que nous apprend le mythe de l’androgyne ? », Cités, vol. 44, n° 4, 2010, p. 22.  », sentir vivant en soi ce qu’on a perdu.  

Tout est chaos : pleureuses et désenchantement

« Aussi, c’est en vain que les fées pleurent et se réjouissent, car rien n’est grand, sinon ce qui vient de l’âme pour aller à l’âme28Lucie Felix-Faure Goyau, La vie et la mort des fées, Paris, Perrin, 1910, p. 426. .  »

« Dans l’homme comme dans le cochon : rien ne se perd29Angelica Montanari, Cannibales : histoire de l’anthropophagie en occident, Paris, Éditions Arkhé, 2018, p. 43. .  »

La critique du milieu ouvrier et syndical de Querelle de Roberval met en lumière l’échec de la formation d’une communauté, du côté des patrons comme des employé·e·s, puisque sous les enjeux collectifs d’une grève se dissimulent les ambitions personnelles des grévistes. À la scierie de Roberval, les apparences tout comme les allégeances des employé·e·s sont souvent trompeuses. Dans ce contexte, le concept d’accompagnement subit un renversement. Étymologiquement, accompagner, c’est partager quelque chose avec autrui ou prendre soin. Avancer ensemble avec bienveillance. Chez les personnages de Lambert, aider l’autre consiste aussi à décider pour lui. Lutter avec l’autre devient parler à sa place. Ainsi Judith (secrétaire de la scierie, gréviste) est-elle une taupe et moucharde à son patron les actions prochaines du groupe. Fauteux (conducteur d’opérations, représentant syndical) néglige les idées de ses camarades, emmuré dans les convictions national-syndicalistes de sa jeunesse. Bernard (ouvrier, conspirationniste, gréviste) élabore une théorie du complot à propos de ses compagnons de grève devant les micros de Radio-Canada. L’hypocrisie des grévistes mine la solidarité syndicale et finit par entraver une véritable révolution sur le plan ouvrier, tout comme l’hypocrisie des pères empêche un changement du paradigme sexuel effectif à Roberval. Le jour, ils se conforment aux lois de leur groupe, le soir, ils se cachent pour flirter avec les loups. Mais les fées meurent quand on cesse d’y croire30« Toutes les fois qu’un enfant déclare : «Je ne crois pas aux fées», alors l’une d’entre elles tombe raide morte. » déclare Peter dans James Matthew Barrie, Peter Pan, trad. Yvette Métral, Paris, Éditions Flammarion, coll. « Librio », 2019 [1911] p. 34. et les sorcières passent aux flammes des bûchers inquisitoriaux quand on découvre leur vraie nature31« In Europe and America during the fifteenth through eighteenth centuries, even a whisper of the word “witch” spelled trouble. » dans Kristen J. Sollée, Witches, Sluts, Feminists. Conjuring the Sex Positive, Berkeley, Stone Bridge Press, 2017, p. 79; « Notez qu’à certaines époques, par ce seul mot Sorcière, la haine
tue qui elle veut. » dans Jules Michelet, La sorcière, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Folio classique », 2016 [1862], p. 33.
. Pendant que la grève s’éternise et tourne au vinaigre pour les employé·e·s de la scierie, les forestiers accumulent la colère envers les grévistes qui ralentissent leur job : « depuis la fin du printemps, les travailleurs forestiers de Desbiens qui sont embauchés en sous-traitance à l’usine haïssent les grévistes. » (QR, 147) La tension explose un soir alors que les deux groupes se rencontrent sur un terrain de baseball désert. La bagarre éclate. Jean-Marie (forestier, surnommé « Le Tas ») s’attaque à Querelle et brise d’un mot l’envoûtement viril de son adversaire, son armure, avant de lui briser la nuque, profitant de sa faiblesse découverte : 

« Ma crisse de tapette… » Le mot tombe, vole jusqu’au plexus solaire de Querelle, s’y enfonce par à-coups, par des secousses de marteau-piqueur jusqu’à ce que sa carapace fende, éclate, jusqu’à ce que la chair soit atteinte, rouverte. […] Querelle abandonne le mac qu’on lui connait et redevient le premier Querelle, le fif, la tapette, la diva de dix-sept ans, celui qu’il s’est efforcé de conjurer sous la direction de quelques sorciers bénissant ses charmes virils, l’empreignant de maléfices stoïques et mâles » (QR, 228).

Avant d’en venir aux coups, Jean-Marie affaiblit sa victime par la puissance de ses mots. Querelle tombe parce qu’il redevient « tapette ». Son bourreau lui ôte son aura de mâle pour attaquer sa « féminité » et, pour ce faire, utilise l’injure afin de renverser les termes qui définissaient Querelle depuis l’enchantement des fées-corsaires. Celui qui n’avait « pas l’air fifi » (QR, 46) devient une « crisse de grand-salope » (QR, 228) sous l’injure de Jean-Marie. Cette scène du roman de Lambert explicite violemment ce qu’analyse Judith Butler dans Excitable Speech, alors qu’elle étudie le pouvoir performatif des discours haineux. Si « recevoir un nom, c’est aussi recevoir la possibilité d’exister socialement32Judith Butler, Le pouvoir des mots, Paris, Éditions Amsterdam, 2017 [1997], p. 22.  », être insulté (to be called a name) peut « figer ou paralyser la personne hélée33Ibid.  » et peut donc fragiliser, ou carrément détruire, la légitimité de son existence.

Lorsque Jean-Marie tabasse Querelle, ce sont tous les « pères de Roberval » qui frappent pour « conjurer le fléau qui assaille les fils vulnérables » (QR, 165). Ce fléau, rappelons-le, c’est la « féminisation » des hommes (QR, 86). L’association entre la puissance des mots et la puissance d’agir est établie alors que frapper et conjurer semblent constituer une seule et même action, celle de la destruction. 

 Le corps de Querelle est abandonné à la nuit sur le terrain de baseball déserté. Jézabel (débardeuse, barmaid, gréviste), secrètement amoureuse de Querelle, le retrouve et plante un pieu en son cœur pour écourter l’agonie de son ami. Le cycle des pleureuses débute. Elles arrivent d’abord sous la forme de deux cents chérubins, hologrammes des « beaux garçons possédés par le bel ouvrier » (QR, 238) qui « sanglotent, se lamentent » (QR, 239) devant la dépouille de leur amant merveilleux. À travers les silences de leur chant, « on n’entend que la voix suraiguë de la pleureuse, sa douleur sonore. » (QR, 237) Jézabel et le chœur funèbre envolés, trois garçons accourent vers le cadavre de Querelle pour le « fourrer dans sa blessure » (QR, 248), clin d’œil au vers mythique d’Yvon34 « Mon amour je ne guérirai jamais / si tu me fourres dans ma blessure » sont des mots de Josée Yvon tirés de son texte La poche des autres, publié en 1975 dans le 50ème numéro de la revue La barre du jour. Dans sa présentation des Filles commandos-bandées, Kevin Lambert raconte que ces vers furent longtemps inscrits sur les murs crades des toilettes du Bistro de Paris à Montréal. Il affirme : « C’est en allant pisser, pendant que fusaient les figures de style maladroites [des lectures au micro-ouvert du bar] que toute une génération d’auteur.e.s a découvert la poésie de Yvon. Cette citation a plus fait pour la culture québécoise que bien des manuels d’histoire littéraire. » Voir Kevin Lambert, « Trait-d’union », dans Josée Yvon, Filles-commandos bandées, Paris, Éditions Nouvel Attila, coll. « Othello », 2020 [1976], p. 21. . Cette image revient d’ailleurs dans le premier roman de Lambert, Tu aimeras ce que tu as tué, alors qu’un adolescent rêve de « frapper [son amant] là où ça fait mal, là où ça guérira jamais35Kevin Lambert, Tu aimerais ce que tu as tué, Montréal, Éditions Héliotrope, coll. « P », 2021 [2017], p. 185.  ». Dans les deux cas, la blessure est un sexe envisagé comme une « plaie36Ibid.  » dans laquelle on peut « déverser son fiel37Ibid.  ».

Ces « trois garçons émouvants, trois bums » (QR, 121) sont d’inséparables bêtes nocturnes. Par leur nombre, leur anonymat, ils projettent l’ombre fantastique des trois sorcières de Macbeth. « [P]orteurs d’infections merveilleuses, de maladies anachroniques » (QR, 187), ils ne prédisent pas la mort, ils la transmettent. Ils s’aiment, se défoncent face et cul dans le sous-sol d’« un duplex de brique brun » (QR, 121), à l’abri du monde. Leur histoire se déroule en parallèle du récit principal, qu’ils accompagnent malgré eux. Ils ignorent tout des luttes syndicales, mais la destruction les excite. Brian Ferland (patron de la scierie) les engage pour mettre le feu chez des grévistes un soir de Noël et ils le font, sans aucune conscience politique, guidés par la pure joie des gestes interdits qu’ils posent. Ils « band[ent] en repensant au bruit de verre cassé, aux cris paniqués de la salle communautaire quand le feu a pogné » (QR, 127). Ces trois garçons semblent être l’unique communauté incassable du roman de Lambert. Toujours présentés en groupe, soudés parce qu’un est la continuité de l’autre et ainsi de suite, « dans cet ordre : le premier, le deuxième, le troisième » (QR, 245) – à savoir que c’est « la taille de la queue qui détermine la position » (QR, 264) de chaque membre du trio. Soudés jusqu’à ce que les adultes les séparent, pour les punir, et que la distance ainsi installée entre eux les ravage : désunis, « ils ne sont plus magnifiques » (QR, 267). Ce sont des pleureuses inquiétantes, sorcières lorsqu’ils se mettent au sabbat et exécutent « une danse autour du cadavre [de Querelle], chantent, se tiennent les mains, crient » (QR, 247), martyrs lorsqu’au terme du roman, ils diffusent leur suicide collectif sur internet « en envoyant chier le monde entier » (QR, 266). 

La scène du meurtre de Querelle opère un basculement dans le récit, qui explorait pourtant jusqu’alors les limites de la violence. Les personnages semblent avoir atteint un point de non-retour. Comme chez les fées mal tournées d’Yvon, « l’abus est [leur] seul espoir de prospérité et de jouissance » (FCB, 114). Si la fiction de Kevin Lambert dérive vers la fantaisie pornographique gore, c’est peut-être pour dénuder entièrement ses personnages, pour atteindre leur vérité, car « la pornographie est un miroir dans lequel nous pouvons nous regarder38Annie Sprinkle dans Virginie Despentes, King Kong théorie, Paris, Éditions Grasset, coll. « Le livre de poche », 2018 [2007], p. 87.  ». N’ayant plus rien à perdre après la scène du terrain de baseball, les grévistes survivants débarquent chez Brian Ferlant, l’assomment et, pour faire bonne mesure, assomment sa conjointe. De son côté, Jézabel noie doucement leurs enfants sous l’eau de la piscine. Les grévistes célèbrent ensuite leur libération en embrochant « de la barbe au cul » le patron de la scierie et sa femme pour s’en faire un méchoui (QR, 259).

Festin anthropophage, fête, infanticide, sexualité outrageuse et nécrophilie, Lambert rassemble quelques éléments clés des sabbats sataniques au dénouement de son récit. Au sabbat, tout arrive « à rebours puisque Satan est le maître de l’inversion39Guy Bechtel, La Sorcière et l’Occident, Paris, Éditions Plon, coll. « L’abeille », 2019 [1997], p. 785.  », les éléments de pouvoir de la société se renversent et la morale aussi. Enfin, ce sont les ouvriers qui écrasent les maîtres. 

Conclusion

Au terme du récit de Lambert, Jézabel ignore la raison de ses larmes lorsqu’elle lit : « ma victime, en tant qu’ami, était (ma douleur l’indique) feuillage plus ou moins à l’extrémité de mes branches, muni de mes sèves40Jean Genet, Querelle de Brest, Paris, Éditions Gallimard, coll. « L’imaginaire », 2010 [1947], p. 243. Désormais QB suivi du numéro de la page.  ». Ces mots, tirés de Querelle de Brest, signifient que l’amour de Querelle le marin pour sa victime fait d’elle son prolongement. Par son crime, il n’offre pas son âme au Diable, « mais quelque chose d’aussi précieux : un ami » (QB, 243). Un morceau de lui-même. Peut-être que Jézabel pleure car elle se reconnaît dans le héros de Genet. En tuant Querelle, Jézabel l’a fait renaître en elle. Seule dans sa cellule, elle rêve à son ami disparu. Au matin, elle se réveille avec « au ventre une envie de peau et de sueur » (QR, 273) et se touche en imaginant les corps ombragés des « filous de Roberval » (QR, 273). L’histoire peut alors recommencer. 

Querelle de Roberval est le « copié-collé » (QR, 4) du héros de Querelle de Brest de Jean Genet, déplacé dans un décor québécois. De matelot « solitaire comparable à l’ange de l’apocalypse » (QB, 17) aux « plus beaux ornements » (QB, 17) que sont ses muscles et son sexe, Querelle devient l’ouvrier mystérieux qui « fascine ou choque les gars de l’usine tant la déviance, dans sa bouche, semble honnête et naturelle » (QR, 46). En s’appropriant le personnage de Genet, Lambert fait de son créateur son compagnon d’écriture et scelle cette union en pastichant le titre de son roman. Par ses personnages, ses références intertextuelles, par ses propositions stylistiques qui convoquent Genet, mais aussi l’œuvre de Victor Lévy-Beaulieu41Je pense ici aux personnages de Jézabel et d’Abel, qui se trouvent dans la Bible comme chez Beaulieu. , le roman Lolita de Vladimir Nabokov42Le chapitre « Main-d’œuvre » du roman de Lambert s’ouvre sur une description de Jézabel qui reprend la forme de la description de Lolita dans le roman éponyme de Nabokov, où l’écrivain procède par l’énumération de tous les diminutifs du prénom de son personnage. Nabokov écrit : « She was Lo, plain Lo, in the morning, standing four feet ten in one sock. She was Lola in slacks. She was Dolly at school. She was Dolores on the dotted line. But in my arms she was always Lolita » et Lambert répète : « Elle était Jé pour son père », « Zaza pour ses nièces », « Bell pour son premier chum » et dans « sa solitude, elle était toujours Jézabel ». Dans Vladimir Nabokov, Lolita, New York, Knopf Doubleday Publishing Group, coll. « Vintage International », 1997 [1955], p .9. ET Kevin Lambert, Querelle de Roberval, Montréal, Éditions Héliotrope, coll. « P », 2021 [2018], pp. 52-53.  et l’œuvre de Josée Yvon, par ses nombreuses références aux contes classiques et quoi d’autre encore, Querelle de Roberval nous montre, à de multiples reprises, que Lambert n’écrit pas seul. Chacune des œuvres qu’il convoque porte un parfum de scandale, affiche des sexualités atypiques au regard d’une société hétéronormative – transsexualité, prostitution, homosexualité, pédophilie – et renforce l’odeur capiteuse qui émane de son roman. Ces écrivain·e·s agissent comme des fées dans l’écriture de Kevin Lambert, tissent avec lui son histoire et l’inscrivent dans une lignée littéraire insoumise et rebelle. Car fées mal tournées, elles et ils le sont certainement. 

  • 1
    Gérald Gaudet (dir.), « Kevin Lambert : pour un peu plus de fluidité » dans Parlons de nuit, de fureur et de poésie, Montréal, Éditions Nota Bene, 2021, p. 68.
  • 2
    William Shakespeare, Macbeth, Londres, Penguin Book, 2005 [1606], p. 5
  • 3
    Jules Michelet, La Sorcière, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Folio Classique », 2016 [1862], p. 29. 
  • 4
    Rachel Nadon, « Les esthétiques démocratiques en question : représentation du travail et mémoire ouvrière dans La mémoire du papier et Querelle de Roberval », Voix et Images, vol. 46, n° 1 (136), automne 2020, p. 96.
  • 5
    À propos du féminisme d’Yvon, Catherine Mavrikakis précise que la poète « est toujours à côté de la plaque. À un féminisme féminin militant et un tantinet bourgeois qui voulait sortir les femmes de leur condition et de leur cuisine en les guidant vers le marché du travail, elle a toujours préféré la prostitution, le transsexualisme, hormonal ou pas, et le nomadisme tous azimuts. » dans Catherine Mavrikakis, « Inhabiter le monde en poète », Liberté, n° 303,, 2014, p. 76.
  • 6
    Kevin Lambert, « Trait-d’union », dans Josée Yvon, Filles-commandos bandées, Paris, Éditions du Nouvel Attila, coll. « Othello », 2019 [1976 pour le texte d’Yvon], p. 22.
  • 7
    Josée Yvon, Travesties-kamikaze, Montréal, Éditions les Herbes rouges, 2019 [1980], p. 25.
  • 8
    Je fais ici référence au roman Le survenant de Geneviève Guèvremont (1945) ou encore à la figure du diable déguisé en bel étranger dans les différentes versions de la légende de Rose Latulipe.
  • 9
    Kevin Lambert, Querelle de Roberval, Montréal, Éditions Héliotrope, coll. « P », 2021 [2018], p. 81.
  • 10
    Josée Yvon, « Filles commandos-bandées » dans Danseuses-mamelouk, Montréal, Éditions les Herbes rouges, 2020 [1976], p. 106. Désormais FCB, suivi du numéro de la page.
  • 11
    Camille Anctil-Raymond, « “Nous sommes des éventreuses”. Les Amazones de Josée Yvon dans Filles-commandos bandées », MuseMedusa, no 7, 2019, https://musemedusa.com:443/dossier_7/anctil-raymond/, page consultée le 2 janvier 2022.
  • 12
    Catherine Mavrikakis, « Inhabiter le monde en poète », Liberté, n° 303, 2014, p. 76.
  • 13
    Monique Wittig, La pensée straight, Paris, Éditions Amsterdam, 2018 [2001], p. 16.
  • 14
    Claude Lecourteux, Fées sorcières et loups-garous au Moyen Âge, Paris, Éditions Imago, 2012 [1992], p. 83.
  • 15
    Virginie Thomas, « Morgan Le Fay dans la littérature et l’art britanniques au Moyen Âge et au XIXe siècle : entre fée et sorcière », MuseMedusa, no 5, 2017, https://musemedusa.com:443/dossier_5/thomas/, page consultée le 29 mars 2022.
  • 16
    Charles Perrault cité par Arlette Bouloumié, « Représentations des ogres dans la littérature », Sens-Dessous, vol. 12, n° 2, 2013, p. 109.
  • 17
    Ariane Gibeau, « Et maintenant la terre tremble : mise en fiction et réinvention de la colère dans la prose narrative des femmes au Québec », Thèse de doctorat, Université du Québec à Montréal, , 2018, p. 129.
  • 18
    Josée Yvon, Maîtresses-Cherokees, Montréal, Éditions les Herbes rouges, 2021 [1986], p. 73.
  • 19
    Kevin Lambert, Tu aimeras ce que tu as tué, Montréal, Éditions Héliotrope, coll. « P », 2021 [2017], p. 159.
  • 20
    Kevin Lambert, « Par-delà tous les genres : queering Victor-Lévy Beaulieu, suivi de Querelle de Roberval (roman) », Mémoire de maîtrise, Université de Montréal, 2017.
  • 21
    Rachel Nadon. « LES ESTHÉTIQUES DÉMOCRATIQUES EN QUESTION : représentation du travail et mémoire ouvrière dans La mémoire du papier et Querelle de Roberval », Voix et Images, vol. 46 46, n° 1 (136), automne 2020, p. 96.
  • 22
    Kevin Lambert, « Par-delà tous les genres : queering Victor-Lévy Beaulieu, suivi de Querelle de Roberval (roman) », Mémoire de maîtrise, Université de Montréal, 2017, p. 2.
  • 23
    Alain Rey, « Mission » dans Dictionnaire historique de la langue française, tome II, Paris, Le Robert, 2010, p. 2124.
  • 24
    Eve Martin Jalbert, La parole sorcière : littérature, magie, émancipation, Montréal, Éditions de la rue Dorion, 2022, p. 48.
  • 25
    Éléonore Lépinard et Marylène Lieber, « Monique Wittig, La pensée straight » dans Les théories en études de genre, Paris, Éditions La Découverte, coll. « repères sociologie », 2020, p. 51.
  • 26
    Paul B. Preciado, Manifeste contra-sexuel, Paris, Éditions Balland, p. 21 ET Éléonore Lépinard et Marylène Lieber, « Paul B. Preciado : technologie de genre et de sexe, et biopolitique queer » dans Les théories en études de genre, Paris, Éditions La Découverte, coll. « repères sociologie », 2020, p. 92.
  • 27
    Jean-François Rey, « L’épreuve du genre : que nous apprend le mythe de l’androgyne ? », Cités, vol. 44, n° 4, 2010, p. 22.
  • 28
    Lucie Felix-Faure Goyau, La vie et la mort des fées, Paris, Perrin, 1910, p. 426.
  • 29
    Angelica Montanari, Cannibales : histoire de l’anthropophagie en occident, Paris, Éditions Arkhé, 2018, p. 43.
  • 30
    « Toutes les fois qu’un enfant déclare : «Je ne crois pas aux fées», alors l’une d’entre elles tombe raide morte. » déclare Peter dans James Matthew Barrie, Peter Pan, trad. Yvette Métral, Paris, Éditions Flammarion, coll. « Librio », 2019 [1911] p. 34.
  • 31
    « In Europe and America during the fifteenth through eighteenth centuries, even a whisper of the word “witch” spelled trouble. » dans Kristen J. Sollée, Witches, Sluts, Feminists. Conjuring the Sex Positive, Berkeley, Stone Bridge Press, 2017, p. 79; « Notez qu’à certaines époques, par ce seul mot Sorcière, la haine
    tue qui elle veut. » dans Jules Michelet, La sorcière, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Folio classique », 2016 [1862], p. 33.
  • 32
    Judith Butler, Le pouvoir des mots, Paris, Éditions Amsterdam, 2017 [1997], p. 22.
  • 33
    Ibid.
  • 34
    « Mon amour je ne guérirai jamais / si tu me fourres dans ma blessure » sont des mots de Josée Yvon tirés de son texte La poche des autres, publié en 1975 dans le 50ème numéro de la revue La barre du jour. Dans sa présentation des Filles commandos-bandées, Kevin Lambert raconte que ces vers furent longtemps inscrits sur les murs crades des toilettes du Bistro de Paris à Montréal. Il affirme : « C’est en allant pisser, pendant que fusaient les figures de style maladroites [des lectures au micro-ouvert du bar] que toute une génération d’auteur.e.s a découvert la poésie de Yvon. Cette citation a plus fait pour la culture québécoise que bien des manuels d’histoire littéraire. » Voir Kevin Lambert, « Trait-d’union », dans Josée Yvon, Filles-commandos bandées, Paris, Éditions Nouvel Attila, coll. « Othello », 2020 [1976], p. 21.
  • 35
    Kevin Lambert, Tu aimerais ce que tu as tué, Montréal, Éditions Héliotrope, coll. « P », 2021 [2017], p. 185.
  • 36
    Ibid.
  • 37
    Ibid.
  • 38
    Annie Sprinkle dans Virginie Despentes, King Kong théorie, Paris, Éditions Grasset, coll. « Le livre de poche », 2018 [2007], p. 87.
  • 39
    Guy Bechtel, La Sorcière et l’Occident, Paris, Éditions Plon, coll. « L’abeille », 2019 [1997], p. 785.
  • 40
    Jean Genet, Querelle de Brest, Paris, Éditions Gallimard, coll. « L’imaginaire », 2010 [1947], p. 243. Désormais QB suivi du numéro de la page.
  • 41
    Je pense ici aux personnages de Jézabel et d’Abel, qui se trouvent dans la Bible comme chez Beaulieu.
  • 42
    Le chapitre « Main-d’œuvre » du roman de Lambert s’ouvre sur une description de Jézabel qui reprend la forme de la description de Lolita dans le roman éponyme de Nabokov, où l’écrivain procède par l’énumération de tous les diminutifs du prénom de son personnage. Nabokov écrit : « She was Lo, plain Lo, in the morning, standing four feet ten in one sock. She was Lola in slacks. She was Dolly at school. She was Dolores on the dotted line. But in my arms she was always Lolita » et Lambert répète : « Elle était Jé pour son père », « Zaza pour ses nièces », « Bell pour son premier chum » et dans « sa solitude, elle était toujours Jézabel ». Dans Vladimir Nabokov, Lolita, New York, Knopf Doubleday Publishing Group, coll. « Vintage International », 1997 [1955], p .9. ET Kevin Lambert, Querelle de Roberval, Montréal, Éditions Héliotrope, coll. « P », 2021 [2018], pp. 52-53.