Accompagnement et souci philosophique : la sécurisation de la culture. Critique nietzschéenne du souci

Accompagnement et souci philosophique : la sécurisation de la culture. Critique nietzschéenne du souci

Laurence Sylvain
Université d’Ottawa

Laurence Sylvain est docteur en littérature, spécialisation Théorie et épistémologie de la littérature (Université de Montréal). Elle est spécialiste de l’œuvre de Pierre Klossowski, des liens entre littérature et philosophie et de la figuration. Elle a publié son premier essai aux Éditions l’Harmattan en 2021, Pierre Klossowski. Expériences sensibles et suprasensibles à travers Le bain de Diane, et plus d’une dizaine d’articles. Elle est présentement Gestionnaire de la programmation éditoriale et des acquisitions aux Presses de l’Université d’Ottawa, tout en poursuivant ses activités de recherche.  

« Que valent la pensée et les expériences du philosophe dès qu’elles servent de caution à la société dont il est issu ! Une société se croit justifiée moralement par ses savants et ses artistes. Le seul fait qu’ils existent, et ce qu’ils produisent, indiquent son malaise décomposant et il n’est pas sûr que ce soit eux qui la recomposeront, si tant est qu’ils prennent leur activité au sérieux1Pierre Klossowski, Nietzsche et le cercle vieux, Paris, Mercure de France, 1969, p. 24-25. L’ouvrage de Pierre Klossowski contient ses propres traductions des Fragments posthumes de Nietzsche, auxquels aucune référence n’est ajoutée, à la seule exception d’une note à la toute fin du texte qui précise que les citations de Nietzsche proviennent toutes desdits Fragments posthumes. . »

« Security almost always works at cross-purposes because the concern for security is at bottom a concern to be without concern2John T. Hamilton, Security: Politics, Humanity, and the Philology of Care, Princeton, Princeton University Press, 2013, p. 10. . »

Le philosophe : une figure de l’accompagnement

L’idéalité de l’accompagnement, en tant que lié à la protection et au souci s’esquisse assez tôt au sein de la pensée occidentale, notamment via la figure du philosophe. Si le philosophe ne semble pas d’actualité aujourd’hui pour traiter de l’accompagnement et du souci, ses représentations en sont pourtant parmi les plus connues de la tradition occidentale. Au sein des plus importantes, on retrouve, bien sûr, Socrate, particulièrement celui de Platon, ce, en lien avec le souci grec ἐπιμέλεια3Qui sera notamment repenser par Foucault dans L’Herméneutique du sujet. Michel Foucault, L’Herméneutique du sujet, Paris, Éditions Gallimard & Seuil, 2001. , souci qu’a succinctement décrit Pierre Hadot : « Autrement dit, le souci de soi, la remise en question de soi-même ne naissent que dans un dépassement de l’individualité qui se hausse au niveau de l’universalité, représentée par le logos commun aux deux interlocuteurs4Pierre Hadot, Qu’est-ce que la philosophie ?, Paris, Gallimard, 1995, p. 60.  ». Le terme d’universalité tel qu’employé ici par Hadot renvoie à sa fonction dans l’économie de la philosophie platonicienne et de la figure de Socrate, c’est-à-dire à un espace partagé rendu possible par la raison. Ainsi, l’un des pans importants de cette montée vers l’universel, est justement le commun instauré par le logos, c’est-à-dire un lien vers l’extériorité, vers autrui : « Le souci de soi est donc indissolublement souci de la cité et souci des autres, comme on le voit par l’exemple de Socrate lui-même, dont toute la raison de vivre est de s’occuper des autres5Ibid., p. 68. ». Ce lien à l’autre, ce souci tourné vers autre que soi, est par ailleurs condensé dans la formulation de l’art socratique en tant que maïeutique, qui fait de Socrate un accoucheur d’idées, un accoucheur de l’esprit : « C’est en ce sens aussi qu’il se présentait comme un simple accoucheur, dont le rôle se limitait à faire découvrir à ses interlocuteurs leurs possibilités intérieures6Ibid., p. 63.  ». Cette forme d’accompagnement, un souci de l’autre par le logos, par la pratique du dialogue, tel que mis en scène par Socrate, est, comme nous l’avons écrit plus tôt, l’un des restes à partir desquels a été construite l’idéalité de l’accompagnement. Ce reste traverse ce que l’on pourrait appeler une certaine « conscience occidentale », parcourant notamment le stoïcisme par l’emploi du latin cura, et le christianisme7C’est du latin cura que provient, évidemment, le terme curé : « Étymol. et Hist. 1259 « celui qui est à la tête d’une paroisse » (Rutebeuf, Règles, éd. E. Faral et J. Bastin, t. 1, p. 274, vers 126); p. ext. 1845 se dit de tout ecclésiastique (Besch.). Empr. au lat. médiév. curatus « celui qui a la charge des âmes » (xies. d’apr. FEW t. 2, p. 1558 a; v. aussi Nierm.; Du Cange et Naz, col. 902; très rare au Moy. Âge) dér. de cura, v. cure2. » (Curé, CNRTL, en ligne) , via le souci de l’autre par la conversion, et plus encore. Il se manifeste par ailleurs dès l’une de ses premières formulations au sein de ce qu’on les appelle aujourd’hui l’éthique du care, lorsque Tronto écrit :

Taking Care of. Taking care of is the next step of the caring process. It involves assuming some responsibility for the identified need and determining how to respond to it. Rather than simply focusing on the need of the other person, taking care of involves the recognition that one can act to address these unmet needs. If one believes that nothing can be done about a problem, then there is no appropriate “taking care of”8Joan C. Tronto, Moral Boundaries, New York, Routledge, 1994, p. 106. .

Ces traces du souci tel que mis en scène par la figure du philosophe, à même l’écriture de Tronto, dans cette étape du processus qu’est le « taking care of », ne sont pas des moindres, car elles attestent de leur persistance, de leur répétition au sein du langage. Or ce qui persiste aussi, dans ce même langage, c’est une certaine posture dans le souci dont dépend l’accompagnement lui-même : un souci de l’extériorité, de l’autre, afin d’opérer, par sa rencontre, une transformation, une métamorphose. C’est que le care anglais, qui en français signifie notamment souci, a pour racine étymologique le latin cura. Latin cura qui, nous le verrons, s’oppose au latin securitas, dont proviennent sécurité et security, qui constitue une façon de sortir du souci, de la cura. Soit, le souci de place le sujet dans une posture où il se soucie de l’autre afin de. Tout cela encore une fois, sous l’égide de la raison, qui revient implicitement lorsque Tronto écrit : « Taking care of is the next step of the caring process. It involves assuming some responsibility for the identified need and determining how to respond to it9Ibid., je souligne.  ». Car la responsabilité est dans la pensée occidentale, liée depuis Augustin à la volonté, fond sur lequel se dessine notre concept de responsabilité. Responsabilité qui, selon Tronto, participe activement du souci, qui constitue le « taking care of », l’acte de se soucier de

De plus, cette persistance s’allie ici à une autre constellation imaginaire, convoquant celle du professeur, qui elle aussi s’articule depuis le Socrate de Platon, imaginaire qui traverse lui aussi une forme de « conscience occidentale ». Là où le professeur est celui qui accompagne l’élève sur le chemin du savoir en se souciant de l’y amener le plus loin possible, afin de garantir, par son souci, la préservation des connaissances, leur transmission, jusqu’aux demandes plus actuelles qui posent le professeur dans un accompagnement et un souci qui soit aussi thérapeutique, émotif. 

Cette posture de l’accompagnement est posée par Pierre Klossowski, dans son Nietzche et le cercle vicieux de 1969, comme le point qui différencie Nietzsche des autres philosophes, à savoir, comme posture qu’il rejette, qu’il refuse de vêtir :

Ni Descartes, ni Spinoza, ni Kant, ni Hegel n’auraient jamais pu construire leurs systèmes si d’aventure ils avaient renoncé à une cohérence enseignable pour parler de l’existence à partir de leur propre fait vécu […] Qu’ont-donc fait Spinoza, Kant ? Rien d’autre qu’interpréter leur impulsion souveraine. Or ce n’est que la part communicable de leur comportement qui s’est traduite de la sorte dans leurs constructions. Ceci veut dire que Nietzsche rejette purement et simplement l’attitude du philosophe enseignant. Il se moque de n’être pas un philosophe, si l’on entend par là le penseur qui pense et enseigne par souci de la condition humaine. C’est ici qu’il sévit et qu’il bouleverse et, peut-on dire, qu’il « casse la baraque »10Pierre Klossowski, op. cit., p. 23-24. .

Nietzsche « bouleverse et […] “casse la baraque” » précisément parce qu’il refuse l’« attitude du philosophe enseignant », que Klossowski décrit comme « le penseur qui pense et qui enseigne par souci de la condition humaine ». Or cette attitude, cette posture, est critiquée selon Klossowski par Nietzsche, car elle renvoie à un habitus qui se porte garant de la sécurité : « Une pensée qui enfermerait le comportement ou un comportement qui enfermerait la pensée — obéissent à un automatisme fort utile : il assure la sécurité11Ibid., p. 23.  ». Klossowski n’a certes pas tort, car s’il n’y renvoie pas implicitement dans son texte, dans lequel figure exclusivement des extraits des Fragments posthumes qu’il a lui-même traduits, Nietzsche nomme comme faisant partie des caractéristiques de « l’homme du ressentiment », la sécurité :

Tandis que l’homme vit plein de confiance et de franchise envers lui-même (γενναῖος, « né noble », souligne la nuance de « franchise » et peut-être celle de « naïveté »), l’homme du ressentiment n’est ni franc, ni naïf, ni loyal envers lui-même. Son âme louche, son esprit aime les recoins, les faux-fuyants et les portes dérobées, tout ce qui se dérobe le charme, c’est là qu’il retrouve son monde, sa sécurité, son délassement ; il s’entend à garder le silence, à ne pas oublier, à attendre, à se rapetisser provisoirement, à s’humilier12Friedrich Nietzsche, La Généalogie de la morale, trad. Henri Albert, Paris, Mercure de France, 1900, p. 53. .

La sécurité est ici conçue comme un risque pour la pensée : pour Nietzsche et Klossowski, elle empêche le mouvement ou l’aléatoire pour plutôt garantir la venue du même par le langage. Autrement dit, elle est un risque pour la pensée parce qu’elle sort la pensée de l’espace du risque. Espace du risque, c’est-à-dire espace de la rencontre avec le contingent, l’extériorité, l’autre, c’est-à-dire espace de la finitude et de la multitude qui est celui de l’histoire. Rappelons l’exergue de John Hamilton : « Security almost always works at cross-purposes because the concern for security is at bottom a concern to be without concern13John T. Hamilton, Security: Politics, Humanity, and the Philology of Care, Princeton, Princeton University Press, 2013, p. 10.  ». Ce sont les implications de ce risque, pointé par Klossowski lorsqu’il établit un lien entre le philosophe, « qui pense et enseigne par souci de la condition humaine », et une attitude portée vers la sécurité, qui seront examinées au cours de cet article. Qu’est-ce qui pousse Klossowski, dramatisant Nietzsche, à placer au cœur de l’examen d’une tendance à la sécurité, non pas, par exemple, la figure du policier, celle du militaire, de l’homme d’État, mais bien celle du philosophe, en ce qu’il incarne une idéalité de l’accompagnement qui est souci de ? Et pourquoi est-ce que ce souci de est considéré comme une tendance, une posture vers la sécurité qui est aussi, par la figure du philosophe et du professeur, une préservation de la culture ?

Accompagnement et souci : la sécurité et la culture
Cura et securitas

Dans Security : Politics, Humanity and the Philology of Care (2013), John T. Hamilton, à travers une analyse étymologique et philologique du latin cura, creuse plus avant les liens entre souci et sécurité que pointe Klossowski. Le livre débute par une interprétation du mythe de la déesse Cura tel qu’on le trouve à lire dans la fable 220 de Hygin, mythe qui décrit la naissance, la formation de l’être humain. Or comme l’écrit Hamilton, la fable de Hygin est la seule qui « […] ascribes the creative role to an allegory of Care14John T. Hamilton, op. cit., p. 3.  », soit, dans ce mythe, c’est Cura, personnification du souci, de l’inquiétude, qui forme, sculpte l’humain, le crée :

When crossing a shallow river, Cura spotted the bank’s muddy clay, gathered it up, and molded it into a figure. She then asked Jupiter, who was presently passing by, to breathe spirit into her freshly crafted work. The god readily obliged, yet became angy when Cura expressed her desire to name the animated figure after herself. Jupiter felt instead that the honor should be his. The debate escalated when Tellus, Earth herself, emerged on the scene and insisted that the new creation bear her name. To resolve the issue, the three antagonists summoned Saturn, who immediately pronounced judgment: “Jupiter, since you have given the spirit, take the soul after death; Tellus, since she provided the body, should receive the body. And since Cura first modeled him, let Cura possess him as long as he is alive; but since there is a dispute over the name, let him be called homo, since he appears to have been made from humus”15Ibid.

C’est donc sous l’égide de Cura que la vie humaine est située par Hygin, faisant du souci, de l’inquiétude ce qui chapeaute l’existence. De là, Hamilton montre que les liens qui unissent la question du souci et celle de la sécurité sont noués plus avant par le passage dans la langue latine : là où le latin securitas renforce les liens entre le souci et la notion de sécurité de par la présence, en son centre, du nom cura :

Hyginus proposes instead that human life—mortal life, one that lives in time and in time will pass away—falls directly under the governance of Care. This time-bound life of mankind, subject to contingency and impermanence, is a life with Cura, cum cura, fraught with disquiet, apprehension, and concern. Only in the perfect repose of death will humanity be without the anxiety that haunts its place in the midst of historical flux. It is only after death—posthumously—or at the end of history when humanity will be removed from Cura, apart from Care, secura. That is to say, at least according to this myth, it is only when man is no longer alive that he will achieve security16Ibid., p. 5. 

La mise en scène du lien formel et spirituel entre cura et sécurité, leur entrée en collision dans le latin securitas, représente les limites qu’exigent une analyse philologique de la fable d’Hygin. Ainsi, dans une rencontre qu’Hamilton qualifie d’implicite, l’état matériel et spirituel associé à la sécurité s’oppose à l’état matériel et spirituel de la cura.

Although the word does not appear in Hyginus’s text, securitas is nevertheless implicit, insofar as it denotes a state of being removed from care. The word is transparent enough, featuring three distinct components: the prefix sē- (apart, aside, away from); the noun cura (care, concern, attention, worry) ; and the suffix- tas (denoting a condition or state of being). Securitas, therefore denotes a condition of being separated from care, a state wherein concerns and worries have been put off to the side17Ibid. .

L’état de sécurité, un être en sécurité, se présente comme l’état opposé de la cura, du care, du souci, en tant que le souci est avant tout un état d’inquiétude – concern, worry, un être avec inquiétude. Ce qu’Hamilton met de l’avant par sa lecture de la fable de Cura, c’est que l’accompagnement qui mène à la sortie de l’inquiétude – ce qui a modelé, formé l’existence humaine – est un risque de se soustraire à l’ordre du vivant, l’état du vivant, « no longer alive ». Car un prendre soin de qui inscrit sa posture dans le de institue, par métonymie, c’est-à-dire, par effets de langage, une économie causale dans la représentation. Économie où le de représente un mouvement vers l’après, c’est-à-dire ou le de se fait dansle but de, instaurant une visée, et donc, un rapport utilitaire [un but] dans l’acte d’accompagner. Le rapport utilitaire est peut-être ce qui participe le plus à la désincarnation matérielle et spirituelle du vivant que suppose le « no longer alive », dès lors qu’il a tendance à ravaler le souci et l’accompagnement, dès qu’atteint. Tout cela est condensé dans l’acte de nomination lui-même du mythe de Cura, où le nom de l’humain ne coïncide pas avec ce qu’il désigne : 

Yet, the git of the name ultimately imposed by Saturn, by a law from without, gives the creature over to exteriority, to the improper outside that frames and also contaminates every proper name. The inner being, constituted by a split-the split between body and spirit-will henceforth be assigned fresh dichotomies, unforeseeable divisions. For the name, which is always a name for others, draws mankind into history, into circulation. Once the creation story overflows into a story of nomination, humanity flows into an inscrutable, properly improper future. At the behest of Saturn, or perhaps Time itself, the vivified clay will be possessed by Cura-its being will be informed by Concern or Anxiety or Worry-but its name will be home. In other words, its being will fail to coincide with its name18Ibid., p. 4. 

Cette non-coïncidence du nom et de l’« être », telle que mise en scène par le mythe de Cura, cette rupture entre le langage et ce qu’il représente, constitue, écrit Hamilton, l’entrée dans le temps, dans l’histoire, entrée qui ne peut être vécue que sous l’égide du souci, de l’inquiétude, de l’anxiété. L’atteinte de la sécurité ne s’accomplit donc qu’une fois non-vivant, dès lors qu’hors de l’histoire.

Pour Nietzsche, l’existence humaine ne se conçoit qu’en tant qu’elle participe, qu’elle prend part à l’histoire, comprise comme chez Hamilton, c’est-à-dire l’histoire en tant que surgissement de l’aléatoire et de l’impermanence. Soit : là où la contingence, le hasard et l’affect sont les conditions mêmes de l’histoire dans laquelle s’inscrit l’existence humaine. Or elle est historique en ce sens avant tout parce que, comme dans le mythe de Cura, l’existence humaine est principalement langagière et que le langage n’est jamais en adéquation avec ce qu’il représente. Il est cette fameuse citation, dans Vérité et mensonge au sens extra-moral :

Nous croyons savoir quelque chose des choses mêmes quand nous parlons des arbres, des couleurs, de la neige et des fleurs, et nous n’avons pourtant rien d’autre que des métaphores des choses, métaphores qui ne correspondent absolument pas aux entités d’origine19Friedrich Nietzsche, trad. Marc de Launay. Vérité et mensonge au sens extra-moral, Paris, Desclée de Brouwer, p. 15. Ce texte de Nietzsche n’a pas été l’objet d’une traduction par Klossowski. . 

La non-coïncidence du langage avec ce qu’il représente est, pour Nietzsche, déjà l’annonce du renversement de la raison, du logos. Il vaut ici la peine de rappeler Socrate, à partir duquel nous avons débuté, et le souci de. Celui-ci forme un accompagnement qui est souci de l’autre par le dialogue dans le but d’opérer une métamorphose via à l’emploi, l’usage, voire l’outillage, du logos. Or le logos suppose, selon la logique platonicienne, avant tout la capacité de distinguer, ce que Deleuze a nommé des « lignées20Voir Gilles Deleuze, Logique du sens, Paris, Éditions de Minuit, 1959.  » : il s’agit en premier lieu d’éviter la confusion, d’assurer la coïncidence du langage avec ce qu’il représente. Le logos doit donc être anhistorique, hors de l’histoire, permanent et stable. Il constitue l’outil par excellence de l’atteinte d’un état de perfection qui tout au long de l’Antiquité, fonde l’idéal de la figure du sage21Voir Pierre Hadot, « La figure du sage dans l’Antiquité gréco-latin », in Études de philosophie ancienne, Paris, Les Belles Lettres, 2010, pp. 233-257. . Le logos est donc un outil permettant de parvenir à un but ; selon cette même logique, l’accompagnement par le dialogue est aussi un souci dans le but de, un souci de, imposition d’une logique langagière causale. Or selon l’économie philologique de la critique nietzschéenne — « What was philosophy must become philology, if only to encourage a ceaseless search into the very foundation of knowledge; for what we know matters little if we cannot evaluate how we know it22John T. Hamilton, Philology of the Flesh, Cambridge, Harvard University Press, 2018, p. 142.  » — cette tendance à penser la raison ou l’accompagnement en fonction d’un but doit elle-même être critiquée : « Sous ce rapport, il est nécessaire de soumettre le “but” à une critique plus rigoureuse : il faut reconnaître qu’une action n’est jamais provoquée par une fin utile ; que la fin et le moyen sont des interprétations23Friedrich Nietzsche, trad. Pierre Klossowski, dans Pierre Klossowski, op. cit., p. 82.  ». Cette formulation répond du rapport au langage décrit par Nietzsche dans Vérité et mensonge au sens extra-moral. Or l’inadéquation du langage est telle qu’il ne s’agit pas seulement de l’impossibilité de désigner adéquatement le réel, mais aussi, les contenus d’expérience eux-mêmes, censurés en quelque sorte par cette constante inadéquation. Inadéquation qui montre que le langage est avant tout producteur d’effets langagiers, effets qui, selon Nietzsche, sont à tort considérés comme des réalités, par exemple la logique causale. Tout simplement, « la fin et le moyen sont des interprétations » signifie que le but tout comme le moyen sont en premier lieu des effets de langage. Effets de langage produits, dans le cas qui nous intéresse ici, par l’introduction du de, d’un souci de, où le de en vient à être considéré comme la marque de réalité de ladite logique causale :

A. L’homme recherche la « vérité » : un monde qui ne se contredise pas, qui ne se contredise pas, ni ne trompe, ni ne change, un monde vrai — un monde où l’on ne souffre pas : contradiction, illusion, changement — causes de la souffrance ! Il ne doute pas qu’<il> existe un monde tel qu’il doit être […] Où donc l’homme prend-il ici le concept de réalité24Friedrich Nietzsche, trad. Pierre Klossowski, opcit., p. 82.  ?

 L’on pourrait dire : le langage se présente toujours sous la forme de la métonymie, alors même que la métonymie est un effet du langage lui-même, un « phénomène par lequel un concept est désigné par un terme désignant un autre concept qui lui est relié par une relation nécessaire25Métonymie, Le Larousse, en ligne : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/métonymie/51004  ». La logique causale introduite par le langage suppose un but, une visée, une recherche de la vérité que Nietzsche présente comme synonyme même de la sécurité : 

Le sens de la vérité lui aussi, ce sens qui, au fond, n’est pas autre chose que le sens de la sécurité, l’homme l’a en commun avec l’animal : on ne veut pas se laisser tromper, ne pas se laisser égarer par soi-même, on écoute avec méfiance les encouragements de ses propres passions, on se domine et l’on demeure méfiant à l’égard de soi-même ; tout cela, l’animal l’entend à l’égal de l’homme ; chez lui aussi la domination de soi tire son origine du sens de la réalité (de la sagesse)26Friedrich Nietzsche, Aurore, trad. Henri Albert, Paris, Mercure de France, 1901, p. 39.

L’accompagnement philosophique, le souci de soi par le logos, souci de soi qui, nous l’avons vu, est aussi souci de l’autre, de la cité, voire, de la culture, entretient une économie langagière qui résonne moins avec celle de la cura qu’avec celle de la sécurité : sécurité qui est domination, c’est-à-dire domestication de soi et de l’autre, afin de garantir la permanence du même, qui est, selon Nietzsche, le rôle de la culture. 

La culture

Alors, qu’en est-il de la culture ? Le terme culture a pour étymologie le latin cultūra. Les sens portés par le mot latin cultūra sont, bien sûr, multiples. Le terme renvoie notamment à la culture de la terre, au fait de cultiver la terre, d’où provient, de toute évidence, le terme agriculture : « [en gén.] culture : CATO Agr. 61, 2 ; CIC. Agr. 2, 84 ; Fl. 71 ; vitium CIC. Fin. 4, 38, culture de la vigne, cf. CM 53 ; agri culturas docuit usus LUCR. 5, 1447, l’expérience enseigna les différentes façons de cultiver la terre27Félix Gaffiot, « Cultūra », dans Dictionnaire latin-français, Paris, Éditions Hachette, 1934, p. 450.  ». Il renvoie aussi au soin, à une culture du soi, à un prendre soin de soi-même, nous renvoyant au « connais-toi toi-même » de Delphes et de Socrate : « culture [de l’esprit, de l’âme] : cultura animi philosophia est CIC. Tusc. 2, 13, c’est la philosophie qui est la culture de l’âme ». Enfin, il renvoie aussi — et nous n’épuisons pas ici l’entièreté de ses significations, à l’« action d’honorer, de vénérer, culte : MINUC. 23, 12 ; LAMPR.Hel. 3, 528Ibid ». 

Notons déjà que le sens « culture [de l’esprit, de l’âme] » provient des Tusculanes de Cicéron, celui-là qui, dans les termes d’Hamilton fait de la sécurité la domination de la raison : « Although Cicero never explicitly describes it in this fashion, securitas is the order achieved by reason’s domination29John T. Hamilton, op. cit., p. 56.  ». Ici, le mot culture rejoint étroitement celui de souci, de cura, mais encore plus, celui de sécurité, securitas, là où la culture de l’âme est une façon de se défaire du souci pour entrer dans l’ordre rationnel de la sécurité. En ce sens même, la philosophie, ou plutôt, le philosophe, est celui qui porte et transporte la culture, qui porte en lui l’intention de sa transmission :

La culture — (la somme des connaissances) — soit l’intention d’enseigner et d’apprendre — est l’envers de la tonalité d’âme, de son intensité, laquelle ne s’enseigne ni ne s’apprend : toutefois, plus la culture s’accumule, plus elle s’asservit à elle-même — et plus son envers, l’intensité muette de la tonalité d’âme, s’accroît. Jusqu’à ce que la tonalité d’âme qui surprend l’enseignant rompe enfin l’intention même d’enseigner : ainsi éclate la servitude de la culture au moment où elle se heurte au mutisme du discours de Nietzsche30Pierre Klossowski, op. cit., p. 16. 

Rapport dans lequel s’instaure entre le philosophe et la culture un rapport de servitude, le philosophe occupant en premier lieu la position de celui qui garantit la survie de la culture, en la cultivant, l’entretenant, la cumulant et la transmettant. Soit, culture servile au service du philosophe qui lui-même est servile à la culture, dès lors qu’il a l’intention de la préserver. Le philosophe se souci de la culture, c’est-à-dire qu’il vise à la protection, à la mise en sécurité de la somme des connaissances, de la somme des savoirs et des mœurs qui prennent part à ce que nous nommons étrangement culture. Chez Nietzsche, comme chez beaucoup de penseurs allemands qui l’ont suivi, pensons simplement à Adorno et Horkeimer, il est une tension fondamentale entre les mots allemands Kultur et Geist, entre la culture comme système des connaissances et l’esprit, Geist, qui est chez Nietzsche avant tout un esprit cherchant à penser de façon singulière, à sortir des exigences de la Kultur.

Esprit fort. — Comparé à celui qui a la tradition de son côté et n’a pas besoin de raisons pour fonder ses actes, l’esprit libre est toujours faible, surtout dans ses actes : car il connaît trop de motifs et de points de vue, et en a la main hésitante, mal exercée. Quels moyens y a-t-il maintenant de le rendre quand même relativement fort, en sorte qu’il puisse au moins s’affirmer et ne pas se perdre inutilement ? Comment naît l’esprit fort (starker Geist) ? La question est celle, dans un cas isolé, de la production du génie. D’où viennent l’énergie, la force inflexible, l’endurance avec lesquelles l’individu, à contre-courant de la tradition, tâche d’acquérir une connaissance toute personnelle du monde31Friedrich Nietzsche, Humain trop Humain I, trad. Robert Rovini, Paris, Gallimard, FR 230, 1988, p. 180-181.  ? 

L’esprit, le Geist, correspond, chez Nietzsche, à ce qui résiste à la subsomption par le général qu’est la culture. Il oppose une résistance à la culture en tant qu’elle est avant tout idéal d’un maintien de la sécurité morale de l’humain. Ainsi, pour Nietzsche, le philosophe assure, en se souciant de celle-ci, le maintien de la culture, le maintien de son langage, de façon à l’établir et à la protéger par « une cohérence enseignable ». Le souci de, personnifié par Socrate, par effets de langage, devient rapidement un souci de dans lequel n’a d’importance que le de : ce qui est communiqué, transmis, mis en sécurité au sein de la permanence. Et qu’est-ce qui fonde la permanence ? La culture elle-même. Dans cet entrelacement se crée, se développe, pour Nietzsche, une culture de la sécurité. Culture de la sécurité qui est aussi une culture de la domestication, dès lors que l’état de la sécurité est un état où l’autre ne peut et ne doit pas m’atteindre :

Si l’on admet comme vrai, ce qui aujourd’hui est tenu pour tel, que le sens de toute culture soit justement de domestiquer le fauve « humain », pour en faire, par l’élevage, un animal apprivoisé et civilisé, on devrait sans aucun doute considérer comme les véritables instruments de la culture tous ces instincts de réaction et de ressentiment par quoi les races aristocratiques, tout comme leur idéal, ont été, en fin de compte, humiliées et domptées ; il est vrai que ceci ne signifierait pas encore que les représentants de ces instincts fussent en même temps ceux de la culture32Friedrich Nietzsche, La Généalogie de la morale, trad. Henri Albert, Paris, Mercure de France, 1900, p. 60-61. .

La domestication de l’être humain par la culture repose donc sur le même fonctionnement logique que la mise en sécurité de soi et de l’autre par le souci. Ajoutons que si le sens premier du mot culture est encore aujourd’hui, en français, lié à la culture de la terre — ce qu’on nomme le sens propre —, dès qu’on entre dans les sens dits figurés du terme, l’on reconnaît l’idée de culture contre laquelle s’érigent Nietzsche et Klossowski. Notons en premier lieu la définition « par métonymie » de la culture :

Bien moral, progrès intellectuel, savoir à la possession desquels peuvent accéder les individus et les sociétés grâce à l’éducation, aux divers organes de diffusion des idées, des œuvres, etc. 1. Absol. Ensemble de connaissances et de valeurs abstraites qui, par une acquisition généralement méthodique, éclaire l’homme sur lui-même et sur le monde, enrichit son esprit et lui permet de progresser33Culture, CNRTL, en ligne, https://www.cnrtl.fr/definition/CULTURE 

La définition ci-haut renvoie très exactement à la forme prise par la culture lorsque considérée en tant que « somme des connaissances ». Somme qui parce que permettant l’accumulation, se conçoit comme une progression, c’est-à-dire une accumulation observable. Se soucier de, selon la logique que met en scène la figure du philosophe, consiste en un prendre soin de la somme qui vise à éviter toute inversion ou tout changement dans les parties qui la constitue, à mettre en sûreté chacune d’entre elles de façon à garantir la vérité, qui se confond avec la sécurité, du total de la somme. Or la somme des connaissances est elle-même un effet produit par le langage, un effet produit par la prise de parole, alors même que ce qui prend la parole n’est jamais, pour Nietzsche ou pour Klossowski, dominé par la raison : 

Toutefois, cette innocence existe aussi bien chez les grands philosophes : ils n’ont pas conscience que c’est d’eux-mêmes qu’ils parlent — ils prétendent qu’il s’agirait « de la vérité » — quand dans le fond il ne s’agit que d’eux-mêmes. Ou plutôt : l’impulsion en eux la plus violente se porte à la lumière avec l’impudence et l’innocence les plus grandes d’une impulsion fondamentale : — elle se veut souveraine et si possible le but de toute chose, de tout événement ! Le philosophe n’est qu’une sorte d’occasion et de chance pour que l’impulsion en arrive enfin à prendre la parole34Friedrich Nietzsche, trad. Pierre Klossowski, dans Pierre Klossowski, op. cit., p. 20. 

Se présentant au monde comme celui qui détient la vérité et qui peut la transmettre, la cultiver, la soigner, le philosophe, en tant qu’accompagnant qui se souci de, représente l’une des extrêmes pointes de la sécurité : la sécurité offerte par la culture et la somme des connaissances en tant que justifiant l’idéal de la condition humaine, l’idéal d’une progression morale infinie dont le but vise à nous mener vers toujours plus de sécurité. Cette avancée dans la sécurité est, comme le montre Hamilton et comme nous l’avons écrit plus haut, nouée plus avant par le passage par la langue latine, ce via la proximité entre cura et securitas. Ainsi, les liens entre souci et sécurité deviennent plus explicitent au sein de la philosophie latine. L’analyse proposée par Hamilton de Cicéron est à cet égard exemplaire, celle-là qui fut brièvement évoquée plus haut quant à la sécurité en tant que domination de la raison :

Fully in line with a Stoic tradition, Cicero strives toward a securitas that would quell the impulsiveness of the passions. As later in Seneca, the “care of the self” is the method by which the emotions are educated, trained to serve to sovereignty of reason […] Through the mechanisms of domination belonging to discipline, the careful instruction and construction of the self brings the body’s emotive energy into line with rational behavior. Likewise, the philosopher is concerned with the inner dynamics of his soul in order to be ultimately free of these concerns. Although Cicero never explicitly describes it in this fashion, securitas is the order achieved by reason’s domination35John T. Hamilton, op. cit., p. 56.

Alors que le mythe d’Hygin mettait en scène le souci comme nœud même de l’existence humaine, soit là où la sécurité, la sûreté, se présente comme l’opposé même de la cura, du care, du souci, en tant que le souci est avant tout inquiétude – concern, worry, la visée sécuritaire de Cicéron, « strives toward a securitas », constitue une tentative de se défaire de cet insupportable surgissement du hasard et de l’aléatoire afin de prendre part à l’ordre de la raison, de la permanence, de la culture. 

Chez Nietzsche bien sûr, le philosophe se confond souvent avec la figure du prêtre. Si ces deux figures elles se confondent, c’est notamment parce qu’elles partagent cette posture du souci de, là où le de laisse peu de place au souci ; le prêtre, qui appelle lui aussi la constellation imaginaire de la figure du philosophe, du professeur et du sage. Car on le sait, les exercices spirituels pratiqués par les philosophes de l’antiquité gréco-latine ont eu une influence considérable sur les pratiques ascétiques des moines chrétiens. Nietzsche écrit, dans la « Troisième dissertation » de La Généalogie de la morale, « Quel est le sens de tout idéal ascétique ? » :

Quel est le sens de tout idéal ascétique ? — Chez les artistes il ne signifie rien, quelquefois aussi des choses multiples ; chez les philosophes et les savants quelque chose comme un flair et un instinct pour les conditions favorables à la haute spiritualité […] chez les prêtres la véritable foi sacerdotale, leur meilleur instrument de puissance, et aussi leur « suprême » autorisation au pouvoir ; chez les saints enfin un prétexte au sommeil hivernal, leur novissima gloriæ cupido, leur repos dans le néant (« Dieu »), leur manifestation de la démence. En somme, de cette diversité de sens dans l’idéal ascétique chez l’homme, ressort le caractère essentiel de la volonté humaine, son horror vacui : il lui faut un but, — et il préfère encore avoir la volonté du néant que de ne point vouloir du tout36Friedrich Nietzsche, op. cit., p. 164-165. .

C’est l’« horror vacui : il lui faut un but », qui lient ensemble le prêtre et le philosophe : dans la posture du souci de, les deux se rejoignent. Là où se soucier de devient rapidement un acte de conservation, de soi notamment, mais aussi de la culture, dans laquelle le soi cherche à se reconnaître, à se préserver, à se sécuriser.

L’inquiétude personnifiée par Cura expose une tension à même l’idéal du soin, une tension entre une persistance de l’inquiétude, d’un souci sans but et une tendance à la sécurité, une visée utilitaire. Or du côté de la sécurité, le prendre soin de peut rapidement devenir un idéal qui en est un de mise en sûreté, de sécurité, dont les conséquences s’expriment par la mort, par l’arrêt de la vie, « no longer alive ». Ce glissement que met de l’avant Nietzsche en critiquant et rejetant la posture de la sécurité et du souci lorsque celui-ci est conçu comme mise en sûreté, ce, en tant que celle-ci est sécurisation de soi et de la culture dramatisée par l’inadéquation du langage avec le réel, est éminemment actuel. Car il permet de mieux discerner ce qui, dans toute posture langagière, tend à s’instituer : le retour du même et de la permanence, la sécurisation de la culture — sa préservation. 

  • 1
    Pierre Klossowski, Nietzsche et le cercle vieux, Paris, Mercure de France, 1969, p. 24-25. L’ouvrage de Pierre Klossowski contient ses propres traductions des Fragments posthumes de Nietzsche, auxquels aucune référence n’est ajoutée, à la seule exception d’une note à la toute fin du texte qui précise que les citations de Nietzsche proviennent toutes desdits Fragments posthumes.
  • 2
    John T. Hamilton, Security: Politics, Humanity, and the Philology of Care, Princeton, Princeton University Press, 2013, p. 10.
  • 3
    Qui sera notamment repenser par Foucault dans L’Herméneutique du sujet. Michel Foucault, L’Herméneutique du sujet, Paris, Éditions Gallimard & Seuil, 2001.
  • 4
    Pierre Hadot, Qu’est-ce que la philosophie ?, Paris, Gallimard, 1995, p. 60.
  • 5
    Ibid., p. 68.
  • 6
    Ibid., p. 63. 
  • 7
    C’est du latin cura que provient, évidemment, le terme curé : « Étymol. et Hist. 1259 « celui qui est à la tête d’une paroisse » (Rutebeuf, Règles, éd. E. Faral et J. Bastin, t. 1, p. 274, vers 126); p. ext. 1845 se dit de tout ecclésiastique (Besch.). Empr. au lat. médiév. curatus « celui qui a la charge des âmes » (xies. d’apr. FEW t. 2, p. 1558 a; v. aussi Nierm.; Du Cange et Naz, col. 902; très rare au Moy. Âge) dér. de cura, v. cure2. » (Curé, CNRTL, en ligne) 
  • 8
    Joan C. Tronto, Moral Boundaries, New York, Routledge, 1994, p. 106. 
  • 9
    Ibid., je souligne.
  • 10
    Pierre Klossowski, op. cit., p. 23-24. 
  • 11
    Ibid., p. 23. 
  • 12
    Friedrich Nietzsche, La Généalogie de la morale, trad. Henri Albert, Paris, Mercure de France, 1900, p. 53. 
  • 13
    John T. Hamilton, Security: Politics, Humanity, and the Philology of Care, Princeton, Princeton University Press, 2013, p. 10. 
  • 14
    John T. Hamilton, op. cit., p. 3. 
  • 15
    Ibid
  • 16
    Ibid., p. 5. 
  • 17
    Ibid. 
  • 18
    Ibid., p. 4. 
  • 19
    Friedrich Nietzsche, trad. Marc de Launay. Vérité et mensonge au sens extra-moral, Paris, Desclée de Brouwer, p. 15. Ce texte de Nietzsche n’a pas été l’objet d’une traduction par Klossowski. 
  • 20
    Voir Gilles Deleuze, Logique du sens, Paris, Éditions de Minuit, 1959.
  • 21
    Voir Pierre Hadot, « La figure du sage dans l’Antiquité gréco-latin », in Études de philosophie ancienne, Paris, Les Belles Lettres, 2010, pp. 233-257. 
  • 22
    John T. Hamilton, Philology of the Flesh, Cambridge, Harvard University Press, 2018, p. 142. 
  • 23
    Friedrich Nietzsche, trad. Pierre Klossowski, dans Pierre Klossowski, op. cit., p. 82.
  • 24
    Friedrich Nietzsche, trad. Pierre Klossowski, opcit., p. 82.
  • 25
  • 26
    Friedrich Nietzsche, Aurore, trad. Henri Albert, Paris, Mercure de France, 1901, p. 39.
  • 27
    Félix Gaffiot, « Cultūra », dans Dictionnaire latin-français, Paris, Éditions Hachette, 1934, p. 450. 
  • 28
    Ibid
  • 29
    John T. Hamilton, op. cit., p. 56. 
  • 30
    Pierre Klossowski, op. cit., p. 16. 
  • 31
    Friedrich Nietzsche, Humain trop Humain I, trad. Robert Rovini, Paris, Gallimard, FR 230, 1988, p. 180-181.
  • 32
    Friedrich Nietzsche, La Généalogie de la morale, trad. Henri Albert, Paris, Mercure de France, 1900, p. 60-61.
  • 33
    Culture, CNRTL, en ligne, https://www.cnrtl.fr/definition/CULTURE 
  • 34
    Friedrich Nietzsche, trad. Pierre Klossowski, dans Pierre Klossowski, op. cit., p. 20. 
  • 35
    John T. Hamilton, op. cit., p. 56.
  • 36
    Friedrich Nietzsche, op. cit., p. 164-165.