Je m’endeuille
Évelyne Marchand, originaire de Mont-Joli, a étudié la création littéraire à l’Université de Montréal à la fin des années 2010.
Le poème qu’elle publie ici a été trouvé dans son téléphone, peu après son décès, en mai 2022. Évelyne Marchand a vécu 25 ans. Ces mots sont parmi les derniers qu’elle a écrits.
Je voudrais partir en clean slate
Laisser derrière moi un vide stérile
Sans odeur qui vous prend à la gorge
Pas même au sol un linge à lunettes
Ayant glissé d’une valise mal fermée
Je voudrais partir après avoir vidé le frigidaire et
Épousseté avec soin le dessus des armoires,
Enterré mes vêtements, ma collection Beatles et
Avoir retiré de chaque tissu l’existence
Passée de mon cuir chevelu
Le deuil je veux le traîner dans mes poches, le garder
Pour moi seule en jalousie féroce – j’ose dire maladive,
Il y a longtemps que ce mot je le prononce
À outrance pour le faire petit, maladie, maladie, maladie,
Si quelqu’un doit hériter du deuil, il faut que ce soit moi.